C’est à croire que la culture, du moins occidentale, devient
de plus en plus anti-capitaliste. Mais jusqu’à quand ? Il ya tellement
d’œuvres cinématographiques, des films disons, et des livres diffusés ces dernières
années qui interrogent de différentes manières les rapports capitalistes entre
travailleurs au bas salaire et ceux dont les revenus liés soit au travail ou au
capital sont faramineux. C’est comme qui dirait « la culture occidentale en ce qu’elle a d’artistique est en train de régler ses comptes avec
les sources de la dictature capitaliste ».
Mais à y voir de plus près ce phénomène
culturel est une interrogation des rapports de domination liée à l’argent.
Toutes ces œuvres expriment un malaise. C’est que le monde ne va pas
mieux !
Certains y vont avec le dos de la cuillère comme l’ont fait
récemment les deux réalisateurs belges, Les
Frères Dardenne, avec le très émouvant
« Deux jours, une nuit », un film incroyable, avec une interprétation
hallucinante de Marion Cotillard. Son personnage amaigri avec un jeu plein de
retenue est troublant de vérité et de réalisme. Elle aurait pu remporter le
prix d’interprétation féminine à Cannes tellement elle nous touche par son personnage
en butte aux tracasseries du monde de l’emploi. Les frères Dardenne
« décrivent » de façon pudique la déchéance morale des travailleurs
qui s’accrochent mais savent qu’ils vont perdre leur emploi. Auparavant, en
2010, l’immense cinéaste franco-suisse Jean
Luc Godard, l’un des chefs de file de la nouvelle vague dans les années
60-70 avec François Truffaut et
autres Claude Chabrol a frappé avec
son très déroutant « Film Socialisme ».
Une œuvre radicale sur plusieurs plans. Un grand poème amoureux mais
philosophique dédié au monde qui ne va pas bien. Le film s’ouvre par ce
dialogue décalé : « Et nous, quand une fois de plus on a laissé tomber
l’Afrique/Constance, vous ne pouviez pas faire autre chose, on sait qu’en
allant au sud les degrés de latitude deviennent négatifs, il ne nous reste que
le Nord cher amie. » Voilà ainsi posé le problème du désir de désertion
qui frappe les pays du Sud. La destruction mercantile ensuite capitaliste est
passée par là ! Même son dernier « Adieu au langage » est un
pied de nez esthétique au langage tel qu’il a été inventé par le monde
capitaliste. Les jurés du dernier Cannes ont vu juste en lui décernant le Prix
du Jury.
Quant à « La Pirogue » du cinéaste sénégalais Moussa Touré, même si elle ne pose pas de
façon évidente la question du Capital, elle aborde ce phénomène traumatisant
qu’est l’émigration par la mer liée à la détérioration progressive des réserves
de vie et du travail comme moyen de conservation en Afrique qui provoque ce
désir de fuite vers les latitudes les plus positives. Moussa Touré après
« TGV » qui est un véritable Road-movie africain s’est essayé à
travers « La Pirogue » à ce qu’on peut appeler un « Sea-Movie »,
un véritable huis-clos à ciel ouvert où la verité sort par l’entrecroisement
des rapports humains. Il fait échos à « Bamako » du cinéaste mauritanien
Abderrahmane Sissako qui s’attaque sans ambages et avec fort arguments aux
termes de l’échange entre le continent noir et les pays du nord. La voracité et
la cupidité capitalistes ne sont pas seulement dénoncées dans cette mise en
scène « originale » du procès de l’occident mais Sissako fait surtout
œuvre de cinéma par la multiplication des points de vue et les citations
cinématographiques intempestives qui contribuent à casser et redistribuer les rôles
tels qu’ils devraient être dans un monde équitable. Que dire de « Pater » le film d’Alain Cavalier,
en sélection officielle à Cannes en 2011 ? Pour un non-cinéphile, il peut
paraitre ennuyeux par son caractère documentaire et excessivement dialogué. Sans
être une comédie qui fait éclater de rire, sa drôlerie intelligente compense
tout. Ce film comme toute comédie (pas au sens moliéresque du mot) raille de façon
très fine les gens d’en haut. Il s’en prend au paternalisme ridicule des hommes
de pouvoir avec une caméra rapprochée, qui crée un effet de grossissement à la
Eisenstein. Parce qu’ils détiennent le Capital, ils se pensent tellement fort qu’ils
inventent un discours ridiculement mensonger. Tel est le message de Pater. La
liste est encore longue avec « Le Capital » de Costa Gavras, le
franco-grec, habitué des faits et « La loi du Marché » de Stéphane
Brizé qui a ébloui le dernier festival de Cannes. Autant dire que les rapports
de domination capitaliste sont encore présents dans l’imaginaire, sinon
« Le Capital au 21ème siècle », livre de 970 pages de Thomas Pickekky
n’aurait pas autant de succès. Les inégalités de revenus dans le monde du
cinéma sont ahurissantes. Des acteurs bien plus talentueux que Bratt Pitt ou Leonardo
Di Caprio tirent le diable par la queue. Autant dire que le mode de production
et de distribution cinématographique est resté capitaliste malgré l’existence
d’un cinéma indépendant.
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