vendredi 25 décembre 2015

Sorcellerie et refus de sépulture au Sénégal



   


Une société dont la machine à fabriquer le Bien est en panne est une société malade. Mais le Bien n’est pas seulement une construction sociale, c’est aussi et surtout une  question de transcendance qui touche à notre spiritualité. Voilà la grande difficulté ! Sans verser dans un constructivisme de mauvais aloi, on peut affirmer que là où le bât le blesse c’est lorsque le Bien devient  un problème de possibilité sociale. Pour beaucoup de citoyens les logiques de survie auxquelles ils sont confrontés depuis les années d’ajustement structurel, diminuent leurs capacités de choix d’ordre moral et poussent vers des solutions à la limite de l’honnêteté. Il ya au Sénégal un problème de consensus moral. Depuis des années nous avons du mal à s’accorder sur ce qui est bien et ce qui est mal. De plus en plus des hommes et des femmes passent à l’acte : corruption, concussion, prévarication, parjure, détournement de biens publics, transhumance des politiciens et des électeurs, manipulations en tout genre, mensonge éhonté, violences physique et symbolique sur les citoyens sans parts… Mais l’une des manipulations les dangereuses et confine au macabre est la sorcellerie qui remonte à la nuit des temps. C’est une pratique protéiforme dont le vocable a désigné mille et une choses différentes relevant spécialement des sciences occultes. Elle a aussi désigné des pratiques soi-disant anthropophagiques et alimente ainsi les superstitions les plus folles et provoqué la mise à mort horrible de personnes innocentes.  Mais ce dont il s’agit aujourd’hui au Sénégal, qui défraie la chronique, ce sont les pratiques répétées de profanation de tombes qui est à l’évidence l’un des  rituels de la nécromancie.  Il n’ya pas tant à s’en étonner. Autant dire qu’on feint d’être étonné par de telles pratiques qui même si elles sont faites à la faveur de la nuit sont  connues de tous. C’est devenu un secret de polichinelle qu’au Sénégal, le  pouvoir, la politique et la sorcellerie ou « maraboutage » sont des pratiques  intimement liées. La consultation des devins, des voyants ou autres «clairvoyants» sensés interroger les esprits de la nuit pour agir en «modifiant » la trajectoire du destin sont des œuvres devenues courantes et banales pour les hommes de pouvoir en général ; pas forcément les hommes politiques. Selon les spécialistes sénégalais de la démonologie les trois secteurs les plus infectés au Sénégal sont le monde politique, le secteur du commerce, le sport en particulier les Navétanes et la lutte. Le monde « religieux » est  de plus en plus concerné par cette affaire. Il ya aussi la sorcellerie diffuse dans la société qui s’est essentiellement féminisée à cause des conflits matrimoniaux.
On feint d’oublier qu’un homme politique sénégalais et pas des moindres, affirmait sans ambages que ses « marabouts » étaient  plus puissants que ceux de ses homologues africains. Un de ses farouches opposants fit alors un « voyage  initiatique » en traversant la boucle magique de l’Afrique de l’ouest : la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée, le Mali, le Bénin pour revenir au Sénégal. Personne ne s’est interrogé sur ce voyage qui n’avait aucun enjeu politique. Dans la mairie d’une ville près de Dakar, à la suite de travaux de réfection, trois corps avaient été découverts ensevelis et couverts de linceul noir en direction du coucher du soleil. Tout portait à croire que c’était un meurtre sacrificiel et rituel compte tenu du modus operandi utilisé dont le symbolisme renvoie à des références blasphématoires. Un fait paradoxale dans un pays où l’Islam et le Christianisme, deux religions qui condamnent les pratiques occultes ou magiques, occupent le haut du pavé social et sont les principaux déterminants qui structurent l’imaginaire social. Mais le fait social est que la magie blanche est tolérée par les religieux. Sous des dehors de modernité, le Sénégal vit toujours à l’ère de la pensée magique, des superstitions, des croyances aux bons ou mauvais augures. Les hommes de pouvoir  ont du mal à quitter le monde du bois sacré. D’un point de vue historique la permanence de la cosmogonie africaine traditionnelle dans sa face politique est d’une évidence éclatante au Sénégal. Le pouvoir c’est de la  jouissance qui autorise la convocation et même l’invocation d’entités autres qu’humaines en dehors bien entendu du monde de la raison, du visible et de la transparence. Une interrogation sur ces différentes pratiques qui sont loin d’être marginales est d’un intérêt sociologique certain. Elle peut surtout nous renseigner sur l’état de notre société et sur l’usage déficitaire de la raison dans le monde politique africain. Nos hommes politiques n’ont pas confiance à la raison, à la force de persuasion et la pertinence d’un programme. Des hommes de pouvoir capables de mettre en veilleuse leur raison ! Alors toutes les folies imaginables sont permises : Folie sexuelle, folie financière, folie des grandeurs et folie « mystique ». Une  économie politique  de la sorcellerie, du sexe et des œuvres magiques serait d’un intérêt scientifique certain. C’est ainsi que le politicien confiant de son immunité mystique conférée par le sorcier  entame une grande carrière de prédateur économique et social. Tout va passer sous le rouleau compresseur de l’impunité (femmes, argent, véhicules, villas) jusqu’à ce que qu’un décret présidentiel plus sorcier viennent mettre fin à la carrière très mystérieuse du ministre. En attendant le décret divin.



lundi 14 décembre 2015

Émigration, liberté et servitude !









Depuis qu’il lui a été donné de marcher sur terre, l’homo-sapiens   a toujours quitté les zones hostiles où la vie humaine était précaire vers les prairies où l’herbe est verte partout. Il découvrira plus tard le tragique de l’existence humaine. En vérité si l’herbe est verte partout, il y en a qui est vénéneuse. Que l’on soit disciple du très controversé Darwin ou adepte du créationnisme, le fait est qu’il n’a jamais été dans le fort de l’homme de se donner volontairement la mort. Il est inscrit dans l’ADN historique de l’espèce humaine d’aimer, d’adorer et de s’accrocher à la vie, quitte même à tuer son prochain. Aussi, notre Lébou préféré, l’écrivain Abass Ndione, a-t-il raison d’affirmer sous sa barbe chenue que « les  émigrés clandestins ne sont pas des suicidaires.» On n’a pas besoin de lire Emile Durkheim pour savoir que l’émigré clandestin n’est pas dans le mode opératoire du suicide. Il veut vivre ! Il faudrait être plus sourd, muet et aveugle que le personnage de La Brute de Guy Des Cars pour ne pas entendre le cri de ces pauvres hères qui prennent des pirogues, bravant une mer hostile vers une Europe animée d’un grand désir d’apartheid. Une Europe plus hostile que la mer. « Barça ou Barzagh », « Mbekk mi », autant de formules qui nous font voir ces aventuriers des temps modernes, hommes femmes enfants, comme des béliers mythologiques, donner des coups de cornes sur la crête d’une mer qui ne leur offre que la mort. Décidément  l’avenir se refuse à eux. Leurs ancêtres n’ont-ils pas fait le même chemin ? On n’ose même pas dire que l’histoire se répète. Restons dans les proportions raisonnables. Ah l’Atlantique ! Il  est devenu tout noir à force d’engloutir et de voir autant de noirs passer. Depuis que l’éminent Paul Gilroy a jeté son fameux « L’Atlantique noir » sous le ciel assombri du monde des idées, nous savons que cet espace est à la fois un cimetière et un vaste monde de création et de recréation de l’identité noire. L’ADN historique et génétique des visages noires les plus divers est passé par là : William Dubois, Martin Luther King,  Jimmy Hendrix, Spike Lee….La migration qu’elle soit volontaire ou involontaire est un phénomène complexe et contemporain qui participe de notre modernité commune. C’est une histoire africaine mais aussi une histoire européenne. Les anciens systèmes, mercantile  ensuite capitaliste, ont par différents moyens poussé les hommes à partir ou bien même aller chercher des bras pour les faire travailler. Le capitalisme carnassier a aussi inventé un imaginaire euro-centré qui a cette faculté « démoniaque » de siphonner les consciences des autres peuples. Un système terriblement efficace dont les vecteurs principaux sont la langue, la littérature, le cinéma et  la musique. Quoi que vous fassiez, ils partiront. Même les femmes enceintes s’en vont. Ils sont possédés par le « démon » Europe. Ceux qui ont réussi à passer ne raconteront jamais leur mésaventure. Ils sont partis sur les routes d’une terre africaine malmenée et outragée par une élite qui a fini de cannibaliser les peuples et installer une prédation économique sans précédent. Depuis le fameux rapport Berg des années 80 nous savons que les dirigeants politiques africains n’ont même pas profité des marges de manœuvres laissées involontairement par les féroces institutions de Bretton Woods. Ces marges, quelque soit leur étroitesse était suffisamment « lisses » pour laisser passer de grandes politiques de croissance. Mais ils n’ont rien fait, occupés à suivre et caresser les anciens maîtres. L’esclave n’aime pas son ancien maître. Seulement il croit l’aimer. A force de brimades et de terreur, il en venu à un état d’imbécilité voisin de la démence. Il est vrai que des cas comme celui de Jean Bedel Bokassa et bien d’autres plus récents relèvent peut-être de la psychiatrie. Il ya des maladies mentales non encore diagnostiquées! Qu’ont-ils fait contre les effets dévastateurs de la sécheresse des années 70, l’exode rural, le dépeuplement des campagnes, le déséquilibre dans les villes, l’analphabétisme, le très dangereux analphabétisme ? Alors, les braves fils de l’Afrique se sont mis à braver le désert. Certains se font battre et torturer dans le Sahara, d’autres se font « enculajailler » par des maures lubriques. Ils reviennent complètement paumés s’ils ne perdent pas la tête. Dans leur folie ils racontent des choses terribles et vraies. Certains qui sont passés ne diront jamais qu’ils ont été violés. Il y en a qui ne reviendront jamais. Ils sont morts ! D’autres sont dans des caves, de grands trous creusés dans le désert où ils subissent les pratiques barbares de l’époque des Razzias. Ils ont le malheur d’habiter des pays où l’on hésite encore entre la liberté et la servitude. Les hommes sont mortels, mais les civilisations se suicident !

mercredi 9 décembre 2015

Mais à quoi bon écrire ?





A quoi bon écrire si ce n’est pour voir l’œuvre de sa vie conspuée et regardée avec une morgue hautaine par les bourgeois de troisième génération ? Ils vous achètent quelques bouquins pour se faire bonne conscience et décorer leur palais construit avec l’argent faisandé du commerce de l’Afrique. L’Etat honteux ! La Société sans vergogne, l’Elite déconfite. Faites gaffe ! Méfiez-vous des anciens pauvres qui ne seront jamais riches. Ils se contentent des miettes que leur jettent ceux qui sont haut perchés et attendent de dégringoler dans un bruit à vous crever le tympan. Attention fuyez ! Ils vont tuer, massacrer, génocider dans leur grande chute motelle. Ah ! que ça fait du bien lorsqu’un criminel choit. Un peu de cynisme ça ne fait pas trop mal tout de même.  Ce doit quand même faire drôlement mal la chute éléphantesque de ces animaux sauvages. Il n’ya guère, leurs rires narquois et leurs œillades sataniques se  gavaient de la misère noire de l’écrivain, noire comme le pain noir de la sombre misère. Ah la classe moyenne supérieure, quand tu nous tiens ! Les anciens  pauvres empêchent la révolution. La classe moyenne supérieure est la muraille de Chine, pardon (sacrilège!),  la muraille de la honte qui a oublié les mâcons du cœur. Une position de classe précaire, sans conscience politique de classe. Pour elle, l’essentiel est d’être là-dedans. Regardez-les jubiler, se pourlécher les babines en un geste lubrique ! Ils ne savent pas que le mirliton chante mieux que le bâton de Maréchal. D’ailleurs le bâton ne chante pas. Sinon il chante faux. Le chant rocailleux, caverneux, effrayant et braillard des intellectuels qui n’ont même pas l’excuse d’être organique. Les invertébrés ont quand même un organe. Ils sont au-dessus de la terre. Ils rampent au moins vers quelque chose.  Les intellectuels c’est comme les femmes, ils sont fascinés par le pouvoir. Mais je préfère les femmes, elles valent mieux qu’un intellectuel. Elles sont belles, mais pas toujours. Elles sont la sève nourricière. Il ya pas plus moche qu’un intellectuel dans la cour du roi. Sur cette terre foulée et pourrie par des millions de pieds assassins, il n’ya que la beauté qui compte.

Va-t-en ! naguère grand prix du chef de l’Etat pour des lettres illisibles jusques aux palimpsestes. Reste dans ton Nord de misère hautaine jadis Saint-Louis du Sénégal. Les pauvres ! Ils ne savent pas que le Nord, comme l’Orient musulman, est la boussole. A quoi sert de savoir où se trouve le Nord  si les entrepreneurs politiques ont périclité ? Mon cher conteur-Ife, tu vas dormir dans la rue. Ça leur est égal ! Parmi tes semblables, diront-ils. La rue n’est elle pas le gîte naturel du poète ? Commentent les experts en histoire littéraire préfabriquée. Ils vous réciteront des « Charles Baudelaire était pauvre comme Job. Il allait chercher des catins jusqu’en Europe du Nord. George Orwell, le dernier prophète de la littérature, est mort clochard. Céline le gueux, l’un des deux seuls maîtres de la parole française (avec Aimé Césaire) a quand même terminé un bouquin quelques heures avant la mort !»… Et patati et patata ! Tous victimes de la division internationale du travail, ces forgerons de l’imaginaire. Le chien aboie la caravane s’arrête  au dessus des dunes. Chien philosophe parle-nous ! Au secours le règne animal veille sur nos consciences corrompues par l’argent blanc mal blanchi. Le chien de l’écrivain est tendu de façon priapique comme le chien du fusil. Bang ! Coup de feu, coup de sang dans les veines révolutionnaires du poète national Ibrahima Sall. Alors la race des profiteurs aux abois tombe et se remet debout. Les voleurs ont la peau dure. Livrons-les tous  au guérillero de la banlieue ! Il va tous les passer à la Kalachnikov des langues africaines, avant que la société indiscrète des écrivains francophiles le mette au ban. Mais l’ombre  du pharaon Anta Diop lui viendra au secours. La doublure mystique de Bandiagara viendra guider la fabrication du Grand Livre, le livre ultime que l’argent ne pourra acheter. Il sera idéalement exposé, Le Livre, et le peuple viendra s’agenouiller, se recueillir en une prière salvatrice devant les mots balsamiques du poète de la Nation qui nous viendra des limbes de la vérité. A quoi bon écrire ?     

samedi 5 décembre 2015

Terrorisme, littérature et ré- enchantement du monde!






Le philosophe français Paul Valéry dans cet esprit subtil dont il avait le secret a dit la chose suivante : « Le monde ne vaut que par les extrêmes et ne dure que par les moyens ». Quel don particulier possèdent ces grands écrivains pour nous exprimer en des mots particuliers les choses les plus complexes ? Autant dire que les hommes ont une inclination naturelle vers les extrêmes, poussés en cela par le pessimisme. L’Homme est naturellement pessimiste. Le juste milieu lui fait horreur. Il a tendance à tout faire à l’excès. C’est la raison pour laquelle les religions, les grandes sagesses et les systèmes philosophiques et moraux bref la Culture en général, appelle l’espèce humaine à la modération ; exercices spirituels difficiles et par moments douloureux pour l’Homme dont l’histoire est jalonnée par des pratiques de domination et d’hégémonie. Même ceux qui appellent à la modération sont parfois dans l’excès en ceci qu’ils le font à partir d’une culture souvent dominante. C’est l’exemple de la majorité qui accuse toujours la minorité d’être « excessive » parce que la minorité est trop visible contrairement à ce que l’on pense, elle détonne dans le décor, comme une tache blanche sur du tissu noir. Aujourd’hui c’est le terrorisme qui est en cause, une conséquence des pratiques excessives de l’homme. Le terrorisme est toujours la conséquence d’un conflit politique de grande intensité. Une grande querelle de nature politique et culturelle provoque souvent le terrorisme. Il n’est pas forcément lié à la pauvreté. La pauvreté n’en est même pas la cause secondaire. Elle a plutôt un effet d’entrainement. Une incompréhension généralisée venant souvent de l’élite dominante vient s’ajouter à la masse déferlante de préjugés, d’approximation et même d’ignorance. Le dialogue est alors interrompu. Comment Michel Houellebecq, l’écrivain français « le plus lu et le plus traduit » présentement, a-t-il pu passer de « Plateforme », un ouvrage violemment islamophobe à « Soumission » où l’islamisme qui arrive au pouvoir en France est dépeint sous un visage relativement  modéré ? Ce livre d’une écriture quotidienne comme à son habitude   et la polémique qu’elle a suscité révèlent cet état d’esprit qui caractérise particulièrement l’élite parisienne. On ne lui reproche  pas d’avoir posé l’hypothèse islamiste sous forme romanesque, le « pourquoi pas l’islamisme modéré », mais d’avoir évolué sur la question islamique. Houellebecq a osé dire qu’il a lu le Coran avant d’avoir écrit « Soumission » et qu’il faudrait être particulièrement malhonnête pour avoir une interprétation violente du Coran. « Soumission » aurait pu être plus violent s’il était écrit après les affreux attentats qui viennent de frapper la France. Des pauvres êtres innocents qui sont aujourd’hui assassinés en France par le fait de l’engagement de leur gouvernement dans l’affreuse  guerre syrienne n’ont eu que la malchance d’habiter un  pays qui peut venir à bout du terrorisme mais qui perdra la guerre de « l’invasion religieuse ». Les jeunes de la France et de toute l’Europe déchristianisée au ¾ tentent de retourner vers le paradis perdu. Dans ce phénomène de ré-enchantement de la civilisation européenne, ni l’extrême  droite encore moins la droite ne pourront jouer un quelconque rôle, sinon s’ériger en repoussoir idéal pour la rhétorique islamiste. Ni Marine Lepen, ni Nicolas Sarkozy encore moins François Bayrou n’ont la foi, la stature et la religiosité de Charles Martel. La geste de Poitiers est encore loin ! Les gouvernements du monde ont intérêt à écouter les quelques esprits brillants qui annoncent des choses à chaque époque. Juste après la chute du mur de Berlin, Philipe Delmas a écrit « Le bel avenir de la guerre » au moment où les analystes médiatiques disaient que la guerre est devenue obsolète. En ce sens le gouvernement du Sénégal a tout intérêt à se méfier de l’analyse télévisuelle même si elle présente quelques intérêts. Les analystes eux-mêmes devraient être analysés .Ce n’est pas parce que l’on a été un gentil professeur  ou chef du département d’Arabe ou avoir écrit un livre sans critique sur « Boko Haram » que l’on peut servir des recettes miracles anti-terroristes. De nos jours il est plus facile d’écrire un  bouquin  que d’élaborer un seul  article scientifique digne de ce nom. La question du terrorisme est d’autant plus complexe que les approches francophone et anglo-saxonne divergent. Tenez-vous bien ! Il ya  quelques années un article de référence publiée par une chercheure américaine dans « Manière de voir », présentait les excroissances confrériques comme la principale menace islamiste au Sénégal. Contrairement à ce que pensent nos experts médiatiques, l’islam confrérique est autant « surveillé » que les mouvements islamiques. Remarquez à propos du  Niqab  (il n’ya pas de Burqa au Sénégal), personne n’a souligné les aspects ethniques d’un tel choix vestimentaire. Son interdiction temporaire peut être décidée même dans un Etat islamique ; mais au nom de quelle légitimité ? Un conflit de légitimité se pose auprès du chef de l’Etat. L’homme qui murmure à son oreille devrait faire gaffe. Il suffit qu’une batterie de mesures justifiées ou non soient  prises pour que le Sénégal devienne une cible ! Avant d’accéder au palais le Président Macky Sall a fait le tour des mouvements islamiques au Sénégal. C’est le moment d’appeler leur expertise en la matière. La responsabilité de tous est engagée devant Dieu et les hommes.

lundi 9 novembre 2015

SEXE, MENSONGE ET VIDEO EN REPUBLIQUE DU SENEGAL








De prime abord et à l’évidence, les affaires Ndèye Gueye « Guddi Town », Diomboss Diaw, Cheikh Yérim Seck, Tamsir Jupiter Ndiaye, Serigne Bara Doly, les jeunes filles de Grand Yoff  et aujourd’hui ces jeunes mineures prises à flagrant délit d’attentat à la pudeur à la plage de Hann n’ont rien à voir. Mais méfions-nous de l’évidence, elle nous cache souvent la réalité. Il existe des vérités non-évidentes et des mensonges évidents. Ces différentes affaires à connotation sexuelle telles qu’elles sont posées de façon désinvolte risque de nous priver l’interrogation fondamentale sur les problèmes de socialisation de la sexualité. Ces affaires si différentes qu’elles soient, peuvent être « ramassées » pour en tirer non pas une vérité générale mais en connaitre les fondements profonds et les conséquences sur notre devenir en société. Aussi le sociologue Abdelwahab Bouhdiba eut-il raison   d’écrire : « une société équilibrée donne une sexualité équilibrée. Non l’inverse !» La société est donc le facteur le plus explicatif qui permet de comprendre l’un des ressorts les plus puissants de l’être humain qu’est la sexualité. La fonction informative de la société explique provisoirement les pratiques sexuelles de plus en plus déséquilibrées et la projection de cette fausse sexualité, cette « sexualité mensongère » sur des supports-vidéo n’en  est pas moins déviante. Au Sénégal les conduites sexuelles liées au caractère fuyant des sociétés modernes revêtent de plus en plus un aspect déroutant. Des mineures toutes nues qui dansent la « Bombass » à la plage de Hann ? C’est la meilleure ! Les expériences de la vie vont aussi vite que ce monde moderne de la vitesse et de la compression du temps. Dans cet univers de la téléréalité, (c.à.d  la réalité à distance bref la fausse réalité ou la réalité mensongère), la curiosité  qui est décidément un vilain défaut, pousse beaucoup de jeunes « mineures » à s’intéresser d’abord au sexe et puis ensuite par touches successives,  à consommer des produits sexuels toxiques que j’appellerai (PST). Le sexe est à gogo au Sénégal : Les clips érotiques non-censurés par les chaines de Télévision,  les films obscènes, les scènes de lit de plus en plus nombreux dans les téléfilms sénégalais appelés abusivement « théâtre », les habits indécents, les séances de « Sabar-strip-tease », l’insouciance des parents face à l’outil INTERNET ... Malgré toute cette production de  sexe gratuit, la misère sexuelle est présente à travers ce sentiment d’insatisfaction permanente qui frappe une société sexuellement déséquilibrée. Savez-vous que les troubles de l’érection sont devenus le premier motif de consultation chez les tradipraticiens ? L’obscénité et la vulgarité tuent l’érotisme qui est indispensable à une vie sexuelle équilibrée. La pornographie et l’exposition vulgaire du sexe sont en train d’annuler progressivement l’immense patrimoine érotique dont recèlent  les différentes civilisations du monde qui ont offert un trésor érotique et littéraire qui appartient au  patrimoine sexuel mondial. Prise sous cet angle, la pornographie est une catastrophe culturelle. Il n’y a aucune honte particulière d’écrire aujourd’hui, qu’au Sénégal depuis quelques temps s’est installé une habitude particulière chez les « jet-setters » de filmer leurs ébats sexuels histoire de pimenter « leurs affaires » mais surtout pour ne pas être frappé par « le syndrome Matiou » qui, rappelons-le, a été accusé de viol par deux jeunes mineures qui, selon Matiou, était bien consentantes. S’il avait filmé la scène, dit-on, il aurait pu prouver son innocence. Depuis lors « les films érotiques réalisés à la maison » pour protéger ses arrières, sont devenus une pratique assez courante au risque qu’ils tombent entre les mains de Madame. Ces pratiques  peuvent être assimilées à un phénomène d’involution liée à la modernité, à l’urbanité et à un usage excessif de la liberté. Existe-t-il des libertins au Sénégal ? Oui et non à la fois. Les libertins de notre époque sont bien loin de poursuivre un but philosophique par la plongée vertigineuse dans les méandres de la corporéité accompagnée par une réflexion simultanée sur le corps, le désir et la passion. Les libertins d’aujourd’hui  sont tout simplement des pervers sexuels par accoutumance qui jouent dangereusement avec l’objet sexuel. La société sénégalaise est très sexuée, mais cela ne veut pas dire que les sénégalais sont protégés contre la misère sexuelle. Depuis la détérioration des termes de l’échange, les plans de rigueurs imposés par la Banque mondiale, la dévaluation du CFA, la transformation de nos Etats en oligarchie mafieuse et cannibale, une misère sociale s’est progressivement installée, accentuée par un phénomène d’individuation mal vécue surtout dans les villes. « Les Sénégalais sont capables maintenant de tout » entend-on dire de plus en plus. Ce qui est une remarque à  sens ambivalent en ceci qu’« être capable de tout » peut être une performance oubien une chute vertigineuse. « Être capable de tout » est tout compte une traduction linguistique de la misère sociale qui par endroit peut entrainer la misère sexuelle. Regardez ces pauvres Gigolos qui se coltinent des vieilles femmes européennes ou africaines ! La plupart d’entre eux sont d’ailleurs obligés de se soûler la gueule pour « supporter » ces vieux corps décrépis, qui leur procure le dégoût. Enfin, il ya lieu de dire que pour miner les fondements d’une civilisation le sexe déséquilibré est l’arme idéale de destruction massive. 

Khalifa Touré


lundi 26 octobre 2015

La culture est elle devenue anti-capitaliste ?







C’est à croire que la culture, du moins occidentale, devient de plus en plus anti-capitaliste. Mais jusqu’à quand ? Il ya tellement d’œuvres cinématographiques, des films disons, et des livres diffusés ces dernières années qui interrogent de différentes manières les rapports capitalistes entre travailleurs au bas salaire et ceux dont les revenus liés soit au travail ou au capital sont faramineux. C’est comme qui dirait « la culture  occidentale en ce qu’elle a d’artistique  est en train de régler ses comptes avec les  sources de la dictature capitaliste ». Mais à  y voir de plus près ce phénomène culturel est une interrogation des rapports de domination liée à l’argent. Toutes ces œuvres expriment un malaise. C’est que le monde ne va pas mieux !
Certains y vont avec le dos de la cuillère comme l’ont fait récemment les deux réalisateurs belges, Les Frères Dardenne, avec le très émouvant « Deux jours, une nuit », un film incroyable, avec une interprétation hallucinante de Marion Cotillard. Son personnage amaigri avec un jeu plein de retenue est troublant de vérité et de réalisme. Elle aurait pu remporter le prix d’interprétation féminine à Cannes tellement elle nous touche par son personnage en butte aux tracasseries du monde de l’emploi. Les frères Dardenne « décrivent » de façon pudique la déchéance morale des travailleurs qui s’accrochent mais savent qu’ils vont perdre leur emploi. Auparavant, en 2010, l’immense cinéaste franco-suisse Jean Luc Godard, l’un des chefs de file de la nouvelle vague dans les années 60-70 avec François Truffaut et autres Claude Chabrol a frappé avec son très déroutant « Film Socialisme ». Une œuvre radicale sur plusieurs plans. Un grand poème amoureux mais philosophique dédié au monde qui ne va pas bien. Le film s’ouvre par ce dialogue décalé : « Et nous, quand une fois de plus on a laissé tomber l’Afrique/Constance, vous ne pouviez pas faire autre chose, on sait qu’en allant au sud les degrés de latitude deviennent négatifs, il ne nous reste que le Nord cher amie. » Voilà ainsi posé le problème du désir de désertion qui frappe les pays du Sud. La destruction mercantile ensuite capitaliste est passée par là ! Même son dernier « Adieu au langage » est un pied de nez esthétique au langage tel qu’il a été inventé par le monde capitaliste. Les jurés du dernier Cannes ont vu juste en lui décernant le Prix du  Jury.  Quant à « La Pirogue » du cinéaste sénégalais  Moussa Touré, même si elle ne pose pas de façon évidente la question du Capital, elle aborde ce phénomène traumatisant qu’est l’émigration par la mer liée à la détérioration progressive des réserves de vie et du travail comme moyen de conservation en Afrique qui provoque ce désir de fuite vers les latitudes les plus positives. Moussa Touré après « TGV » qui est un véritable Road-movie africain s’est essayé à travers « La Pirogue » à ce qu’on peut appeler un « Sea-Movie », un véritable huis-clos à ciel ouvert où la verité sort par l’entrecroisement des rapports humains. Il fait échos à « Bamako » du cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako qui s’attaque sans ambages et avec fort arguments aux termes de l’échange entre le continent noir et les pays du nord. La voracité et la cupidité capitalistes ne sont pas seulement dénoncées dans cette mise en scène « originale » du procès de l’occident mais Sissako fait surtout œuvre de cinéma par la multiplication des points de vue et les citations cinématographiques intempestives qui contribuent à casser et redistribuer les rôles tels qu’ils devraient être dans un monde équitable. Que dire de « Pater » le film d’Alain Cavalier, en sélection officielle à Cannes en 2011 ? Pour un non-cinéphile, il peut paraitre ennuyeux par son caractère documentaire et excessivement dialogué. Sans être une comédie qui fait éclater de rire, sa drôlerie intelligente compense tout. Ce film comme toute comédie (pas au sens moliéresque du mot) raille de façon très fine les gens d’en haut. Il s’en prend au paternalisme ridicule des hommes de pouvoir avec une caméra rapprochée, qui crée un effet de grossissement à la Eisenstein. Parce qu’ils détiennent le Capital, ils se pensent tellement fort qu’ils inventent un discours ridiculement mensonger. Tel est le message de Pater. La liste est encore longue avec « Le Capital » de Costa Gavras, le franco-grec, habitué des faits et « La loi du Marché » de Stéphane Brizé qui a ébloui le dernier festival de Cannes. Autant dire que les rapports de domination capitaliste sont encore présents dans l’imaginaire, sinon « Le Capital au 21ème siècle », livre de 970 pages de Thomas Pickekky n’aurait pas autant de succès. Les inégalités de revenus dans le monde du cinéma sont ahurissantes. Des acteurs bien plus talentueux que Bratt Pitt ou Leonardo Di Caprio tirent le diable par la queue. Autant dire que le mode de production et de distribution cinématographique est resté capitaliste malgré l’existence d’un cinéma indépendant.

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vendredi 23 octobre 2015

Mais qu’est-ce qu’un homme d’Etat !?



« Moubarack Lo n’est pas un homme d’Etat » entend-on par-ci, par-là venant surtout des partisans du président Macky Sall. Depuis des jours on nous rebat les oreilles avec cette formule sentencieuse comme si Moubarack Lo était un homme d’Etat. Même des membres du gouvernement ont succombé à la tentation oubliant par la même occasion que pour un homme d’Etat il est des tentatives qui frisent la tentation. Un homme d’Etat est un funambuliste qui risque à tout moment de tomber. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on devrait être indulgent avec lui. Ils le disent avec fréquence et maladresse comme si Monsieur Lo avait été homme d’Etat dans le passé et qu’à partir d’un incident (cette histoire de texto que le président Sall lui aurait envoyé), il ne l’est plus. Bien sûr que non, Moubarack  Lo n’est pas un homme d’Etat. Mais Il ne l’est pas pour le fait d’avoir divulgué le contenu d’un message que le responsable suprême de ce pays lui aurait envoyé. Non, que non ! C’est à rire à toutes dents. Moubarack Lo a été sûrement un homme de…l’Etat mais pas pour autant un homme d’Etat, voyons ! Ce n’est même pas une nuance. C’est une précision importante qui n’a rien à voir avec un jeu de mots. On peut avoir été directeur ou chef de cabinet de tel ou tel ministre important, participé à des missions importantes à l’étranger (d’ailleurs pourquoi toujours à l’étranger ?), conseiller officiel ou occulte d’un chef d’Etat sans être un homme d’Etat. Depuis quelques temps il est à remarquer qu’au Sénégal on s’amuse avec certaines appellations. Des mots qui font même notre raison de vivre ensemble dans l’espace public sont mal définis afin de créer un brouillage sémantique. Aujourd’hui telle personne est un homme d’Etat, telle autre est un héros. On en a même vu qui sont des  légendes vivantes. Il s’en est fallu de peu qu’ils soient des mythes. Le seul mot que les sénégalais évite comme la peste c’est « Martyr ». Personne ne veut mourir à la place des autres. Il faut vivre assez pour récolter le fruit de ses actes. Il y en aura toujours qui ne veulent pas que les choses soient claires. On oublie souvent que le « bien-nommer les choses » est un signe d’honnêteté, un acte moral. Notre lien indispensable à la vérité en dépend nécessairement. Mais bof ! La Vérité est une question qui n’intéresse plus grand monde, à part les philosophes et les théologiens. Il est à remarquer que depuis le début des années 2000, personne ne sait pourquoi, il ya comme une fièvre nationale dans les nominations et appellations. L’élite intellectuelle est gagnée par un fétichisme du titre, une forme de faux narcissisme  qui dénote non pas un amour immodéré pour sa propre personne mais une sorte de sottise que l’on appelle en bon français « fatuité ». La plupart de ces hommes (rarement des femmes) qui se font appeler docteur sont des fats. Je n’ai jamais entendu dire docteur Abdoulaye Bara Diop, docteur Boubacar Barry ou docteur Souleymane Niang. Même le président Lamine Gueye est titulaire d’un doctorat. C’est seulement en cette  période de décadence morale et intellectuelle que des sociologues, politologues, et juristes politiciens ou pas, se font pompeusement appeler docteur. Vous les voyez alors se pourlécher les babines, jouissant « bébétement » de ce titre sans contenu. On peut être docteur sans être un docte.  C’est alors qu’arrive encore Moubarack, qui n’est présent ici qu’à titre indicatif. On le présente toujours comme économiste alors qu’il est statisticien. Le plus grave est qu’il est consulté sur des questions macro-économiques. On ne lui connait aucune contribution décisive à la Science économique africaine. Il ya certes des « économistes » comme Alain Minc et Jacques Attali qui n’ont pas une formation d’économiste à l’origine. Ils viennent tous les deux ingénieurs des mines à l’origine. Mais ils ont tellement contribué au débat économique de leur pays en termes d’articles de références, de livres et d’études qu’ils peuvent tenir la dragée haute à n’importe quel économiste. Un économiste est un intellectuel qui travaille sur l’économie, contribue de façon significative à la théorie ou à la modélisation même s’il est autodidacte. Tout le monde a entendu un quidam affirmer à travers une chaine de télévision que Monsieur Lo est tellement instruit qu’il ne peut avoir aucun respect pour le président Macky Sall ; vous vous rendez compte !? Monsieur Lo n’est pas homme d’Etat ! Mais là n’est plus le problème. Le problème est la crise de la vérité, la simple vérité. D’ailleurs, à quoi ça sert d’être un homme d’Etat ? Les hommes d’Etat sont-ils forcément des hommes vertueux ? Notre fameux Daaw Demba Xureja Kuli Dammeel du Kajoor, un prédateur tyrannique,  n’était-il pas un homme d’Etat ? Le Cardinal de Richelieu, Mazarin et le célèbre Talleyrand «le diable boiteux » ont-ils fait que du Bien ? Personne ne peut imaginer aujourd’hui leurs diableries, crimes et machinations en tout genre. Lisez « Diplomatie » de Henry Kissinger, pour s’en convaincre. Ces hommes, y compris Kissinger dans une moindre mesure, représentent la face nocturne de l’Etat. Ceux qui aiment aborder l’Etat sous l’angle de la bête, voilà leurs références. Le célèbre Jean Collin et même Monsieur Djibo Leyti Ka, qui défraye la chronique ces derniers jours sont de cette étoffe, même si c’est d’une étoffe plus légère. D’immenses hommes d’Etat comme les présidents Abraham Lincoln, Woodrow Wilson et Mamadou Dia ont eu une approche diurne de l’Etat. Un homme d’Etat est un homme qui a exercé des fonctions étatiques importantes qui l’ont fait entrer dans l’histoire. Faire l’histoire est un critère important en la matière. Point n’est besoin d’être ministre ou sous-ministre pour être homme d’Etat. On n’oublie souvent que la fonction ministérielle est un rôle subalterne même dans les grandes démocraties. C’est la raison pour laquelle beaucoup de ministres ou supposés hommes d’Etat seront vite oubliés dans un avenir proche.


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dimanche 11 octobre 2015

Septembre noir à Mina.






Il est à croire que le mois de Septembre est frappé du sceau du malheur, de la mort et du mauvais sort. En témoignent les événements innommables qui se sont déroulés à Mina lors du grand pèlerinage. Ce n’est pas rien qu’un mouvement de résistance palestinien est appelé « Septembre noir ». Un grand poète qui est loin d’être superstitieux a écrit ces mots très étranges : « La mort nous étreint sous le règne pompeux de l’été !» Lisez par ailleurs « La mort en été » du Japonais Yukio Mishima, vous saurez que la mort est un phénomène étrange, quotidien mais surtout atmosphérique et pourquoi pas astrologique. C’est à croire que notre mort obéit à un Almanach divin. Lorsque l’Epitomé est déroulé, notre fin prochaine apparaît sous le signe de la décision irrévocable. Le calendrier de la mort est particulièrement « lourd » pour le mois de septembre du moins pour les grands hommes mais aussi pour les grandes affaires. Septembre a vu se décrocher des étoiles parmi les plus brillantes du firmament de la grandeur : Cheikh Abdoul Aziz Sy Dabagh, Ruben Um Nyobé, Salvador Allende, Mao Tsé Toung, Lamine Senghor, la liste est très longue. Pour ceux qui ont horreur de la mystique cette chose est reconnue par les historiens sous le nom de rémanence. Ce phénomène qui a troublé les scientifiques les plus sceptiques peut faire dire que  Mina -2015 qui a vu se faire piétiner des centaines de pèlerins dépassent le simple drame. Nous avons eu affaire à une tragédie saoudienne. Des bébés écrasés, ratatinés par une foule en panique, des vieillards et handicapés écrabouillés par une masse en détresse ont fait se braquer les regards éplorés des croyants vers  le ciel, mais rien empêche de baisser les yeux vers la terre peuplée d’êtres humains  au comportement exécrable.
Ces événements révèlent de façon cinglante et douloureuse l’incurie d’une monarchie absolue complètement en déphasage avec les réalités et les aspirations de la Umma Islamique. S’il est vrai( c’est à vérifier) que cette bousculade a été provoquée par l’impolitesse d’un prince qui s’est arrogé le privilège d’aller à la séance de lapidation de Satan en fermant les issues de secours pour être à l’aise, il ya lieu de rappeler que le prophète Mohamed lui-même (Psl) a eu le pied douloureusement piétiné par un bédouin ignorant lors d’une séance de circumambulation de la Kaaba. Autant dire que le Saint Prophète ne s’est jamais offert de privilèges. Il faisait comme le commun des mortels lorsqu’il s’agissait des actes d’adoration commune. Mais à quoi bon rappeler ces récits prophétiques ? Ils les connaissent autant que nous.

Il est à s’interroger sur les personnes qui dirigent ce régime dont l’une des fonctions principales est de servir les deux lieux saints de l’Islam. Une entreprise très lucrative et symboliquement très forte qui leur a permis de régner depuis le pacte fondateur du Royaume entre l’ancêtre des Saoud et Muhammad Ibn Abdoul Wahab, le fameux restaurateur de dogmes. Il est à croire qu’il ya quelque chose qui n’est pas clair en ce royaume qui est le chantre du conservatisme. Comment peut-on expliquer cette frénésie à « moderniser », construire et élargir l’espace sacré de la Kaaba. Rappelons qu’il ya bien des années lorsqu’ils ont voulu déplacer le « Maqamat Ibrahim » qui se trouve pas loin de la Kaaba, El Hadji Ibrahima Niasse du Sénégal était l’un  des rares savants musulmans consulté par le régime saoudien pour donner un avis juridique sur la licéité  ou non de déplacer ce symbole abrahamique. Le Cheikh avait donné un avis défavorable avec fort arguments. Tout pour dire que le conservatisme a son coté positif. Au rythme où vont les choses il ya des risques de voir le principe de l’ouverture dominer le principe de fidélité. Or l’Islam a la particularité de fonctionner à « l’Ijtihad » mais aussi au traditionalisme et à la sacralité. Beaucoup de  sénégalais sont prompts aujourd’hui à émettre des critiques quelques fois anti-arabes à l’endroit des Saoudiens oubliant que nous sommes le seul pays musulmans où on entend dire qu’on peut aller à la Mecque mais qu’il ne faut rien y copier. Certains poussent l’outrecuidance jusqu’à attribuer ce propos à un grand dignitaire religieux du Sénégal. La tragédie de Mina c’est aussi le récit macabre de la désunion des musulmans. La colère des iraniens qui ont malheureusement eu un lourd bilan  est totalement compréhensible mais il est inacceptable  que cette macabre affaire soit oubliée au profit de la géopolitique et de la vieille rivalité entre Sunnites et Chi’ites, deux écoles qui sont en guerre à travers le conflit yéménite. La sacralité de l’Islam souffre beaucoup de la surpolitisation d’une part et des phénomènes liés sociologie. Au Sénégal le pèlerinage est devenu un simple acte d’accomplissement social. Beaucoup de pèlerins sont religieusement et physiquement inaptes au Hadji. Il ne reste qu’à prier pour les morts. Amine !

mardi 26 mai 2015

Lettre ouverte au président de la république Monsieur Macky Sall, à propos du livre et de la lecture au Sénégal.





« Je suis parfaitement conscient qu’il ya quelque chose de pourri au royaume de poésie- d’ailleurs, on n’ouvre pas sans ennui les recueils des grandes gloires, Shakespeare y compris. Mais est-ce que ça n’a pas toujours été ainsi ? »
Monsieur le président ! Veuillez bien excuser cette citation de Charles Bukowski, talentueux écrivain américain, du reste l’un des sommets de la littérature contestataire. Elle ouvre ce texte que j’offre à la vigilance de votre stature de premier magistrat du pays, protecteur des arts et des lettres, détenant le pouvoir suprême de l’imperium. Autrement dit, vous pouvez décider en bien des choses. Les contestataires anarcho-républicains comme nous, disciples par la main gauche de Charles Bukowski, du moins pour ce court moment de dissertation, n’ont qu’à s’en prendre au suffrage universel, s’ils le veulent. Ce ne sont pas les attaques ad-hominem sur votre insigne personne qui sauveront la littérature, les livres et les lecteurs. Personne ne demandera à un chef d’Etat de sauver la littérature mais ceux qui sont avertis de la centralité du chef de l’Etat dans la définition de la politique culturelle dans notre système politique, comprendrons cette démarche. Je vous informe du haut de ma petite taille de chroniqueur littéraire, animateur du blog culturel « Panorama Critique »,  qu’il ya quelque chose de pourri dans le monde littéraire au Sénégal.
Monsieur le Président ! Il ya bientôt cinq cents ans un génie étrange qui a traqué, comme aucun écrivain ne l’a fait, les possibilités de l’esprit et du langage en littérature, a eu le malheur d’inventer, du moins de découvrir, la faculté presque innée chez l’homme de pourrir  avec tout ce qu’il fabrique. Il s’agit de l’éminent William Shakespeare de l’époque élisabéthaine. Chez lui, le Dire n’est pas ornement du langage mais modalité communicative de l’esprit. Son célèbre « Etre ou ne pas être, telle est la question » n’est pas la chose la plus céleste qu’il ait dite. Cet état de pourriture qui n’est pas un simple constat de l’esprit est la révélation, sinon l’apparition de la célèbre réplique de son divin Hamlet: « Il ya quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark. » Sans nul doute, la source d’inspiration évidente de cette parole Bukowskienne écrite dans son fameux « Journal d’un vieux dégueulasse », à la page 41 d’une maison d’édition dont je tairai le nom, par résistance  culturelle, ceci en 1967. Un livre devenu culte ! Alors, vous auriez compris, Cher Monsieur, que la littérature est fiévreusement critique. Il est même permis de s’attaquer aux monstres sacrés comme Shakespeare, Faulkner ou Burroughs, à l’unique condition de savoir bien le faire. La familiarité du mot « pourriture » n’est qu’apparence ! Sous la plume mystérieuse de Shakespeare et celle heureusement anarchiste de Bukowski, le mot comme adoubé par les plus éclatants esprits de l’écriture obtient ses lettres de noblesse.
 Par principe, la ferme ancrure du piédestal présidentiel, la station hiératique du chef de l’Etat et la dorure éclatante de la charge présidentielle ne saurait souffrir de vulgarité. Plus qu’à la charge présidentielle, j’en appelle à la dignité présidentielle : Monsieur le Président, il ya quelque chose de pourri dans la littérature Sénégalaise. Laissez-nous pleurer ! Notre propos se veut poli, respectueux, mais vigoureux, debout et frétillant jusqu’à l’inquiétude, devant le sceptre de la décision suprême dont vous êtes l’unique détenteur. Je crois que vous aspirez à commander avec « Stupeur et tremblement » tant la responsabilité est âpre. Monsieur le Président, nous avons poussé l’imprudence jusqu’à l’impudence, en produisant un court texte intitulé « Le Bréviaire de la Responsabilité » texte dans lequel nous disions la chose suivante : « Le moment est venu de s’exposer au lourd fardeau de désigner les responsables sur qui pésera la charge de présider aux destinées de l’organisation. Depuis que les hommes vivent en communauté, autant vous dire depuis toujours, la fonction de diriger le groupe est apparue comme une nécessité quasi organique qui, au fil de la longue et précieuse marche de l’homme sur terre, a revêtu une dimension politique certaine par l’expression propre à l’homme, du besoin physique de s’orienter, la quête philosophique du sens, l’impérieuse nécessité psychologique  de prendre une même direction et la noble activité de gérer les choses communes à l’intérêt général .
Il est des hommes qui prennent la responsabilité comme une sorte de privilège, certains la conçoivent comme un mérite « personnel » et d’autres comme une fonction. Mais le meilleur des responsables est celui qui la reçoit comme une charge, une élévation. C’est pourquoi il faut toujours distinguer la fonction présidentielle de la dignité présidentielle qui est le siège le plus haut, celui qui a vu les hommes construire l’histoire et les grands dirigeants présider de façon digne les choses de ce bas monde. Celui qui n’est pas digne de responsabilité ne doit rien briguer et non plus désigner. Pour être dirigeant il faut avoir « une nature,  une âme qui aspirent à de grandes choses. »
 La magnanimité est le critère le plus élevé pour diriger ses semblables. Selon Aristote le grec, « On pense d’ordinaire qu’est magnanime celui qui se juge lui-même digne de grandes choses et qui en est réellement digne  car celui qui sans en être digne, agit de même est un être sans jugement, et au nombre de gens vertueux ne figurent ni l’homme sans jugement ni le sot.»
Aussi, le grand moment de désigner les responsables est-il un rituel de haute portée morale où la sottise et le manque de jugement sont bannis. L’aspiration à la haute responsabilité a un lien certain avec la volonté de figurer parmi les vertueux. Seul le souverain Bien doit être le directeur de conscience.
La responsabilité est un dépôt, une charge de confiance dont le dirigeant est lesté tout au long de son magistère jusqu’au jour de la reddition des comptes devant ses semblables et surtout le moment ultime où les regards seront figés devant Dieu le seigneur des mondes.»
Cher Monsieur, la gravité du sujet autorise cette digression qui est peut-être de trop. Une digression qui concerne tous ceux qui aspirent à diriger. Le  moindre responsable dans l’échelon des « activités du livre et de la lecture » est concerné par cette affaire, tant la culture est une question de vie et de mort. Vous aurez compris que la politique culturelle et la gestion du livre et de la lecture est aussi une question « décisionnelle. » Il est des choses qui ne peuvent se faire que par décision présidentielle, du moins dans nos pays. Vous n’êtes pas protecteur des arts et des lettres pour rien. Il ya plus de 60 ans le chef-d’œuvre de John Steinbeck, « Les raisins de la colère », a tellement ému l’Amérique que le président Roosevelt a décidé d’améliorer le sort peu enviable des ouvriers agricoles décrit dans ce roman d’une âpre vérité. Le monumental « Guerre et Paix » de Tolstoï était massivement distribué lors du siège de Stalingrad, pour galvaniser « l’âme russe » face à la horde des nazis. Voici la moindre des choses que peut faire une magistrale œuvre littéraire.
Monsieur le Président, il ya quelque chose de pourri dans le monde du livre  au Sénégal ; il ya une affaire qui escamote la littérature. Et la responsabilité de tous est engagée.

Au milieu de cette bousculade indescriptible vers les lieux de jouissance collective et primitive, votre jeune magistère risque de souffrir. Lorsque l’information qui est l’arme du commandement est brouillée, le flou qui n’a rien d’artistique est fabriqué pour induire tout le monde en erreur et vous aurez agi vainement, sabrant vigoureusement l’eau avec une épée déjà émoussée par tant de coups. Ce n’est pas à vous que j’apprends que la volonté peut être impuissante quand l’homme ne collabore pas.
 Mon Cher Président, je vous apprends cette fois-ci que la logique de capture et de monopole de privilèges dont vous parlez souventes fois, surtout en ces temps derniers, n’est pas l’exclusivité dommageable des secteurs traditionnellement cités pour leur capacité de sanctuarisation dans l’Etat et leur pouvoir de nuisance. Le monde de la culture en général et celui du livre et de la lecture en particulier sont en proie, comme tous les autres secteurs, à des opérations de cannibalisations meurtrières (de la production culturelle). Des années de lassitude sont passées par-là. Fatigués de sauver le monde, des mouvements culturels se sont tassés laissant la place à des prédateurs de toute sorte.  Nous avons aujourd’hui des satrapies culturelles à la place des acteurs culturels. Le  Sénégal est devenu le pays des champions qui ne gagnent pas.
Monsieur le Président, il ya quelque chose de pourri dans et autour de la littérature au Sénégal. Si le Sénégal compte sur des écrivains qui osent pousser l’indélicatesse jusqu’à dire qu’ils ne lisent pas, il ya lieu d’affirmer qu’il ya quelque chose de pourri en ce pays. Les choses sont tellement pourries dans la littérature Sénégalaise qu’on se permet de se prévaloir de sa propre turpitude, en ces lieux où la beauté devrait éclater de mille feux. Des individus se sont sanctuarisés, incrustés pour ne pas dire fichés dans l’arbre culturel. Ils n’ont jamais rien écrit de fort, s’ils ont écrit quelque chose. Au Sénégal la critique littéraire n’est même pas complaisante, elle n’existe pas. Monsieur le président de la république, la politique et la gestion du livre est, au-delà de la production, une question de leadership et de rayonnement culturel. Si l’avant-garde littéraire n’est pas une fine plume, affaiblie d’abord par son ignorance, son inculture et puis ensuite par l’incapacité à produire une œuvre à dimension historique, vous aurez « investi » à perte. Lorsque les préoccupations sont autres que créatrices, ne faudrait-il pas brûler l’association des écrivains du Sénégal. Monsieur le président de la République, il n’ya même pas à lire, il suffit d’écouter parler nos auteurs, du moins ceux qui monopolisent la confrérie des écrivains, et comparer avec le Japonais Murakami, le franco-américain Jonathan Little, le nigérian Ben Okri, l’Algérien Mounsi, le Mozambicain Mia Couto, l’albanais Ismaël Kadaré, l’Afghan  Atiq Rahimi,  le Saoudien Aboudehmane, le chilien Luis Sepulveda, vous aurez l’impression qu’un jeune imberbe discute avec Cicéron ou Démosthène. Si notre littérature d’aujourd’hui n’a pas une dimension universelle et qu’elle ne peut pas tenir la dragée haute aux écrivains du monde entier c’est que notre grande capacité imaginative est compressée, découragée par une avant-garde d’écrivains stériles que personne n’ose critiquer.

On ne le dira jamais assez, l’écriture ne suffit pas, il ya surtout la réception critique au sens large du mot. Autrement dit, les critiques professionnels, les lecteurs avertis, les journalistes culturels, les écrivains eux-mêmes sont des pièces maitresses de la critique. Les écrivains doivent savoir parler de leurs homologues. On aurait aimé entendre les mots d’un Boubacar Boris Diop à propos de l’œuvre du poète Ibrahima Sall, ou les critiques d’Abass Ndione à l’endroit de Ken Bugul, Marouba Fall devrait nous dire si Alioune Badara Beye écrit bien ou pas. Sokhna Benga nous dira si Nafissatou Dia Diouf est « bonne » ou pas et vice-versa.  Notre « cousin » Louis Camara pourrait donner son avis sur le colonel Momar Gueye, Amadou Lamine Sall, qui est heureusement très critique, sur Hamidou Dia, et Samba Ndiaye « Marrons glacées » sur Elie Charles Moreau.  Cette idée qui peut paraitre saugrenue n’a rien à voir avec une quelconque tentative de hiérarchisation. La culture en général et la littérature surtout, peuvent se passer de cet artifice, comme ces « histoires » de rentrées littéraires qui escamotent les vrais enjeux d’une culture qui ne peut être portée que par des talents désintéressés, des génies créateurs. Notre littérature n’a que faire de rentrées littéraires. Une rentrée littéraire se mérite, elle ne se décrète pas. En vérité c’est une occasion de capture et de monstration d’une autorité qui n’est fondée sur rien. Le véritable enjeu c’est la création d’une  industrie du livre au Sénégal. Vous ne pouvez imaginer le nombre d’emplois que peuvent générer au moins cinq maisons d’édition nationale qui respectent les normes.
Monsieur le président de la république, je le dis et à travers votre personne je m’adresse à tous ces écrivains qui se ruent vers vous oubliant même d’écrire : Depuis « les routiers de chimères », d’Ibrahima Sall écrit en 1982, on n’a pas eu une œuvre romanesque aussi « intempestive », pour reprendre le mot de Nietzsche. Rien que faibles romans apolitiques. Un livre apolitique est un livre immoral. Un livre apolitique est un livre qui ne s’inscrit pas dans le récit national. Un livre qui ne nous dit rien. La plupart des livres de littérature écrits ces dernières années ne nous disent rien. Le style c’est avoir quelque chose à dire, pensait Schopenhauer. 

Cher Président, savez-vous que le Sénégal est un cas d’école, littérairement parlant. C’est le pays où la plupart des écrivains les plus connus sont aussi des éditeurs. Même s’ils ne pratiquent pas tous l’auto-édition, qui est une ignominie, les conflits d’intérêt que les sénégalais sont prompts à dénoncer ailleurs sont ici présents. Disons-le ! Un écrivain qui est éditeur n’aura aucune difficulté pour se faire publier. Ne soyez pas surpris que nos écrivains passent tout leur temps à parler du fonds d’aide à l’édition. Fonds d’aide qui n’a jusqu’ici pas produit grand-chose. Il ne suffit pas de publier un livre. Il ya des exigences de qualité, de distribution et même de réception qui reste le cadet des soucis de ces éditeurs de seconde main. Regardez la plupart de ces livres bénéficiant du fonds d’aide. La mauvaise qualité de l’édition est flagrante. Aucun lecteur sérieux ne s’avisera pas à toucher ces livres. A cause du fonds d’aide, les maisons d’édition pullulent. Il ya même des maisons d’édition ambulantes. On ne peut pas trouver des éditeurs à chaque coin de rue. Si la littérature est corrompue les auteurs et les éditeurs se multiplient. Cependant il n’est pas question ici de cracher dans la soupe « étatique » du fonds d’aide. Il peut être utile. Mais un éditeur, un vrai, est un poète manqué, un aventurier au sens noble du mot. Un ouvreur et découvreur d’imaginaire. Il n’ya pas de grands éditeurs sans un grain de folie. S’il n’y avait pas Kurt Wolff, on n’aurait peut-être pas connu Franz Kafka.
Monsieur le président de la république, cette littérature « trop scolaire » ne mérite aucun soutien. Ce qu’il ya à faire c’est soutenir la créativité littéraire et il yen a certainement en ce pays. Ce qu’il ya à soutenir c’est la créativité, une industrie du livre, une littérature nationale.  Quant aux publications à compte d’auteur, ceux qui ont de l’argent à jeter aux fenêtres s’en donnent à cœur joie. Ce n’est pas la volonté de faire œuvre littéraire qui les anime, ils sont naïvement contents de se faire désigner « écrivain ». Il ya aussi derrière tout cela une volonté métropolitaine de « ghettoïsation » de la pensée africaine dont les ténors ne peuvent plus frapper au cœur de la littérature-monde, se contentant de succursales « éditoriales ». Quand je pense que certains auteurs en langue africaine sont à leur quatrième édition, les partisans irréductibles de la langue française devraient remballer leurs grands airs. La plupart d’entre eux sont des écrivains par ouï-dire.    
Quant au grand prix du chef de l’Etat pour les lettres mon avis est connu, je vous renvoie modestement à l’article, A quoi servent les Prix littéraires : « La priorité au Sénégal c’est de réfléchir et d’élaborer une politique du livre avec une orientation inclusive qui prend en compte la diversité linguistique et esthétique de notre littérature. Le jury du grand prix a couronné il n’ya pas longtemps Cheick Aliou Ndao pour l’ensemble de son œuvre ; il le mérite bien. Mais le jury ne peut pas se complaire à primer des auteurs bien établis. Il court le risque de passer à coté de grandes œuvres produites par de talentueux anonymes. On oublie souvent de dire que « l’Aventure Ambiguë » fut une œuvre singulière écrite par un parfait inconnu. Le grand prix du chef de l’Etat n’a pas l’ampleur du prix Nobel. Il faut à notre avis que tous les auteurs concourent au même titre devant un jury compétent. C’est plus transparent ! Quant au jury, il faut qu’il se conforme à ce qu’on peut appeler une exigence de lecture. Les meilleurs jurys au monde sont hétéroclites, diversifiés, inclusifs, composés de grands lecteurs ; ils ont un président tournant dont la « nécessaire subjectivité » oriente utilement le choix du jury. Un prof de français n’est pas forcément un bon président de jury de prix littéraire. On ne peut pas ignorer l’actualité de la littérature-monde qui permet de renouveler notre savoir et vouloir juger un écrivain de notre époque avec de vieilles méthodes. »

Monsieur le président de la République du Sénégal, par les pouvoirs qui vous sont conférés faites ce qui est en votre responsabilité.  Les autres feront le reste, en attendant le jour où l’histoire remettra à leur place beaucoup d’auteurs et d’éditeurs.
Khalifa Touré
776151166/709341367