samedi 11 mai 2013

MOUSSA TOURE, UN CINÉASTE DU VOYAGE ?


Le cinéaste Sénégalais Moussa Touré a réalisé deux films dont la trame est le voyage. Est-ce  suffisant pour dire que le voyage est une « thématique », un motif esthétique pour ce cinéaste qui a fait ses débuts comme électricien sur les plateaux de tournage du grand cinéaste français  André Téchiné ? En tout état de cause Moussa Touré est un metteur en scène sincère, dont l’œuvre très engagé dans le sujet, trouve surtout sa cohérence dans une expression et une écriture cinématographique didactique. Mais notre cinéaste n’est pas un vulgaire donneur de leçon ou directeur de conscience maladroit qui s’exprime  à travers un manichéisme qui juge au lieu de comprendre. La recherche esthétique est aussi importante que l’idée exprimée dans ses films (il en a réalisé une dizaine).

Il n’ya qu’à regarder « TGV » pour s’en convaincre. Il faut être Moussa Touré pour oser réaliser un Road Movie en Afrique. Le Road Movie, ce sous-genre cinématographique est davantage le domaine de prédilection des cinéastes réflexifs qui abordent des sujets psychologiques à travers des personnages marginaux. A l’image du talentueux cinéaste Allemand Wim Wenders et de son disciple américain Jim Jarmush, Moussa Touré à travers « TGV » s’est évertué à révéler progressivement les hommes et les lieux sous forme de découverte, par un procédé spécifique au genre : La personnalité véritable des personnes se découvre progressivement en cour de route et au gré des découvertes de lieux et d’événements. Le Road Movie est un genre initiatique d’où la portée hautement didactique de « TVG » et bien sur « LA PIROGUE » qui peut être qualifié de « Sea Movie ».

Si les plus grands cinéastes s’expriment avec sobriété, sans emphase ni grandiloquence, Moussa Touré est dans le bon sillage. Des génies comme Robert Bresson, Alain Resnais, Jean Luc Godard ou Maurice Pialat n’ont jamais cédé à la « verbosité » grandiloquente ou au cinéma-spectacle. Les maitres Sénégalais comme Djibril Diop Mambety, Ousmane Sembène et Paulin Soumanou Vieyra ont toujours compris que le cinéma est d’abord une écriture, un moyen d’expression et non un simple instrument.

Et à l’image de ces illustres « parrains » Moussa Touré a suffisamment de métier pour ne pas confondre l’expression en tant que telle et le moyen (qui n’est qu’un support). Dans son dernier « Opus », LA PIROGUE, un film hommage, une sorte d’épopée tragique, « une odyssée macabre » un hymne à la douleur et la souffrance de l’homme qui espère, Moussa Touré se garde de s’éloigner du sujet. Un film sérieux, aucune scène facile, jamais de répliques inutiles. La subtilité de l’œuvre réside dans l’hommage fait au courage de l’homme «Goor fitt ».Aucune forme de dénonciation ouverte dans le film mis à part cette scène où le fameux « Lansana » imite l’expression des politiciens.  Le cinéaste Mexicain Guillermo Del Toro a raison de dire que « la puissance subversive du cinéma réside dans sa capacité à échapper au manichéisme ». 

 Moussa Touré, l’a compris en nous présentant une œuvre d’un réalisme étonnant jusque dans la description des éléments qui se déchainent et emportent l’espoir de ces jeunes et moins jeunes qui rêve d’un ailleurs possible. Mais la pirogue est un film politique. Moussa Touré n’a-t-il pas dit : « « C’est un film politique. Je donne une claque à ceux qui nous gouvernent, pour qu’ils se rendent compte qu’ils ont baissé les bras. »


A travers cette citation d’Ernest Hemingway qui ouvre le film, « LA PIROGUE » est aussi une œuvre humaniste qui s’adresse à l’Homme qui espère au-delà des faits relatés qui sont fort justes.

KHALIFA TOURE