jeudi 5 décembre 2019

Ces génies du Football qui n’ont pas gagné la coupe du monde





«  Je ne cours pas derrière le ballon rond je cours derrière les hommes qui courent derrière le ballon »  Mawade Wade, expert mondial du Football

Seule la prouesse et le génie « balle au pied » ou l’habileté et les plongées spectaculaires comptent ici, c’est  le seul critère qui vaille, mieux vaut gagner  avec la manière. Voilà ma doctrine. Le Football est un sport artistique depuis sa réinvention par les hongrois qui ont introduit la générosité, les échanges spectaculaires avant les brésiliens, les premiers systèmes de jeu viennent de l’Autriche et de la Grande Bretagne avec le fameux WM. Le Football moderne est né en Hongrie. Dès sa création par les anglais c’était un sport brut, très brutal, rébarbatif et inachevé mais c’est le génie des anglais d’avoir inventé ce sport collectif des millénaires après que les chinois ont imaginé un jeu balle au pied  mais avec la complicité de la main humaine.
C’est alors que des génies apparurent sur le tard, sortis d’on ne sait où et sur tous les continents dans tous les terrains de jeu. Qui leur a appris à jouer ainsi ? Personne ! Ils font tout simplement plaisir et chavirer les cœurs des nombreux aficionados du ballon rond. Tous ceux qui « connaissent » le football ont un jour rencontré un diable du ballon rond. La plupart sont méconnus. Et c’est mieux ainsi. Qui connait le génie de Baba Touré en dehors du Sénégal ? Peut-être le meilleur artiste Sénégalais de « tous les temps » avec les Fadel Fall, Mbaye Fall, Séga Sakho, Birame Ngom le Tivaouanois du Djaraff de Dakar, Oumar Gueye Sène, El Hadji Diouf, Sadio Mané et d’autres illustres inconnus.  Ils ont souvent eu un destin particulier.

Certains parmi eux, très chanceux, ont eu une carrière internationale et même remporté la coupe du monde. Parmi les plus valeureux génies ayant remporté la coupe du monde on peut citer le plus grand, Pelé le footballeur le plus complet de tous les temps tant au plan athlétique qu’au niveau du génie créateur, c’est lui qui a inventé beaucoup de choses qui se font aujourd’hui, il est le premier footballeur à jouer et exploiter le ballon de la semelle, ce fut une révolution comme le geste de son compatriote Rivelino qui a inventé ce que les jeunes d’aujourd’hui appellent «  le « Flip-Flap » particulièrement usité par Ronaldiho, Christiano Ronaldo et Ibrahimovic,  son autre compatriote le dribbleur hors-pair Garrincha, Léonidas le meilleur buteur  de la coupe du monde 1938 avec huit buts, et Tostao le génie qui a très tôt arrêté de jouer à cause d’un accident, il a reçu le ballon à l’œil ce qui l’a définitivement éloigné des terrains, c’est le premier « Pelé blanc » avant le génial Zico, ensuite Maradona l’extraterrestre peut-être le meilleur footballeur de tous les temps avec Pelé et Lionel Messi , malheureusement l’argentin ne  jouait pas de la tête comme Pelé mais cela ne fait rien, il jouait avec beaucoup de folie et de grâce en même temps. Certains joueurs comme les allemands Horst Hrubesch et Uli Hoeness n’ont existé que par leur jeu de tête. Jules Bocandé est l’un des meilleurs artistes de la tête  jamais vu sur un terrain de football. Ronaldinho, Zinedine Zidane et Lionel Messi qui ne l’a pas encore remporté sont  peut-être des  revenants, d’anciens footballeurs revenus enseigner aux jeunes comment faire plaisir. Les deux derniers sont très étranges sur le terrain et dans la vie.

Ont remporté la coupe du monde  Oswaldo Ardiles le virevoltant dribbleur argentin de la coupe du monde 1978 le meilleur demi-relayeur avec le français Jean Tigana, Franz Beckenbauer le plus grand libéro de tous les temps c.-à-d. un défenseur central libre, il était à la défense ce que le « numéro 10 » représentait au milieu, tout le monde se souvient de sa fêlure de la clavicule contre l’Italie pour être monté allégrement comme il savait le faire afin d’apporter sa créativité, ce qui ne l’empêcha pas de continuer et de remporter le match alors qu’ils étaient menés 4 buts à 2 à deux minutes de la fin, le surnom de Kaiser lui va tout bien, Pierre Littbarski l’un des meilleurs artistes  allemands de tous les temps qui a remporté l’Edition de 1990 en Italie avec la Mannschaft. Depuis lors je n’ai pas vu  un allemand qui possède ce style de jeu. Ni Olaf Thon, ni Rudi Völler encore moins le ballon d’or Mathias Sammer n’avaient son talent. Le talentueux gardien italien devenu une légende Dino Zoff  et le génial gaucher Bruno Conti ont  remporté España 82 ,  et les deux gardiens les plus spectaculaires Gordon Banks qui a remporté la coupe en 1966 avec l’Angleterre, et Maier « le chat » allemand en 1974 contre la Hollande. Gordon Banks est l’auteur de l’un des arrêts les plus étonnants de l’histoire du football, c’était en 1970 contre Pelé une terrible tête de Pelé.

(…)le plus malheureux et l’histoire du football est ainsi faite ce sont ces génies authentiques du ballon rond qui n’ont jamais remporté la coupe du monde. La liste est plus ou moins longue : Ferenc Puskas, Flórián Albert, Sándor Kocsis, Lev Yachine, Larbi Ben Barek, Raymond Kopa, Salif Keita, Johann Kruyff, Abdel Razaq Golden Boy, Oleg Blochine,  George Best, Bernd Shuster, Lakhdar Belloumi,  Jay Jay Okocha, Abedi Pelé, Di Stephano , Socrates, Zico, Thomas Nkono, José Touré, Enzo Sciffo, Allan Simonsen, Soren Laudrup, Denis Bergkamp, Oumar Gueye Sene, Robby Rensenbrink, Marco Van Basten, Eric Cantona,  Robert Prosinecki, Samuel Opoku Nti et Tarak Dhiab, Chérif Souleymane, Petit Sory, Laurent Pokou, Ndaye Mulamba, 

Sans nul doute le génie hollandais Johann Kruyff est l’héritier de Pelé mais par la main gauche. Il est le principal  artisan du revers du Brésil contre les Pays-Bas en demi-finale de coupe du monde 1974 par 2 buts à zéro. A la veille il disait que même avec Pelé ils allaient battre le Brésil. C’est la grande équipe hollandaise avec les Johan Neekens, les frères Van de  Kerkhof, le solide Ruud Kroll et Robby Rensenbrink  qui n’a jamais raté de pénalty.  Johann Kruyff a inventé le football tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, ce jeu rapide et très technique. Tous les joueurs que les jeunes admirent aujourd’hui appartiennent au Style Johann Kruyff. C’est lui qui a fait Barcelone avant l’arrivée de Maradona, d’abord en tant que joueur et puis ensuite comme entraineur. Ce fut un joueur exceptionnel qui a manqué la coupe du monde 1974  face à l’Allemagne. L’histoire retient les 14 passes de l’équipe des Pays-Bas sans que les allemands ne touchent la balle et la terrible percée de Kruyff dans la surface adverse avant d’être fauché par Berti Vogts. La Hollande est la meilleure équipe de Football des années 70. Son influence a traversé les océans avec ses grands joueurs chevelus qui portaient des favoris, jeunes, beaux et libres. Mai 68 n’étaient pas loin ! Le maillot batave avec la couleur orange et les culottes noires que portait l’AS KOULY de Tivaouane des années 70-80  vient de là ! Ces fabuleux joueurs comme Birame Ngom, Feu Malick Seck, Cheikh Sène, le gardien Mbaye mou Kouly, un génie, le capitaine Abdou Ndiaye, Mansour Aidara, Kamou le dakarois, plus tard Lamine Ndiaye « Commando », Aziz Gueye qui vient de nous quitter et bien d’autres sont les reflets de la Hollande et de son style de « football total ». le football est un sport planétaire.

Quant à Ferenc Puskas c’est l’un des plus grands butteurs de l’histoire avec Pelé. Le plus grand footballeur hongrois avec Sándor Kocsis,  Flórián Albert (ballon d’or européen en 1967 n’a jamais remporté la coupe du monde.) Il n’est pas loin de la barre des 1000 buts derrière Pelé qui en a marqué 1281. Il existe un phénomène étrange dans l’histoire du football, ces butteurs au palmarès méconnu, il s’agit entre autres des français Bernard Lacombe, Yannick Stopyra et du brésilien Romario, ils ont tous marqué plus de 500 buts. Ferenc Puskas est le ténor de la génération des onze d’or hongrois de 1950 à 1956, la meilleure équipe de Football de l’époque. Il a été élu  6ème meilleur joueur mondial du XXème siècle et 6ème meilleur buteur de l’histoire du football européen. Il existe d’autres types de butteurs  caractérisés par la puissance athlétique et la précision il s’agit du portugais Eusebio et du formidable butteur camerounais Roger Milla. Le premier « renard de surface » est sans nul doute le bel italien moustachu Alessandro Altobelli. Quant à Puskas il était d’une inspiration rare parmi les buteurs de l’époque : «  J’imagine que lorsqu’un bon joueur a le ballon, il doit pouvoir envisager trois options, au maximum, Puskas lui en voyait toujours au moins cinq » disait Jeno Buzanszki son ancien coéquipier.

Le marocain Larbi Ben Barek est le seul footballeur africain à trôner sur le siège mondial. Il fut considéré comme le meilleur footballeur du monde à son époque. Son seul regret est qu’il n’a jamais joué avec Pelé. « Si je suis le roi, Ben Barek est un dieu » disait Pelé. On peut imaginer fort aisément le génie de cet homme à travers les dires de Pelé. Sa plus longue carrière fut en  équipe de France (1938-1954). Né vers 1917 au MAROC, il a joué à l’USM Casablanca, au FUS Rabat et à l’idéal club de Casablanca avant de monter en Europe où son talent a littéralement explosé à l’O.M, au Stade Français et à l’Atletico de Madrid. Champion d’Espagne avec l’Atletico en 50-51, il obtient la super-coupe avec la même équipe, il a été aussi champion du Maroc et de l’Afrique du Nord avec l’union sportive marocaine. Il était là avant les génies ghanéens Abdel Razak, Opoku Nti et Abedi Ayew dit « Pelé ».

Alfredo Di Stephano est le plus grand footballeur Argentin avant que n’arrivent les stratosphériques Diego Armando Maradona et Lionel Messi. Avec Kruyff c’est le génie le plus malchanceux, du moins face à la coupe du monde qu’ils n’ont jamais remporté. Alfredo Di Stefano « Le ballon d’or des ballons d’or » comme il a été élu en 1989 est avec Ferenc Puskas et Christiano Ronaldo l’un des meilleurs footballeurs qui ont évolué au Real de Madrid. Naturalisé espagnol après avoir quitté River Plate, il fait exploser tout son génie au Real pendant onze ans. Il est sans nul conteste le joueur qui a le plus marqué l’histoire du Real de Madrid devant Zidane, Raoul et Christiano Ronaldo. Un autre génie virevoltant et fantasque, unique dans son genre est le beau gosse et grand fêtard George Best. L’un des meilleurs footballeurs de tous les temps, l’un des meilleurs dribleurs, avec l’ukrainien Oleg Blochine, Garrincha et Pelé. Un dribleur long ou court selon la situation.

Quant à Socrates il est le footballeur le plus élégant. Il ne mouille jamais volontairement le maillot, toujours élégant avec ses dribbles, ses feintes et ses passes millimétrées, on dirait un « poète » sur le terrain. Ce grand militant de « l’égalité des chances et de la communauté de gestion  au football» est un homme exceptionnel. En équipe nationale Zico le Pelé blanc n’existerait pas sans lui. En 1982 il était certainement avec celle de 1970, dans la plus belle équipe de l’histoire du Brésil avec les Antonio Serezo, Junior, Zico, Eder l’ailier gauche qui ne déborde jamais, son génial coup de pied gauche lui suffisait..  Cette page ne suffit pas pour raconter l’histoire de tous ces génies qu’il nous suffit de simplement connaitre et citer à l’intention de tous…

Khalifa Touré
Sidimohamedkhalifa72@gmail.com







jeudi 21 novembre 2019

Jack Kerouac, Dieu, la littérature, l’amitié, la bonté…





 « Satori à Paris » est  l’une des dernières œuvres, peut-être la dernière  du grand écrivain américain Jack Kerouac, dont il est convenu aujourd’hui qu’il est le chef de file de la Beat Generation qui est à la fois un courant littéraire, artistique, poétique, un mode de vie, une philosophie de la révolte, une contre-culture face à une société en « crise ». 
Malgré le capitalisme envahissant, les américains aiment les groupes, les courants d’idées, les clubs, les lobbys et les mouvements d’ensemble. Après la Lost Generation des grands romanciers-écrivains-philosophes américains, Ernest Hemingway, John Steinbeck, TS Elliot, Gertrude Stein  et autres écrivains américains de l’entre deux guerre, voilà que surgit la beat generation courant artistique qui a produit une formidable littérature contestataire à tout point de vue, qu’elle soit formelle( pas du genre nouveau  roman, du tout) ou  même thématique.  Un courant littéraire est d’autant plus excitant et ancré qu’il s’inscrit dans  le récit national et  la culture, qu’elle produise une manière de vivre et qu’elle soit le fruit d’une manière d’être. En fait les Beatnik comme on les appelle, il faut dire que le mot est rejeté par Jack Kerouac lui-même,  sont une contreculture face à l’idée  dominante américaine, la pensée sociale unique,  qu’elle trouve corsetée, cloisonnée dans l’hypocrisie et les faux-fuyants.  Selon Barry Gifford l’ami du grand cinéaste David Lynch, , la Beat generation c’est  essentiellement trois écrivains majeurs Jack Kerouac, Allan Ginsberg et William S Burroughs. Un point de vue que je partage.
 Les autres sont venus après et formeront cet attirail hétéroclite autour de l’idée informelle de révolte contre le conformisme culturel. Il faut dire que « Sailor et Lula » de Lynch qui a remporté la palme d’Or à Cannes est typique de l’esthétique de la Beat generation. Tous ces cinéastes d’aujourd’hui qui pratiquent merveilleusement la « Road Movie » comme l’allemand Wim Wenders ont subi une influence tardive de la beat generation surtout l’œuvre du maitre Kerouac « Sur la route ».  Le road movie c’est du « sur la route » cinématographique qui présente l’avantage narratif de marcher sur la perte et le gain qui est le principe même du mouvement et de la vie en générale.
La beat generation présente cette esthétique musicale, rythmique,  poétique d’une écriture avec un certain tempo régulier, mais aussi ce côté cassant fatigué, et harassé d’une vie écrasée par la modernité. Ce qui crée expressément une distorsion littéraire très agréable et très simple. Dans la simplicité il y a beaucoup de sous-entendus, plein d’insolence.  La Beat Generation  a produit des chefs d’œuvres après la grande guerre(1948) jusqu’aux années 60 comme le Fameux SUR LA ROUTE de Kerouac et le FESTIN NU de Burroughs qui sont des œuvres-culte mais des chefs-d’œuvres d’imagination artistique.

Il faut dire que le chef de file Jack  est devenu fameux bien après, après que l’incompréhension et l’étroitesse d’esprit sont passées de mode. La lecture de SATORI A PARIS  m’a fait découvrir, un autre Jack Kerouac, loin des clichés, très loin de l’artiste vagabond même s’il a écrit LE VAGABONG SOLITAIRE, un Jack Kerouac raffiné,  très raffiné, savant, très cultivé à la manière de Louis Ferdinand Céline qu’il a beaucoup lu ; c’est Céline qui disait «  mon problème c’est que je suis un homme raffiné ». Un vagabond raffiné que cet écrivain américain d’origine québécoise donc française né en 1922 à Lowell dans le Massachussetts, rien à voir avec la culture du roman des  grands écrivains du sud des Etats-Unis, il va créer LA LITTERATURE DE L’INSTANT, cette écriture qui feint d’être spontané, qui tente de casser le verbe mais qui reste très bavard, très orale, très populaire. Il deviendra cet écrivain-culte symbole d’une contre-culture après avoir déposé le manuscrit de son chef-d’œuvre SUR LA ROUTE chez son éditeur et partir faire le tour du monde. Jack Kerouac est un écrivain désinvolte et raffiné.  Et c’est le goût du voyage, de l’ailleurs et des équipées sauvages qui l’emmèneront à entreprendre ce Pèlerinage dans son pays d’origine, la France ; C’est après avoir lu Châteaubriant,  Voltaire et Montherlant qu’il se décida à quitter la Floride et se rendre en France pour étudier l’origine de son patronyme. Il faut dire que les Kerouac  sont bretons et ce sera le sujet, le lieu et le temps même de ce récit autobiographique qui nous permet de visiter les bibliothèques de France, les cathédrales, les hauts lieux de la culture et découvrir la manière d’être et  de faire de ces gallo-romans de l’hexagone,  d’interpréter les choses à la française, le décalage culturel etc.  
Les dix jours passés en France à trimballer entre Paris et la Bretagne lui feront subir ce Satori, ce sentiment d’illumination qui est le sujet sous-jacent du livre. Il écrit : «  Quelque part, pendant ces dix derniers jours passés à Paris ( et en Bretagne), j’ai reçu une sorte d’illumination, qui semble-t-il, m’a une fois, de plus transformé, orienté dans une direction que je vais sans doute suivre, cette fois encore, pendant sept ans de plus : bref ça a été un satori : mot japonais désignant « illumination soudaine », «  un réveil brusque », ou, tout simplement, un « éblouissement de l’œil »
Il  lui semble que le Satori a été provoqué p ar un chauffeur de taxi nommé Raymond Ballet, mais il n’est sûr de rien, par moments dans récit, il l’attribue à d’autres faits,  d’autres situations. Il l’attribue  quelques fois à ces longues discussions et bavardages avec de jeunes français dans un bar, pourquoi pas à  au Requiem de Mozart entendu quelque part, il n‘est sûr de rien. C’est la nature,  l’essence même du Satori qui est un moment  subliminale, mystique qui peut arriver à n’importe qui d’entre nous à la suite d’un voyage long ou cours, des rencontres nouvelles et qui change complètement notre vie, notre perception du monde.    Page 61 par exemple
Jack Kerouac qui « se cache derrière le narrateur » est venu en  France pour savoir qui il est, entreprendre des recherches poussées sur sa généalogie, un sujet difficile délicat et dangereux, on ne sait pas si on peut tomber sur un ancêtre tueur en série, génocidaire ou déserteur… l’auteur va vivre des moments palpitants où l’occasion lui est  donné dans ce livre de jeter un regard réaliste et  beaucoup d’humour noir sur la vie française. Alors Jack Kerouac nous fait découvrir sa grande culture, ses références littéraires françaises, Balzac,  Hugo, Chateaubriand, il parle même  d’un  Sénégalais un certain Pape Kane, au passage ; c’est un récit où il y a plein de choses de la vie française et du caractère des hommes en général.  Etonnamment Jack Kerouac a une grande maitrise de la sémantique historique française et il parle de l’origine des mots sans lourdeurs scientifiques, c’est un livre agréable, délicieux, une grande  comédie humaine.  Des phrases inoubliables, agréables et parfois d’un génie insolent : « 
-          Ce récit que je fais uniquement par amitié, ce qui est, parmi beaucoup d’autres (celle que préfère), une définition de la littérature
-         Mais sentant la sinistre odeur de « littérature » qui flotte autour de moi…
-         Je suis trop esclave du bavardage et de la langue, la peinture m’ennuie, et il faut toute une existence pour apprendre à peindre
-         - Aussi séduisants que soient l’art et la culture, ils sont inutiles s’il n’y a pas la sympathie,
-         Les poètes de génie ne sont que décorations murales s’ils n’ont pas la poésie de la bonté et de la Caritas »
Khalifa Touré




dimanche 29 septembre 2019

« Le mystère Elle Fanning » par Khalifa Touré




Il est des personnes humaines qui sont tout simplement des créatures, des fabrications du temps, un long temps mystérieux, lointain, longtemps comme on dit …Des figures du passé qui viennent passer leur vacances sur terre après un milliard d’expérience. Avant notre temps-là, il y avait un autre temps et avant cet autre temps il y en avait un autre dont le début est la fin donc ni début ni fin dans un flux continu.

Nous sommes tous faits du même moule originel de Dieu. On pense qu’elles     sont rarement actrices, mais elles peuvent l’être, comme toutes les figures évidentes de la Religion, des Arts, des Sciences. Le mystère est de nature effrayante, il fait des tours de passe passe aux hommes et femmes sceptiques des temps modernes qui arpentent les chemins sinueux du paradis perdu.  La jeune actrice américaine Elle Fanning est surtout d’un physique tellement mystérieux qu’elle ne laisse pas indifférent les mystiques .Sa beauté est d’un étrange qui frise l’insolite tellement elle est grande pour son âge. On ne peut la regarder sans penser à une espèce de  la nature belle et sauvage. Comme Michelle Morgan (les plus beaux yeux du cinéma français) avait tapé dans l’œil du Cheikh Tidiane Sy : «  Michelle Morgan plus qu’une belle actrice avait surtout une grande présence » disait-il. La présence, c’est tout ce qui compte chez une personne humaine, une âme agissante, un comédien, une actrice. Simone Signoret est d’une présence imposante presque tyrannique, à la télévision avec « Madame le juge » comme au cinéma dans « Casque d’or » de Jacques Demy avant que le temps ne la défigure.
Mais la jeune Elle Fanning  est tout autre, elle fera long feu  si le mauvais œil ne la frappe pas ou un geste malin du sort ou bien les suggestions diaboliques du cinéma mercantile. Son Karma peut la protéger contre les mille et un dangers de la vie mondaine, les non-dits et les disparitions mystérieuses comme celle du jeune  Heath Ledger après sa fabuleuse interprétation du Joker dans Batman. Jack Nicholson qui est coutumier du rôle avait dit de se méfier du personnage. Le Joker serait possédé par le diable.   Elle Fanning  est peut être plus   ancienne qu’on  ne le croit, personne ne connaitra son véritable nom qui  est caché à l’intérieur; elle ne le sait même pas. Son physique est asymptotique à perfection. Lorsque les âmes atteignent un certain niveau de vie et de maturité, dans n’importe quel corps elles dessinent les contours du physique de la personne, en l’occurrence ici une fillette, un enfant édenté, rieur avec sa sœur Dakota Fanning, devenue une actrice mature à l’expression  physique parfaite courue aujourd’hui de toutes les marques de vêtement et surtout de parfum. Qui l’eût cru. Cette fillette toute menue, chétive et déjà présente dans  le fameux Babel de Alejandro Gonzalez Innaritu, Somewhere de Sofia Coppola, une timide et ambiguë adolescente dans Les proies,  devenue une comédienne attitrée avec une riche filmographie d’une trentaine de films en moins de vingt ans. Elle se retrouve aujourd’hui dans le Jury de la sélection officielle du Festival de Cannes avec le même Innaritu comme président ! Rien à voir avec la chance. Il est des êtres à qui il n’arrive que du bien. Ils sont en vacances  sur terre. Tout leur réussi. Une succession mystérieuse, incroyable, inadmissible de bonnes choses leur arrivent à tel point que l’on s’interroge sur l’âme qui les habite. Beaucoup de succès fabriqués sont vite défigurés par le couperet implacable de la vérité du temps. La réussite est de l’ordre du mystère. Elle se passe à l’intérieur d’abord.

«  Le génie c’est l’expérience. Certains semblent croire que c’est un don ou un talent mais c’est le fruit de la longue expérience de plusieurs vies. Certaines âmes sont plus anciennes que d’autres. Elles en savent plus long » disait le grand industriel américain Henry Ford qui a réalisé de grandes choses et qui était peu ordinaire comme le général Georges Patton et le milliardaire et industriel Jean Paul  Getty. Jusqu’ici on ne s’interroge pas suffisamment sur la vie de  Casanova, Raspoutine, Louis XV, Madame de Pompadour, Orson Welles…  Qui étaient-ils réellement ?  «  Seul Dieu connait mon nom » disait Victor Hugo.  Les grandes choses se cachent souventes fois dans la mondanité, les postures, les apparitions et le physique. C’est le cas certainement de Elle Fanning qui nous cachent réellement son être profond   par cette beauté qui n’en est pas un parce qu’elle cherche surtout le vrai. Une  beauté tiraillée entre la timidité qui échappe à la niaiserie enfantine et un cou incroyable de Girafe ou de Chameau, une blancheur laiteuse qui échappe à la pâleur et une taille effrayante pour ce naguère enfant. Elle Fanning est d’une beauté gênante. On a du mal à la croire dans cette peau. Les esprits peuvent se cacher partout ou n’importe où, dans le corps d’un comédien, d’un inventeur, d’un grand sportif ou d’un musicien. C’est l’une de leur expérience de vie. Il arrive que l’âme informe tellement l’apparence humaine, exerce son empire tellement sur le corps qu’il lui donne une forme parfaite ou défigurée. Alors elle attire les âmes soupçonneuses, les âmes savantes, les « sachants » parmi l’ordre,  qui cherchent la réalité et l’information au-delà des choses et des êtres. Dieu protège encore Elle Fanning pour encore une grande expérience de vie ! L’on ne peut dire ou écrire que ce dont on a l’expérience.

Khalifa Touré/ Critique littéraire et Cinéma



jeudi 11 juillet 2019

Ecrire pour quoi, écrire pour rien, écrire tous les jours ?




A quoi bon écrire si ce n’est pour voir l’œuvre de sa vie conspuée et regardée avec une morgue hautaine par les bourgeois de troisième génération ? Ils vous achètent quelques bouquins pour se faire bonne conscience et décorer leur palais construit avec l’argent faisandé du commerce de l’Afrique.

« L’Etat honteux » comme disait le fou furieux poète congolais ! La Société sans vergogne, l’Elite déconfite. Faites gaffe ! Méfiez-vous des anciens pauvres qui ne seront jamais vraiment riches, c’est-à-dire  riches de la lassitude d’être riche, riches du bonheur d’être riche au-delà de l’argent. C’est à croire que l’argent est sale. Mais que non ! Les alchimistes, les vrais détenteurs du pouvoir de transformation l’ont compris au-delà de tout fantasme autour de la pierre philosophale. Toute transformation surtout celle du nom de Dieu est alchimique. Il faudra un jour  écrire au-delà de tout loin des miasmes sordides du pétrole brut.

Les scribes se contentent des miettes que leur jettent ceux qui sont haut perchés et attendent de dégringoler dans un bruit à vous crever le tympan. Nous sommes bien loin de l’Egypte antique qui ne cesse de nous parler à travers parchemins et Papyrus décryptés jusqu’au palimpseste. Il y a tellement de scribes en ce pays, ouvriers de l’écriture arabesque qui transcrivent à longueur d’années toutes les formules chimiques du bonheur, des versets coraniques opérationnels, loin des préoccupations pseudo-esthétiques des apprentis écrivains. Il y a en ce pays des scribes professionnels qui répètent sur papier blanc avec encre noire, des millions de caractères mystiques pour gagner quelques milliers de francs, d’autres quelques millions, eh oui, ils sont rares. Le produit de leurs œuvres d’écriture mystique est ingurgité par ceux-là même qui s’empresse de les traiter de charlatan en public mais qui nuitamment vont solliciter leurs services. L’écriture est partout !

Attention fuyez ! Ils vont tuer, massacrer, génocider dans leur grande chute mortelle, ces pouffiasses.  Ah ! que ça fait du bien lorsqu’un criminel choit. Un peu de cynisme ça ne fait pas trop mal tout de même.  Ce doit quand même faire drôlement mal la chute éléphantesque de ces animaux sauvages qui dirigent le monde. Il n’ya guère, leurs rires narquois et leurs œillades sataniques se  gavaient de la misère noire de l’écrivain, noire comme le pain noir de la sombre misère. « Du pain, du pain, du pain » est le cri sourd et pudique des misérables dans leur évolution germinale. Ah la classe moyenne supérieure, quand tu nous tiens ! Les anciens  pauvres empêchent la révolution. La classe moyenne supérieure est la muraille de Chine, pardon (sacrilège!),  la muraille de la honte qui a oublié les mâcons du cœur. Une position de classe précaire, sans conscience politique de classe. Pour elle, l’essentiel est d’être là-dedans. Regardez-les jubiler, se pourlécher les babines en un geste lubrique ! Ils ne savent pas que le mirliton chante mieux que le bâton de Maréchal. D’ailleurs le bâton ne chante pas. Sinon il chante faux. Le chant rocailleux, caverneux, effrayant et braillard des intellectuels qui n’ont même pas l’excuse d’être organique. Les invertébrés ont quand même un organe. Ils sont au-dessus de la terre. Ils rampent au moins vers quelque chose. 

 Les intellectuels c’est comme les femmes, ils sont fascinés par le pouvoir. Trop fascinés, presque tétanisés parce que  regardant fixement et pendant des siècles le pouvoir politique aux mains de psychopathes en costard. Les politiciens leur en ont fait baver.  Mais je préfère les femmes, elles valent mieux que les intellectuels. Elles sont belles, mais pas toujours. Elles sont la sève nourricière. Permettez cette psychanalyse de cuisine. Elle vaut ce qu’elle vaut puisque nos mères, nos épouses ne cessent de cuisiner pour nous. La cuisine,  le laboratoire le plus intelligent.
Il n’y a pas plus moche qu’un intellectuel dans la cour du roi. Sur cette terre foulée et pourrie par des millions de pieds assassins, il n’ya que la beauté qui compte.

Va-t-en ! naguère grand prix du chef de l’Etat pour des lettres illisibles jusques aux palimpsestes. Reste dans ton Nord de misère hautaine jadis Saint-Louis du Sénégal. Les pauvres ! Ils ne savent pas que le Nord, comme l’Orient musulman, est la boussole. A quoi sert de savoir où se trouve le Nord  si les entrepreneurs politiques ont périclité ? Mon cher conteur-Ifé, tu vas dormir dans la rue. Ça leur est égal ! Parmi tes semblables, diront-ils. La rue n’est elle pas le gîte naturel du poète ? Commentent les experts en histoire littéraire préfabriquée. Ils vous réciteront des « Charles Baudelaire était pauvre comme Job. Il allait chercher des catins jusqu’en Europe du Nord. George Orwell, le dernier prophète de la littérature, est mort clochard. Céline le gueux, l’un des deux seuls maîtres de la parole française (avec Aimé Césaire) a quand même terminé un bouquin quelques heures avant la mort !»… Et patati et patata ! Tous victimes de la division internationale du travail, ces forgerons de l’imaginaire. Le chien aboie la caravane s’arrête  au dessus des dunes. Chien philosophe parle-nous ! Au secours le règne animal veille sur nos consciences corrompues par l’argent blanc mal blanchi. Le chien de l’écrivain est tendu de façon priapique comme le chien du fusil. Bang ! Coup de feu, coup de sang dans les veines révolutionnaires du poète national Ibrahima Sall. Alors la race des profiteurs aux abois tombe et se remet debout. 

Les voleurs ont la peau dure. Livrons-les tous  au guérillero de la banlieue ! Il va tous les passer à la Kalachnikov des langues africaines, avant que la société indiscrète des écrivains francophiles le mette au ban. Mais l’ombre  du pharaon Anta Diop lui viendra au secours. La doublure mystique de Bandiagara viendra guider la fabrication du Grand Livre, le livre ultime que l’argent ne pourra acheter. Il sera idéalement exposé, Le Livre, et le peuple viendra s’agenouiller, se recueillir en une prière salvatrice devant les mots balsamiques du poète de la Nation qui nous viendra des limbes de la vérité. A quoi bon écrire ?     
Khalifa Touré


mercredi 22 mai 2019

L’envie tue la société à petit feu : C’est ainsi que meurent les jeunes filles en fleur



 « Dis : je cherche protection auprès du Seigneur de l’aube naissante, contre le mal des êtres qu’il a créés, contre la mal de l’obscurité quand elle s’approfondit, contre la mal de celles  qui soufflent sur les nœuds et contre le mal de l’envieux quand il envie » Le Coran

C’est moins la jalousie, sentiment galvaudé, que l’envie qui pose problème. C’est dans l’envie que git la bête immonde, la crapule dégueulasse qui pue de la plus nauséeuse des puanteurs. Ce n’est pas de la jalousie comme celle de Dimitri dans les Freres Karamazov de Dostoïevski, cette jalousie fiévreuse, ridicule et même risible qui se nourrit d’elle-même, qui s’invente pour exister, cette jalousie pathologique qui ne fait pas grand mal puisqu’elle tient de l’amour, ce n’est pas cela. Dostoïevski a ainsi écrit les plus belles pages sur la psychologie de l’homme jaloux. Chose étrange et peu remarquée est que les écritures saintes des religions, l’Islam et le christianisme pourfendent l’envie au lieu de la jalousie. Telle est la remarque ainsi faite par le seul philosophe vivant  que fréquente : Yves Gallezot. C’est que la jalousie n’est pas l’envie.  

Ce jeune félon de Tambacounda a tenté de violer et puis finalement tuer par envie, sentiment anodin et même bénin pour certain   mais en vrai c’est la tumeur maligne qui ronge l’âme de la société. Nous sommes dans une époque à l’atmosphère faisandée ou les miasmes morbides de l’envie et  de la convoitise prennent le chemin du  « Jardin aux sentiers qui bifurques ». Mais heureusement l’écrivain argentin Jorge Luis Borges auteur de l’expression puis du recueil de nouvelles fut un homme clairvoyant et lucide malgré sa cécité. Le point commun entre ces deux références est seulement l’incompréhension, l’incompréhension face à cet acte odieux de ce jeune assassin qui n’a réfléchit qu’en dessous de la ceinture comme tous ces jeunes amis qui hantent les cercles de thé, qui parlent jours et nuits dans un vocabulaire incohérent. Personne ne remarque cette manière misogyne et imbécile de désigner les filles ; « Xale bi » en wolof ou la petite, la minette,  comme pour dire que la gent féminine n’est faite que pour ça ! Elle est éternellement mineure.

L’argent, le sexe et le pouvoir sont des mobiles à la fois suffisants, constants et probants. Pour le jeune énergumène de Tambacounda, le sexe est le mobile flagrant mais aussi le pouvoir qui est  la cause psychologique de tout crime. Ceux qui tuent veulent prendre possession de tout et exister comme maitre de la situation. Ils sont faibles en vérité ! Le processus criminel est une mécanique implacable chez William Faulkner, lisez «  Le Gambit du cavalier ».  Dès que le premier geste malveillant et apparemment anodin est posé, le tueur fût-il le jeune homme le plus doux apparemment, ne pourra plus s’arrêter, l’instinct de mort le domine et se substitue à la satisfaction sexuelle pour devenir son prolongement. Ce n’est pas pour rien que  le plus grand nouvelliste français, Guy de Maupassant a écrit « Fort comme la mort ». Le sentiment d’ôter la vie est plus fort que le sexe, tout cela relève de la perversité. Quant à Dostoïevski, dans « Crime et Châtiment » le processus criminel est de la psychologie des profondeurs. Que devient l’âme de celui qui tue ? Une grande lumière s’échappe du criminel, la lumière de vie, il devient un mort vivant voué à l’enfer. L’enfer est plus terrifiant que ce l’on dit. C’est la confrontation avec l’Eternité. Il s’agira de  faire le grand tour qui durera en millénaires  incalculables. Ce sera la confrontation à la transmutation, à la transformation sous forme de régression de vie. C’est terrible. « Tu ne tueras point ! »
Tentez de violer une fille, vous finirez par la tuer volontairement même si au début l’intention n’était pas là, surtout lorsqu’elle se défend.

Sous nos tropiques qui ne pleuvent plus, la seul poète sénégalais qui vaille Ibrahima Sall , à la veille du grand prix du chef de l’Etat pour les lettres a écrit, sur la puanteur nocive, les sentiments corrosifs, les postures sociales qui tuent et qui,  il y a quelques « instants » faisaient rire ou souffrir : «  Riches ? Les excréments n’ont d’odeur tout comme le Dieu Argent. C’est une fosse commune pour les aisances de tout un chacun. Dieu sait que l’homme ne peut, ni  n’a le droit de sentir mauvais » Lorsque par un « programme collectif pernicieux » on en arrive à pousser une société à l’envie servile, l’esclavage de l’envie, l’envie de tout, l’exhibitionnisme odieux, le m’as-tu-vu chronique,  on verse dans l’économie politique de la convoitise mortelle, du vol, du viol, de la rapine, de la trahison et de la félonie comme disait les anciens. Nous sommes dans une société de la monstration et non de l’occultation.

 Quoi de plus naturel que l’envie dirait-on. La nature a bon dos ! Et quid de la culture ? Le Jeune Jean Jacques Rousseau viendra nous sauver avec son printemps éternel. Nous sommes dans « l’hiver » de nos vies gangrenées par les choses factices et rutilantes qui sont exhibées au vu et au su de  tout le monde,  au nez et à la barbe des anciens au regard interloqué et surtout devant une jeunesse désorientée qui n’a que faire sinon… envier jusqu’à la mort, envier jusqu’à violer sa voisine parce qu’elle est dans les canons de beauté apparente préfabriqués par l’industrie et la culture du spectacle. Bientôt certaines filles n’apparaitront plus à la télé, parce que trop noires, trop rondes et donc très moches et qui par-dessus le marché ne savent pas grasseyer comme il faut. L’envie et le manque de vigilance sont passés par là ! Nous passons tout notre temps à envier non pas aimer! Nous en sommes arrivés à l’époque où ceux qui envient haïssent en même temps. Il n’y a plus de champs pour cultiver le gout des autres et l’amour des choses simples. Les jeunes n’hésitent plus à reluquer la femme de leur copain et même en parler ouvertement. La malveillance juvénile existe, il ne faut pas se leurrer. Pire il y a la malveillance infantile. Lisez le terrible « Le marin rejeté par la mer » du Japonais Yukio Mishima. 

Nos codes éducatifs sont fondés sur la matérialité et le désir de prendre, posséder et finalement voler. Le poète a dit « Il buvait le chef-d’œuvre exposé à sa seule concupiscence. Elle dévorait le monstre de métal qui glissait sur le macadam. L’hommage palpébral que le jeune homme rendait à la créature de rêve était reversé aux mille antipodes d’une beauté de carrosserie rutilante. C’était le siècle où les jeunes filles épousaient  des machines sophistiquées »  Voilà le chef-d’œuvre de l’envie moderne exposée Ibrahima Sall en toute clairvoyance dans « les routiers de chimère. » En ôtant la vie, le tueur a voulu « défaire la beauté de la jeune fille » selon le mot de Kawabata, mais il ne l’a pas réussi. Bineta Camara a sauvé son honneur jusqu’à la mort. Paix à son âme !

Khalifa Touré
Critique littéraire
Sidimohamedkhalifa72@gmail. Com


mercredi 10 avril 2019

A quoi sert la vieillesse ?


   




La vieillesse, ce n’est pas forcément l’âge de la sagesse ou une bibliothèque sur le point de brûler, c’est l’heure du décompte des erreurs et des imperfections. C’est le moment de se taire à jamais sur nos faiblesses et bassesses, nos multiples crimes non avouables puisque nous avons traversé « le fleuve-oubli ». C’est la période où l’on jette un regard lucide sur nos vains succès, nos réalisations utiles qui ne font que nous rapprocher d’un pas, un pas seulement vers la perfection, le chemin est long pour tous.  

 Les vieilles personnes ne sont pas forcément heureuses en  ces  temps de gérontophobie, et d’irrespect inqualifiable envers les aînés. Elles traînent quelque chose de lourd, le poids des âges, tous passés à agir, à penser, à dire et à faire. En l’occurrence une grande lourdeur pèse sur leurs épaules, la vérité est que rien ne se perd, tout est là gardé quelque part inscrit dans le grand parchemin de la vie éternelle . Nous sommes immortels, impérissables, voilà le problème, il n’y a de sagesse et de sainteté que l’expérience intérieure et spirituelle des grandes terreurs du passé de l’humanité, des terribles purifications « naturelles » mais aussi des grandes époques d’illumination qui aident l’âme humaine au discernement, à la lucidité, à la grande compréhension de ce qu’elle est véritablement. Les jeunes africains s’entrainent maladroitement à jeter les vieux à la poubelle en faisant des choses qu’ils ne comprennent pas. Parfois les vieux choisissent de mourir collectivement. C’est comme s’ils se donnaient le mot « Allons-y ensemble ! ».  Et tout un quartier est dégarni en une année. Il n’est plus rare de remarquer que les vieux partent dans la même période. Une manière d’accélérer le renouvellement, personne ne veut rester seul ici, dans la solitude totale, désarmé devant une jeunesse au langage corporel difficile à déchiffrer. Le moyen âge est là, classe moyenne prolétarisée et pseudo bourgeoise parfois, qui est occupée à aller et venir prétendant développer le pays. Quel pays ? Le pays n’existe pas ! Un pays sans les vieilles personnes !

C’est cela l’avantage de la dernière vieillesse, alors commence la marche vers la perfection. Il faut du temps, beaucoup de temps à l’âme pour « savoir », atteindre la sagesse pour certains, l’illumination pour d’autres ou encore  le paradis.  Mais il existe des formules pour raccourcir la marche de l’âme. La vieillesse est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. Il n’y a pas plus malheureux qu’un mort-né. Seuls les initiés entendent leur cri strident. « J’aurai du rester ! », mais d’autres choisissent de vite repartir face à la dette, à l’illettrisme, au scepticisme, à la pollution atmosphérique, à la politique contemporaine, aux injures … L’actualité du monde agit sur les âmes.

Les vieux d'aujourd’hui sont plus inquiets que les vieilles femmes qui ont plus de finesse, elles savent négocier et même se rendre complices s’il le faut, de la dictature puérile des jeunes.  Que faire ? Tous les moyens sont bons pour survivre en ces temps apocalyptiques. Lorsqu’on atteint l’âge de la vieillesse  on est confronté au mur du silence ; les « gens » font semblant de vous écouter. Il y a quelque chose de tragique dans la vieillesse de « la fin des temps », aucune civilisation n’y échappe, cette tragédie est dans le regard impuissant et amoureux que les vieux jettent sur une jeunesse qui commet les mêmes erreurs. Mais l’histoire ne se répète jamais. Les grandes périodes sont plusieurs fois millénaires. Tous les cent mille ans il y a une Révolution cosmique, la vraie, la seule.

Un vieil écrivain, dernier empereur gallo-romain, qui a dirigé un vieux pays à la forme hexagonale pensait que «  la vieillesse est un naufrage » : autoflagellation, autodérision ou lucidité d’un rhéteur avide de formules ? Mais il faut convoquer la litote pour comprendre ce vieux gaulois. En Afrique, au Sénégal, une vieille chanteuse au teint très noir(les femmes noires ne sont plus tout à fait noires), une cantatrice à la voix presque masculine dira la formule finale adressée à la jeunesse : «  Ils auraient eu pitié de vous s’ils étaient vos géniteurs » formule mal traduite, mais le sujet de la vieillesse en vaut la chandelle. A l’époque ceux qui trépignaient au son de cette musique entrainante ne comprenaient pas le message, elle annonçait la période du suicide collectif dans l’Atlantique pour fuir la misère, la vraie misère et la misère imaginée, toutes les deux provoquées par l’échec des élites.

La vieillesse est un sacerdoce, un grand service rendu, ne serait-ce que d’avoir été là, d’avoir fait son chemin. Poursuivre son destin jusqu’au bout c’est le but de la vieillesse.

Khalifa Touré



vendredi 15 mars 2019

Oraison funèbre à Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum





Ô grand esprit magnifique ! Es-tu celui qui était là lorsque rien n’était… Sauf la face Sublime de l’Etre Suprême.
Ton odyssée à travers les corps, les âges, les époques, les climats et les saisons nous reste inconnue aujourd’hui tombée dans les abysses de l’insondable Mystère. L’Homme cet inconnu ! Tu es encore parti pour toujours noyé dans la totalité de l’humanité ultime. Comme le général à la crosse d’ivoire Patton  le preux chevalier tombé après la guerre, l’âme ne soutenant plus la vie monotone de cette paix factice :
A travers l’enfantement des siècles
Au milieu des pompes
Et des vicissitudes de la guerre
Je me suis battu
J’ai lutté désespérément
Et mon sang a coulé des milliers de fois sous les étoiles
Comme tout au long d’une route éternelle
De voir cette lutte immémoriale.
J’ai combattu sous bien des noms
Sous bien des costumes.
Mais c’était toujours moi. »

Enfin pour toi mais hélas pour nous ! Reviendras-tu imparfait, insatiable et soucieux, sous d’autres formes ? A l’orée du Sahel, dans cette ambiance crépusculaire, l’esprit fatigué par les allées et retours incessants s’est enfin libéré des velléités de la corporéité. Libre enfin de toute attraction, dansant allégrement, trépignant vigoureusement, gambadant à souhait, bondissant à jamais et chantant gaiement le Nom Inconnu. Cent vingt neuf mots (129) de l’Attribut de la Subtilité ( Ya Latif) pour dire notre tétanisation devant l’événement comme Mansour Halladj l’incompris devant la Kaaba, pendant longtemps. A l’image de Samy Davis Junior le génial nègre danseur que tu as chanté en l’un de tes poèmes mystiques lui intimant l’ordre de claquer les talons en l’honneur des houris femmes du Paradis.

Qui se souvient de  cet inconnu, Apôtre magnifique de Jésus fils de Marie ? Disparu pour de bon, ô esprit divin tu as tenu l’outre pleine d’eau auprès de l’homme qui a marché sur l’eau par la volonté du Nom Suprême. Tu étais là bien avant les siècles derniers  comme Souheyl Abdoulahi Toustéri qui dit se souvenir de Yawma Alastou le grand jour où toutes les âmes ont acquiescé. Ta fascination pour Issa Ibn Mariam, le Souffle de Dieu, a valu à Aldo Moro prince-martyr d’Italie le secours possible du prophète Muhammad Le Paraclet, Paix Bénédiction et Salut à son âme pure.

Ô grand esprit ! Pourquoi tant de tourbillon de la pensée ? La déroute des faibles d’esprit t’a valu bien des reproches. Le coq à l’âne des sottes gens parmi les hommes est une symétrie du langage mystique dans ton vocabulaire qui défie la pesanteur pour entrer dans l’abstraction. Tu as défié l’intelligibilité de façade par la Mahrifa, la métaphysique et la cinquième dimension. Sorti de l’ombre de la retraite et de l’incubation mystique tu nous libéré du Nassoute entrainé, exercé, accoutumé au Lahout, au Djabarout, au Malakout et même au Haahout. Ceux qui doutent de la science de Barhama, Abdessalam Yassine, Djeylani et Tidiany seront privés de Mahrouf Keurhi l’ancien.  Par toi nous sommes habitués à l’au-delà, le côté caché des choses,  l’esprit universel mais surtout le ZIKR cette voix de l’univers.  Quelle est cette voix inaudible qui susurre à notre oreille la gravité des choses  et des êtres ?  Quelle est cette voix qui nous dit qu’elle est la voix d’une autre voie plus haute que la voix d’Oumm Kalthoum ? C’est le ZiKR. Il ya autant de voies que de pèlerins.

Ô grand esprit tu as parlé à travers Siisa le fils d’Adam, Idriss Enoch Eukhnoukh Kheunoukh le céleste homme aux noms multiples, Ouzeyr le sauveur de la Thora, Socrate le monothéiste, Bouddha le Sage, Platon le détenteur du Nom Caché, Galileo Galilei le vertigineux, Hegel le phénomène de l’Esprit, Nietzche le parfait inconnu qui cherchait, Ibn Arabi le réceptacle des mystères , Jalal Ad Din Rumi le mystique atomiste, Léonard Da Vinci le rêveur du grand œuvre, Saint-Augustin la voix du ciel, Fiodor Dostoïevski le mystique en transe , Victor Hugo le fantastique sondeur de l’âme, Shakespeare la parole mise en scène et… Al Maktoum le Cacheté.

La politique t’a valu cette étrange après-midi ô toi esprit policé dès l’origine que nul polissage profane ne peut atteindre. A l’heure des oraisons mystiques, ta poignée de sable aux grains à la puissance de l’atome voulut exploser sur les ennemis de la Solidarité Sénégalaise envoyés par un poète désemparé qui hante un palais improbable. C’est connu ! le secret de la fission de l’atome est révélé dans le laboratoire des mystères depuis Rumi au 13eme siècle. Alhamdou lillAh Dieu Soit loué, finalement la volonté n’a pas voulu.  Ah ! la volonté, ce feux étrange qui consume jusqu’à l’extinction entre les mains du père Aboul Hassan Shazaly le Maitre du maitre de Boussayri le chantre de Muhammad qui ta valu Fa ileyka Yaabna Mouhammadine Naadaanii.

Tu as parlé, parlé, parlé jusqu’à l’extinction de la voix dans la parole elle-même. C’est alors que la parole s’est faite homme, assise sur le promontoire de la vie, jetant un regard crépusculaire vers l’horizon infini, le bras levé comme un orant nous désignant le monde  des formes éternelles. Dans notre illumination nous n’avons vu que le doigt au lieu de la lune de la Vérité. Habitués aux noms, aux déterminants et aux qualificatifs nous avons oublié que le soufisme est une essence sans nom. Ne sont grands parmi les poètes que les esprits qui possèdent une parole haute qui se moque du firmament bravant les lignes de la vie.  Qui l’eut cru Serigne Cheikh Tidiane Sy ambassadeur présentant lettres de créances un lionceau en laisse ? Jamais homme n’a vu une métaphore aussi rugissante sur les bords fertiles du Nil, un lion tenant un lion devant le lion de la Nation arabe. L’esprit omniprésent était là surveillant la mise en scène qui échappa alors au monde profane par une opération du Saint esprit. Il  parti se loger dans les mystères véridiques anciens à l’ombre des corps  momifiés de Narmer, Touthmôsis et Toutankhamon.  Ô ! grand esprit tu nous as appris l’étonnement de l’âme devant ce corps qui refuse de pourrir dans la décomposition  refusant la poussière. C’est alors que le corps de l’homme éternua dans le tombeau recevant le ZiKR, le rappel du néant originel, brusquement il se décomposa provoquant la tranquillité, un ouf de soulagement dans l’âme. Ce fut ta manière terrifiante de parler de la mort.

 Pendant 13 longues années de retraite que de fantasmes développés à ton sujet démentis par une sortie souventes fois annoncée par de courtes missives à la tonalité nietzschéenne : « Un homme d’honneur doit toujours refuser d’être réveillé par un clairon ».  Finalement le souverain longiligne et haineux toute jalousie bue, recula après la terreur socialiste.  Ah ! le conflit, l’effroyable confrontation ! Révélée à nous par l’oniromancie de Joseph Fils de Jacob il s’en est fallu de peu que le PARC A MAZOUT devienne le 16 Février lorsqu’un « quidam » appela à la marche selon la version d’un futur souverain au crâne tondu.  Puis ce fut la salle de l’Unité Africaine où l’Unicité de Dieu se déploya  jusqu’au Pont Faidherbe entre les eaux salées et l’eau douce de Saint-Louis le pieux souverain. Le fils de Shamharouss était là salué par ta générosité.  Alors ce fut à Tivaouane d’accueillir l’esprit héliporté provoquant des scènes regrettables pour toi le disciple de l’inconnu Maodo ton seul Maitre que le grand Babacar Sy t’a offert.  

 Et puis ensuite vinrent les cinq années de retraite califale. Serigne Cheikh ou le califat mode d’emploi. Mode de vie, le vicariat fut toujours là présent depuis Adam, depuis David depuis Abou Bakr le véridique compagnon: Inni Djahiloune Fil ardi Khalifa. La mort, l’au-delà du bas monde, la métaphysique, les seuls thèmes depuis que l’esprit est sorti. Personne n’y a prêté attention ! Ton évocation de la Sierra-Léone, de Mobutu Sese Seko kuku Ngbendu Waza Banga  et sa probable mosquée et les « Afaarid » qui sont les Djinns les plus maléfiques, ont maintenu dans l’effroi plus d’un initié. Mais certains parmi eux connaissent les liens avec le Sénégal de Bour Sine Koumba Ndoffene. Ils vivent longtemps dans le mal, migrant de lieux en lieux, de souverains en souverains, d’époques en époques ces créatures immondes. L’esprit nous a averti ! Jusque dans la mort il n’a cessé de nous étonner. Il a choisi de reposer en ce lieu jadis stigmatisé par les croyances ancestrales du Cayor. Stupéfait par l’événement aucun Tivaouanois n’y a prêté oreille. La leçon est dite, le Maitre a parlé !

 Trois cent cinquante mille ans auront suffit à l’homme-esprit de s’éteindre définitivement  dans l’être ultime. Reposes en Paix Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum! Que ton âme vogue gaiement dans l’immensité profonde en compagnie des prophètes, des saints, des véridiques et des martyrs !

Khalifa Touré/Critique littéraire

mercredi 6 mars 2019

« Les marrons du feu » de Samba N’diaye le Saint-louisien



Tirer les marrons du feu, il n’y a certainement pas geste plus généreux que  braver Vulcain pour offrir au monde des mots incandescents, des jeux de mots, des images fugaces mais surtout de puissants sentiments exprimés par un poète de la langue et du mot juste sans être précieux. 

Samba Ndiaye est délicieux, agréable et  malicieux par moments, d’où « Les marrons glacés » publiés en 2013  à l’Harmattan Sénégal qui ont connus un franc succès critique dans les milieux littéraires au Sénégal et font  découvrir un poète inspiré par la spiritualité.  Avec « Les marrons du feu » Samba Ndiaye se révèle comme un poète du paradoxe en nous offrant une poésie gustative avec des évocations délicieuses de la gastronomie. C’est comme s’il nous faisait voir que l’on ne peut cuisiner sans risques. Le processus créatif est certainement un mouvement de l’âme mais aussi et surtout une œuvre parsemée de maints écueils et de dangers multiples. Nous sommes dès l’entame léchés et parfois fouettés par les flammes secrètes de la création : «  le feu qui flingue épingle au poteau, le feu qui lèche blesse la forêt, le feu qui gifle siffle au chalumeau… » chante le poète dans « Feu Satan », qui est l’envers du décor, le pendant négatif du poème précédent « Feu Saint »  c’est le lieu où  la spiritualité pour ne pas dire la divinité de l’œuvre créatrice s’exprime dans toute sa chaleur.
Samba Ndiaye est donc le poète du contraste qui s’exprime d’abord par l’antériorité des « Marrons glacés » avant « Les marrons du feu » mais il cherche la totalité et la perfection en présentant le monde à l’endroit et à l’envers sans aucune forme de retenue. Le poète saint-louisien ne fait pas les choses à moitié, il veut tout donner, tout montrer dans un accès de générosité qui offre une esthétique particulière où il tente vainement te tenir les brides de la création poétique.  Dans « Les marrons du feu » les ellipses et les mots-phrases n’empêchent pas la « gourmandise » du poète qui nous offre un  recueil fait de « Mise en bouche, Hors d’œuvre, Résistance et Dessert ». Cette forme de décomposition nous donne une structure particulière qui nous renseigne en même temps  sur le type de poète qu’est Samba Ndiaye. La partition « alimentaire » du recueil dénote une sensualité, une envie de mordre la vie à pleines dents qui semble contredire la spiritualité des « marrons du feu. » Mais ce n’est qu’apparence, chez le poète la sainteté n’exclut pas les velléités du corps . La poésie c’est aussi de la nourriture terrestre ; « Copulation » l’avant-dernier poème du recueil est d’une audace érotique ! C’est la poésie du rapprochement des corps : «  Ton front mon front, mes yeux tes yeux, mon nez ton nez, nos bouches ne font plus qu’une… ». C’est quand l’amour est jeu de miroir.  
Le poète saint-louisien, sans chercher des raccourcis dans l’expression poétique, réussit une sorte d’économie du langage en donnant à la forme du recueil et la disposition des poèmes une présentation qui fait sens et donne au lecteur une « idée » de la signification. La poésie n’est pas verbiage ! Le poème onomatopéique « Pan Rampant » est une illustration frappante de ce qu’un poème peut se transformer en une série de « sons » qui, rien qu’à l’audition, nous plonge dans l’univers de la signification. La poésie quoi qu’on en dise est faite pour toucher mais aussi pour comprendre. Aucune poésie n’est au-dessus du langage fut il celui des dieux.  Samba Ndiaye ne cherche pas dans les « Marrons du feu » l’insensé, l’absurde ou l’impensé. Même si le statut du réel est toujours provisoire en poésie, le poète saint-louisien parle à l’humanité dans un langage qu’il comprend sans être banal ou quotidien. Le souci du mot juste chez le professeur de français n’empêche pas la puissance de l’inspiration. Samba Ndiaye dans « Les marrons du feu » s’éloigne de l’académisme scolaire, sans le vouloir certainement ! Il ne montre pas, n’affiche pas, il dit et c’est tout.  Il a très vite compris que la poésie c’est le dire. « Mots de voleurs » et «  Jeu de vers » sont  l’Art poétique de Samba Ndiaye où il exprime non pas des convictions littéraires dogmatiques mais  simplement nous montre la direction du vers poétique : «  Cesse ce vers sans délai et verse-moi un verset divin, le plus beau vers est ailé et n’est légué qu’aux zélés.. » Comme chez tous les grands artistes il y a une obsession de l’envol vers les hauteurs où le feu de la création est attisé par l’air. La poétique de Samba Ndiaye est une esthétique de l’éternité : «  Le vers n’est verre que sculpté dur, sur du vrai marbre vert jasmin ».  Il nous offre une poésie de mots sans verbiage avec peu de verbes qui évite la démonstration philosophique et aboutit à ce que l’on peut appeler une substantivation du vers poétique, des mots, rien que des mots pour dire la poésie qui est un objet à-venir : « des mots à dérober aux silences des planètes. » Pour être poétique le mot  n’a pas forcément besoin de déterminant semble nous dire le poète dans Aimer Patrie : « aimer patrie…lever couleur la main au cœur, hisser drapeau dressé debout, écouter hymne fier ému », tel est l’audace poétique qui ne vaut que par la sincérité, le poète joue sa peau.
Dans tout recueil il y a « hélas »  quelques poèmes dont on ne peut pas dire qu’ils sont les meilleurs mais sont les plus emblématiques et dans « Les marrons du feu » le pic poétique est atteint avec « Pluie de Nuit » qui est d’une simplicité, d’une beauté et d’une grande immédiateté, «  Talisman » où les obsessions et les démons apparaissent mais dans un rare dépouillement stylistique fait de négations multiples : « Inépuisables, insaisissables, invisibles, imprenables, incandescents, les fils d’Ariane du talisman.»  « Traître vaudou » choit en mots magiques et bien dits : «  la mèche vendue, le maître a vomi  son vaudou dans la mare à boue la peuplant de chats gris qui la nuit miaulent des amours écorchées de griffures ». Dans « Elle du désert » quand le Maghreb s’incruste dans l’âme du poète, la poésie n’est mystérieuse et jubilatoire que lorsqu’elle est sensuelle. « Squelette » est un poème formidable c’est-à-dire effrayant, l’un des sommets du recueil, tout comme «  Nids remparts.» Autant de moments poétiques où Samba Ndiaye parle en faisant dérober les mots, devant la vie, la mort, l’amour et la foi.
Khalifa Touré
Critique littéraire
sidimohamedkhalifa72@gmail.com