jeudi 31 janvier 2013

Ibrahima Ly, le célèbre locataire de la sinistre prison de « Taoudénit » !



Au moment où « aanga Mali baa », notre grand Mali est déchiré de part en part, nos pensées pieuses vont à l’écrivain Malien Ibrahima Ly, l’une des nombreuses victimes du sinistre régime du dictateur Moussa Traoré. Comme son « homologue » mauritanien,  Youssouf Gueye, son engagement en tant qu’homme de lettres lui a valu la prison et la torture à l’affreux mouroir de Taoudénit, une sorte de camp de concentration aux allures kafkaïennes, où le « général » Moussa Traoré déportait ses opposants soi-disant les plus dangereux. 

Ibrahima Ly n’est pas mort en prison mais il est sorti complètement « saccagé » par les années de privations, d’humiliation et de sévices physiques et moraux, il mourut plus tard.

Jeune professeur de Mathématiques, Ibrahima Ly a connu dans les années 70, les affres du militantisme clandestin au sein du PMRD (Parti malien pour la révolution démocratique) qui regroupait des patriotes Malien engagé dans la lutte contre les militaires au pouvoir. Il est finalement arrêté à la suite d’une distribution de tract et déporté au camp de Taoudénit. Alors commença le long et pénible séjour carcéral qui va inspirer à l’auteur son roman le plus connu « Toiles d’Araignées ». Œuvre majeure de la littérature africaine, enseignée dans les universités, « Toiles d’Araignées » s’inscrit dans la veine des grands romans politiques Africains comme « Le cerce des tropiques » du Guinéen Alioum Fantouré, ou  « Une aube si fragile » du Sénégalais Ibrahima Signaté.

Ibrahima Ly sera libéré en 1978.

Comme Roben Island en Afrique du Sud, Oualata en Mauritanie, le camp Boiro en Guinée  Taoudénit est de ses sinistres bagnes que l’Afrique a connu malheureusement connu à l’époque des dictatures farouches. Néanmoins la pratique de la torture reste systématique dans des pays réputés démocratiques comme le Sénégal.

KHALIFA TOURE

mardi 22 janvier 2013

« Diplomacy » de Henry Kissinger, un livre à lire quand même !




Je n’ai jamais lu un livre aussi  assommant que « Diplomacy » de Henry Kissinger. Huit cent soixante et une (861) pages de théorie et de pratique diplomatiques. Mais un livre paradoxalement délicieux pour les amoureux des choses de l’Etat. « Diplomacy » est avant tout un livre d’histoire, un « chef-d’œuvre » de l’histoire de la diplomatie et des choses de l’Etat du 17ème siècle à nos jours, peut-être « la bible » de la diplomatie.

 Le seul regret c’est la présence insuffisante d’un monument comme Charles De Gaulle et du talentueux François Mitterrand. Ce livre aurait été enrichi par l’évocation de la décolonisation et ses soubassements diplomatiques par exemple, et du coup aborder le général De Gaulle. François Mitterrand le talentueux « florentin » aurait permis de souligner les fondements diplomatiques du sommet de La Baule et les conférences nationales en Afrique avec en toile de fond « la fin » des luttes idéologiques en Afrique. Mais enfin, ce livre est volumineux, suffisamment volumineux pour en savoir beaucoup sinon tout sur la diplomatie.

Kissinger est un admirateur « fou » d’un autre français le cardinal de Richelieu qui est le père de l’Etat moderne, l’inventeur de la raison d’Etat, un génie et un fanatique de l’intérêt national. Mais il ya le président américain Woodrow Wilson, l’anti- Richelieu, le père de la diplomatie américaine, le chantre de l’idéalisme diplomatique qui est omniprésent dans l’œuvre. Deux personnages historiques qui, à deux-deux, suffisent pour définir les deux mamelles de la diplomatie : la raison et l’idéal si l’on peut dire, l’intérêt national et la coopération amicale.

Le livre est une série de découverte de personnages historiques soi-disant connus comme Winston Churchill, Franklin Delano Roosevelt, Adolf Hitler et Joseph Staline, Mao Zédong, Zu Enlai etc. Mais Otto Von Bismarck, le père de la « Realpolitik », Napoléon 3, et plus tard Conrad Adenauer ou bien même Gamal Abdel Nasser resteront pour nous des Personnages étonnants.

 La diplomatie c’est aussi l’affaire de grands hommes d’Etat. Ce livre nous permet d’en découvrir une panoplie. Des hommes aussi étonnants que controversé : Le diable boiteux Talleyrand, Palmerston, Benjamin Disraeli, William Gladstone, John Foster Dulles, Metternich, Kissinger lui-même( peu mentionné).

Avec Kissinger on découvre que la diplomatie comme toutes les choses de l’Etat est avant tout un idéal et puis ensuite une pratique. Quoi qu’on pense de l’auteur et de « l’exactitude historique » ou non de l’ouvrage, ce livre est un grand édifice qui vaut le risque d’être escaladé pour les alpinistes du savoir que nous aimerions être.

KHALIFA TOURE

lundi 14 janvier 2013

Cornel West ou la rage de penser.



Voici Cornel West le charmant philosophe Africain-américain.  Le grand admirateur de Malcom X et des black panthers. Autant de postures suffisantes pour dire que ce philosophe pragmatiste qui a beaucoup réfléchi sur la dimension éthique du marxisme, est un enragé, un militant irréductible.

Né dans l’Oklahoma en 1953, l’esprit de révolte s’est vite emparé de ce garçon. Jeune adolescent, il participe à beaucoup de manifestations en faveur des droits civiques pour les noirs. Très tôt Cornel West a compris que « le noir » devrait être un sujet d’études scientifiques non pas à la manière des africanistes et autres anthropologues du 19ème siècle qui ont construit une doctrine trop essentialiste et subjective de l’homme noir en parlant par exemple de choses aussi aberrantes que « l’âme noire », mais d’une façon plus « posée ».

Issu d’un grand-père qui est pasteur de l’Eglise Baptiste afro-américaine, Cornel West s’est forgé une solide réputation de débatteur politique redoutable et redouté. Les prêches qu’il a beaucoup écoutés pendant sa jeunesse ont forgé en cet homme un tempérament fort. 

Auteur d’une très originale thèse sur « les dimensions éthiques de la pensée marxiste », il a enseigné à Harvard avant d’échouer à Princeton comme professeur de religions et d’histoires des Africains-américains. Auparavant, en 1984, précisément, il a été emprisonné pour avoir manifesté contre l’Apartheid en Afrique du Sud, sur le campus de l’Université Yale où il officiait comme enseignant.

West est peut-être un incompris ; admiré par les uns et haï par ses détracteurs qui l’accusent de faire du « voyez-moi », il est tout de même un auteur qui est beaucoup cité et son œuvre majeur « Race Matters » a obtenu un grand succès et suscité beaucoup de polémique.

KHALIFA TOURE

samedi 12 janvier 2013

Paul Gilroy, le penseur de la double conscience.



Ce garçon en dreadlocks et à l’air affable, même s’il est féru de musique, n’est pas un musicien, c’est l’un des théoriciens les plus pointus des études postcoloniales. Professeur titulaire et dépositaire de la chaire de sociologie Anthony Giddens de la London school of Economics. Quasi méconnu dans le monde francophone surtout en France, PAUL GILROY est une référence presque incontournable lorsqu’il s’agit des questions relatives à la racialité, à la double conscience, à l’identité et à la modernité.

 En effet l’une des thèses les plus éclairantes qu’il aborde dans son fameux livre « L’atlantique noir » et qui dérange beaucoup de francophiles adeptes inconditionnels d’un anti-essentialisme systématique est que la traite des nègres et la colonisation sont des éléments constitutifs de la modernité occidentale et que l’espace atlantique est le lieu historique de création d’une identité culturelle noire qui n’épouse pas forcément les contours que lui donne les nègres d’une part et les « occidentaux » de l’autre. C’est un ensemble de cultures diffuses, hybrides et en continuel recréation dans l’atlantique qui est son espace historique. 

Avec Paul Gilroy on peut parler de la race sans complexe, sans verser dans le communautarisme facile, avec l’autorité de la science mais surtout avec beaucoup de nuances contrairement à la tradition universitaire française et au modèle culturel « jacobin » qui évite la question raciale, la redoute et même l’interdit.

 Nos pays francophiles ont tellement hérité de cette tradition au point que si l’on y prend garde « les questions relatives à notre être dans le monde en tant que formation culturelle » seront disqualifiées et même discréditées et cela de façon progressive et insidieuse. Et si elles sont escamotées « notre devenir dans le monde » sera compromis. 

Voilà les chemins arpentés par cet éminent penseur africain de la diaspora né à Londres en 1956. En tant qu’essai sur « l’hybridité et le brassage inévitable des idées »,L’atlantique noir, de Paul est un formidable remède en cette époque où les identités sont plus que meurtrières.

KHALIFA TOURE

jeudi 10 janvier 2013

A Rosa de Gorée.





«  Gorée, toute de vieux rose vêtue »
(Léopold Sédar Senghor)

Dévêtue de ta peau nocturne.
Que te reste-t-il maintenant ?
Seul un pétale de sang sur l’océan

Et vêtue de ton ombre
Des ossements décharnés
De l’histoire, ô vieille île
Si rose, tu tombe du ciel
Comme une larme.

José Augusto Seabra
Poète et homme politique
portugais.
Le 11 Avril 2001 à Dakar