Un militaire sans formation politique est un criminel en puissance » Le capitaine Thomas Sankara.
Personne ne dira à Blaise
Compaoré « lorsque tu mourras
Blaise, tu trouveras en enfer tout ce que tu as fait à Thomas Sankara et à la
révolution Burkinabée », puisqu’en ce pauvre monde il y aura toujours des
hommes pétris de politesse à l’esprit chevaleresque et prêts au pardon. Mais
personne n’oubliera ! Du moins ceux qui ont connu, aimé et même « adoré »
le capitaine Thomas Sankara ;
ceux qui ont vécu sa mort comme un traumatisme. Sous d’autres cieux, le
sémillant leader de « l’extrême gauche » en France Jean Luc Mélenchon a tenu à peu près
les mêmes propos, à la mort de Margaret
Thatcher, en disant qu’elle trouvera en enfer tout ce qu’elle a fait aux
mineurs anglais. Il n’a pas été compris. Les critiques fusèrent de partout
jugeant le propos par trop excessif. Même les plus jeunes qui n’ont pas connu
les faits se sont mêlés à l’affaire. Ils ne soupçonnent pas tout ce que les hommes d’Etat sont
capables de faire ! Ils sont naïfs.
La plupart des hommes politiques,
du moins les hommes de pouvoir sont des psychopathes qui s’ignorent. Lisez
s’il vous plait « Mort par l’Etat » l’un meilleurs livres sur l’Etat.
Il nous révèle que les Etats ont provoqué plus de morts en tant de paix, par le
meurtre et les assassinats, que n’en ont provoqué plusieurs guerres. Un autre
holocauste ! La bonne vieille raison d’Etat sera toujours invoquée par les
« répétiteurs » qui oublient que ce machin a été ré-inventé par le Cardinal de Richelieu, l’un des plus
illustres hommes d’Etat de tous les temps, un génie maléfique qui a été
l’éminence grise du roi de France Louis 14, son premier ministre. Malgré les
attributs particuliers de génie accordés au plus politique des cardinaux qui
ait foulé la terre, à la mort de Richelieu, un prélat affirma que si Dieu
existe le cardinal de Richelieu rendra compte.
Kissinger, autre sulfureux homme d’Etat lui a dressé un
portrait particulier dans son fameux « Diplomatie », un livre documenté et assommant de 800 pages qui vaut des nuits
d’insomnies malgré tout ce qu’on en dit. Il sait de quoi il parle en tant
qu’adepte et adorateur de l’Etat devant l’éternel. Henry Kissinger a écrit,
dans « Diplomatie », à la page 52 la chose suivante : « Afin d’épuiser les belligérants et
prolonger la guerre, Richelieu alimenta les caisses des ennemies de ses
ennemies, soudoya les gens, fomenta des insurrections et mobilisa une
extraordinaire panoplie d’arguments dynastiques et juridiques.» Il a réussi
à retarder de deux siècles environ l’avènement de l’Allemagne. « L’homme
est immortel son salut est dans l’autre vie, l’Etat n’a pas d’immortalité son
salut est maintenant ou jamais » a-t-il dit un jour. En occident le droit de tuer au nom de l’Etat est rationalisé, alors
qu’en Afrique le droit de tuer est drapé d’un manteau symbolique.
Mais un Etat qui n’est
pas gouverné par la raison ne peut invoquer la raison d’Etat. Cela va de
soi ! Un chef d’Etat déraisonnable peut-il invoquer la raison
d’Etat ? Tout parallélisme formel
exclu, Blaise Compaoré n’a ni le génie ou l’étoffe de Richelieu mais personne ne peut imaginer les dizaines de
milliers de morts qu’il a provoqué dans son pays, en Sierra Léone, au Libéria,
en Côte-d’Ivoire et même en Angola par ses actions souterraines et parfois même
visibles. Il a tenté même d’étendre ses tentacules vénéneux en Mauritanie, au
Mali et en Guinée. Si Blaise Compaoré n’est pas attrait devant les tribunaux et
jugé pour les monstruosités qu’il a commises, les droits de l’homme n’auraient
plus de sens. Il a possédé à la fois les attributs maléfiques du « Simbong »,
sa face nocturne et les idées monstrueuses de l’Etat moderne apprises ou
entendues vaguement. Il a symbolisé la face la plus sombre de la
nécropolitique ; ici il n’est plus
question de tuer pour le pouvoir, cette
étape macabre est dépassée. C’est le pouvoir en tant que force maléfique qui provoque la mort pour cette race d’hommes. Il faudra scruter
objectivement l’imaginaire politique africain pour comprendre ce type de tueurs
qui sont informés par des images lointaines de sacrifices, d’immolation et de
« cannibalisme ». Certes en nécropolitique les hommes sont
cannibalisés ; leur chair et leur âme fondues en la personne même du chef
qui s’élève par cet acte symbolique au statut de « divinité »
tutélaire. Peu d’intellectuels s’intéressent à ce côté caché des choses qui peut expliquer notre
quotidien. Ils pensent que ces phénomènes relèvent d’un sous-monde indigne de
la raison. Erreur ! La littérature et les sciences sociales peuvent
capturer ces phénomènes par un exercice rationnel. Il n’ya qu’à passer par les
pratiques discursives endogènes dont la fonction essentielle est rendre
légitime la nécropolitique par le truchement de l’oralité.
Comment évoquer le terrible cas de Blaise Compaoré sans
parler de la France ? Pour rappel, le très effrayant François Mitterrand
ne portait pas Thomas Sankara dans son cœur. C’est le moins que l’on puisse
dire. La France de Mitterrand et la Côte-d’Ivoire d’Houphouët Boigny ont été
les premiers à adouber Blaise Compaoré qui vient d’assassiner son frère et ami
Thomas Sankara. Aujourd’hui on comprend aisément son exfiltration chez Alassane
Ouattara, le disciple d’Houphouët qu’il a soutenu face à Laurent Gbagbo. Il y a lieu pour l’élite africaine de
réfléchir et imaginer des formes « géniales » de pressions pacifiques
sur les envahisseurs et inventer des moyens de faire payer très cher à ces
derniers leurs interventions en Afrique.
Blaise Compaoré est l’un des derniers timoniers en Afrique, il en reste
quelques-uns.
Le journaliste Burkinabé Norbert
Zongo et sa famille l’ont appris à leurs dépens. La manière dont ce
« révélateur de vérités » a été assassiné sous Blaise Compaoré nous
révèle que dans certains régimes
politiques il y a quelque chose qui est en œuvre et qui échappe à l’humanité.
Brûlé vif avec trois de ses compagnons, on retrouva ses restes calcinées dans
son véhicule sous les regards interloqués des passants. Pendant cinq longues
années, il fut interdit à la mère de Norbert d’aller fleurir la tombe de son
fils. Regardez si possible le poignant documentaire « BOLI BANA » qui lui a été consacré ; vous aurez une idée
claire de l’homme Blaise Compaoré. A
l’époque son frère François Compaoré
était indexé. Aujourd’hui les manifestants qui ont saccagé sa maison ont
découvert des choses innommables qui méritent que l’on ouvre une enquête. Il est temps que d’autres pistes soient explorées pour
comprendre le formidable et
terrifiant phénomène du pouvoir. Blaise n’était pas un personnage
risible mais il n’a pas manqué dans son
entourage des situations cocasses dignes du « Pleurer-rire », de l’écrivain congolais Henri Lopes ! Il
ya des scènes dans ce roman que l’on retrouve en Gambie, au Cameroun, en
Ouganda et au Congo Brazza « Bwakamabé Na Sakadé » le personnage
principal est ce dictateur loufoque qu’on retrouve un peu partout. C’est
dire que la réalité peut dépasser la
fiction.
Au Burkina l’armée est
très politisée. C’est une troupe de politiciens en armes !
Il n’est pas étonnant aujourd’hui que des Honoré
Traoré et Isaac Zida montent au
créneau. Et comment un lieutenant-colonel comme Zida peut-il se sentir plus
fort (et sûr de lui) que le général Traoré ? Il faut dire que dans ce type
de régime, le dictateur privilégie la sécurité en négligeant la défense. Il
investit davantage dans la police et la garde présidentielle ou quelques fois
dans un corps particulier de l’Armée au détriment d’une grande armée équipée,
bien formée et aguerrie. C’est ainsi que les autres corps de l’armée ont peur
de la garde présidentielle qui dans des républiques normales n’est pas un corps
à part entière mais appartient à l’armée en général. Il ya beaucoup de réformes
à faire dans ce pays pour dépolitiser l’armée et la ramener dans les casernes.
La classe politique et l’élite du pays devront
être plus sérieuses. Il ne sert à rien d’aller envahir la Télévision
Nationale avec quelques partisans pour « doubler » les autres civiles.
On n’est pas encore sorti de l’auberge. Si la refondation tarde à venir il
faudrait accélérer son heure.
Il n’ya pas plus
mortelles que des idées vagues et mal assimilées. C’est le lot souvent des
hommes à la réputation surfaite qui ont vécu dans un environnement savant ou
qui ont fréquenté chez des intellectuels. Des hommes qui n’ont pas lu mais qui
ont entendu des gens qui ont lu. Blaise Compaoré est un homme intelligent qui n’a
certainement rien lu de significatif contrairement à Thomas Sankara dont les lectures principales étaient la Bible, le
Coran et Marx. Cette formation a certainement permis à ce dernier d’avoir une
conscience de classe, de savoir d’où il vient et servir ce « peuple »
qu’il a tenté de sortir de l’analphabétisme, la ruralité et la pauvreté avec
des résultats probants à tel point que lorsque Blaise Compaoré a fait ce qu’il
a fait, il n’a pas osé parler de fin de la révolution mais plutôt d’un
programme de rectification de la révolution. A ce propos la question légitime
est la suivante : « Où est passée la croissance à deux chiffres du Burkina sous
blaise ? Dans quelle direction est allée cette émergence du Burkina
que la communauté internationale nous chantait à tue-tête ? » Noam Chomsky, l’intellectuel américain,
a certainement raison de dire qu’on ne sait rien à l’Economie en fin de compte.
Les hommes ne réfléchissent pas suffisamment à la question du bonheur qui est
plus essentiel que tous ces agrégats macro-économiques dont on nous rebat les
oreilles à longueur de jours. Thomas
Sankara n’était pas un saint, il a péché par naïveté et commis des erreurs mais
il n’a tué personne et n’a pas volé un seul sou de l’Etat. Il est mort pauvre
et endetté.
Les Blaise Compaoré et autres satrapies postcoloniales sont à
mille coudées en deçà des préoccupations d’un Richelieu, Bismarck, Samory Touré, Kankan Moussa,
Askia Mouhamed ou Sony Ali Ber. Mais
en toutes choses il faut commencer par le commencement, au risque d’être rébarbatif.
Pour la Haute-Volta ancien nom du Burkina- Faso, les choses semblent avoir
commencé en 1959 avec Maurice Yaméogo,
le premier président de la république. Mais comme beaucoup de pays africains,
ce fut le début d’une fin malheureuse. Cet homme affable au visage rond et à la
moustache posée sur une bouche souriante mais néanmoins instable et très
autoritaire a été emporté par une révolte populaire le 03 janvier 1966. Il se
résigna à remettre le pouvoir à son chef d’état major, le lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé Lamizana. L’historien Joseph Ki Zerbo et sa femme Jacqueline ont joué un rôle important
dans le soulèvement populaire qui a emporté Yaméogo. A son tour il sera renversé plus tard, en
1980, par le colonel Some Yorian qui
remit le pouvoir à un autre, le colonel Saye Zerbo jusqu’à ce que ce dernier soit
renversé par le médecin-commandant Jean Baptiste Ouedraogo en 1982. Ce dernier commis l’erreur
d’embastiller le capitaine Thomas
Sankara avec qui il a eu maille à partir. Sankara était déjà populaire dans
l’armée et comptait parmi ses amis un certain Blaise Compaoré qui dirigeait le camp des para-commandos de Pô,
dans la province du Nahouri, à 150 km
au sud de la capitale. C’est de là qu’est parti le mouvement qui va libérer
Sankara et renverser Jean Baptiste Ouedraogo la nuit du 03 au 04 Août
1983. Le lendemain le monde découvrit ce groupe de jeunes officiers très
frais qui arboraient de beaux uniformes. Les noms les plus connus furent Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri
Zongo et Boukary Lingani. Plus tard Blaise les fera tuer tous les trois. Il
y avait aussi Pierre Ouedraogo le
patron des CDR (Comités de défense de la révolution) et le
pharmacien-commandant Abdessalam Kaboré.
Tous des officiers de l’armée. Ils enclenchèrent une réforme politique et
sociale sans précédent qui provoqua l’admiration de toute la jeunesse
africaine. Mais le 15 Octobre 1987,
personne ne comprit, un coup d’Etat emporta toute cette équipe qui a donné
l’espoir à toute l’Afrique. Pour la première fois le Burkina connu un coup
d’Etat sanglant. « Le lion de
Boulkiemdé » Boukary Kaboré
qui dirigeait le camp de Koudougou, entra dans une « rébellion » dont
la suite est connue. Les jeunes
d’aujourd’hui ne peuvent imaginer le traumatisme provoqué par la mort de
Sankara dans la jeunesse africaine. Beaucoup de chefs d’Etat africains
n’aimaient pas Sankara et son mode de gestion populaire du pouvoir. Le capitaine Jerry John Rawlings du
Ghana est l’un des rares à décréter un deuil national. Et c’est le début d’une
ignoble entreprise de désankarisation faussement habillée de rectification
révolutionnaire, en vérité une dictature sanglante, maquillée par des chiffres
économiques invérifiables dans la vie du Burkinabé moyen. Voici racontée en
quelques mots la petite histoire de Blaise Compaoré pleine de « Bruit et
de Fureur et qui ne signifie rien. » Les
Burkinabés ont toujours été des hommes intègres. Ils ont renversé à deux
reprises leur chef d’Etat par un soulèvement populaire. Que toute la classe
politique et l’armée nationale du Burkina-Faso se le tiennent pour
dit ! « Nan Laara an Saara, lorsqu’on est couché on est mort »
rappelait souvent le grand Joseph Ki
Zerbo. Le peuple Burkinabé est aujourd’hui en marche !
Khalifa Touré
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