lundi 26 octobre 2015

La culture est elle devenue anti-capitaliste ?







C’est à croire que la culture, du moins occidentale, devient de plus en plus anti-capitaliste. Mais jusqu’à quand ? Il ya tellement d’œuvres cinématographiques, des films disons, et des livres diffusés ces dernières années qui interrogent de différentes manières les rapports capitalistes entre travailleurs au bas salaire et ceux dont les revenus liés soit au travail ou au capital sont faramineux. C’est comme qui dirait « la culture  occidentale en ce qu’elle a d’artistique  est en train de régler ses comptes avec les  sources de la dictature capitaliste ». Mais à  y voir de plus près ce phénomène culturel est une interrogation des rapports de domination liée à l’argent. Toutes ces œuvres expriment un malaise. C’est que le monde ne va pas mieux !
Certains y vont avec le dos de la cuillère comme l’ont fait récemment les deux réalisateurs belges, Les Frères Dardenne, avec le très émouvant « Deux jours, une nuit », un film incroyable, avec une interprétation hallucinante de Marion Cotillard. Son personnage amaigri avec un jeu plein de retenue est troublant de vérité et de réalisme. Elle aurait pu remporter le prix d’interprétation féminine à Cannes tellement elle nous touche par son personnage en butte aux tracasseries du monde de l’emploi. Les frères Dardenne « décrivent » de façon pudique la déchéance morale des travailleurs qui s’accrochent mais savent qu’ils vont perdre leur emploi. Auparavant, en 2010, l’immense cinéaste franco-suisse Jean Luc Godard, l’un des chefs de file de la nouvelle vague dans les années 60-70 avec François Truffaut et autres Claude Chabrol a frappé avec son très déroutant « Film Socialisme ». Une œuvre radicale sur plusieurs plans. Un grand poème amoureux mais philosophique dédié au monde qui ne va pas bien. Le film s’ouvre par ce dialogue décalé : « Et nous, quand une fois de plus on a laissé tomber l’Afrique/Constance, vous ne pouviez pas faire autre chose, on sait qu’en allant au sud les degrés de latitude deviennent négatifs, il ne nous reste que le Nord cher amie. » Voilà ainsi posé le problème du désir de désertion qui frappe les pays du Sud. La destruction mercantile ensuite capitaliste est passée par là ! Même son dernier « Adieu au langage » est un pied de nez esthétique au langage tel qu’il a été inventé par le monde capitaliste. Les jurés du dernier Cannes ont vu juste en lui décernant le Prix du  Jury.  Quant à « La Pirogue » du cinéaste sénégalais  Moussa Touré, même si elle ne pose pas de façon évidente la question du Capital, elle aborde ce phénomène traumatisant qu’est l’émigration par la mer liée à la détérioration progressive des réserves de vie et du travail comme moyen de conservation en Afrique qui provoque ce désir de fuite vers les latitudes les plus positives. Moussa Touré après « TGV » qui est un véritable Road-movie africain s’est essayé à travers « La Pirogue » à ce qu’on peut appeler un « Sea-Movie », un véritable huis-clos à ciel ouvert où la verité sort par l’entrecroisement des rapports humains. Il fait échos à « Bamako » du cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako qui s’attaque sans ambages et avec fort arguments aux termes de l’échange entre le continent noir et les pays du nord. La voracité et la cupidité capitalistes ne sont pas seulement dénoncées dans cette mise en scène « originale » du procès de l’occident mais Sissako fait surtout œuvre de cinéma par la multiplication des points de vue et les citations cinématographiques intempestives qui contribuent à casser et redistribuer les rôles tels qu’ils devraient être dans un monde équitable. Que dire de « Pater » le film d’Alain Cavalier, en sélection officielle à Cannes en 2011 ? Pour un non-cinéphile, il peut paraitre ennuyeux par son caractère documentaire et excessivement dialogué. Sans être une comédie qui fait éclater de rire, sa drôlerie intelligente compense tout. Ce film comme toute comédie (pas au sens moliéresque du mot) raille de façon très fine les gens d’en haut. Il s’en prend au paternalisme ridicule des hommes de pouvoir avec une caméra rapprochée, qui crée un effet de grossissement à la Eisenstein. Parce qu’ils détiennent le Capital, ils se pensent tellement fort qu’ils inventent un discours ridiculement mensonger. Tel est le message de Pater. La liste est encore longue avec « Le Capital » de Costa Gavras, le franco-grec, habitué des faits et « La loi du Marché » de Stéphane Brizé qui a ébloui le dernier festival de Cannes. Autant dire que les rapports de domination capitaliste sont encore présents dans l’imaginaire, sinon « Le Capital au 21ème siècle », livre de 970 pages de Thomas Pickekky n’aurait pas autant de succès. Les inégalités de revenus dans le monde du cinéma sont ahurissantes. Des acteurs bien plus talentueux que Bratt Pitt ou Leonardo Di Caprio tirent le diable par la queue. Autant dire que le mode de production et de distribution cinématographique est resté capitaliste malgré l’existence d’un cinéma indépendant.

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vendredi 23 octobre 2015

Mais qu’est-ce qu’un homme d’Etat !?



« Moubarack Lo n’est pas un homme d’Etat » entend-on par-ci, par-là venant surtout des partisans du président Macky Sall. Depuis des jours on nous rebat les oreilles avec cette formule sentencieuse comme si Moubarack Lo était un homme d’Etat. Même des membres du gouvernement ont succombé à la tentation oubliant par la même occasion que pour un homme d’Etat il est des tentatives qui frisent la tentation. Un homme d’Etat est un funambuliste qui risque à tout moment de tomber. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on devrait être indulgent avec lui. Ils le disent avec fréquence et maladresse comme si Monsieur Lo avait été homme d’Etat dans le passé et qu’à partir d’un incident (cette histoire de texto que le président Sall lui aurait envoyé), il ne l’est plus. Bien sûr que non, Moubarack  Lo n’est pas un homme d’Etat. Mais Il ne l’est pas pour le fait d’avoir divulgué le contenu d’un message que le responsable suprême de ce pays lui aurait envoyé. Non, que non ! C’est à rire à toutes dents. Moubarack Lo a été sûrement un homme de…l’Etat mais pas pour autant un homme d’Etat, voyons ! Ce n’est même pas une nuance. C’est une précision importante qui n’a rien à voir avec un jeu de mots. On peut avoir été directeur ou chef de cabinet de tel ou tel ministre important, participé à des missions importantes à l’étranger (d’ailleurs pourquoi toujours à l’étranger ?), conseiller officiel ou occulte d’un chef d’Etat sans être un homme d’Etat. Depuis quelques temps il est à remarquer qu’au Sénégal on s’amuse avec certaines appellations. Des mots qui font même notre raison de vivre ensemble dans l’espace public sont mal définis afin de créer un brouillage sémantique. Aujourd’hui telle personne est un homme d’Etat, telle autre est un héros. On en a même vu qui sont des  légendes vivantes. Il s’en est fallu de peu qu’ils soient des mythes. Le seul mot que les sénégalais évite comme la peste c’est « Martyr ». Personne ne veut mourir à la place des autres. Il faut vivre assez pour récolter le fruit de ses actes. Il y en aura toujours qui ne veulent pas que les choses soient claires. On oublie souvent que le « bien-nommer les choses » est un signe d’honnêteté, un acte moral. Notre lien indispensable à la vérité en dépend nécessairement. Mais bof ! La Vérité est une question qui n’intéresse plus grand monde, à part les philosophes et les théologiens. Il est à remarquer que depuis le début des années 2000, personne ne sait pourquoi, il ya comme une fièvre nationale dans les nominations et appellations. L’élite intellectuelle est gagnée par un fétichisme du titre, une forme de faux narcissisme  qui dénote non pas un amour immodéré pour sa propre personne mais une sorte de sottise que l’on appelle en bon français « fatuité ». La plupart de ces hommes (rarement des femmes) qui se font appeler docteur sont des fats. Je n’ai jamais entendu dire docteur Abdoulaye Bara Diop, docteur Boubacar Barry ou docteur Souleymane Niang. Même le président Lamine Gueye est titulaire d’un doctorat. C’est seulement en cette  période de décadence morale et intellectuelle que des sociologues, politologues, et juristes politiciens ou pas, se font pompeusement appeler docteur. Vous les voyez alors se pourlécher les babines, jouissant « bébétement » de ce titre sans contenu. On peut être docteur sans être un docte.  C’est alors qu’arrive encore Moubarack, qui n’est présent ici qu’à titre indicatif. On le présente toujours comme économiste alors qu’il est statisticien. Le plus grave est qu’il est consulté sur des questions macro-économiques. On ne lui connait aucune contribution décisive à la Science économique africaine. Il ya certes des « économistes » comme Alain Minc et Jacques Attali qui n’ont pas une formation d’économiste à l’origine. Ils viennent tous les deux ingénieurs des mines à l’origine. Mais ils ont tellement contribué au débat économique de leur pays en termes d’articles de références, de livres et d’études qu’ils peuvent tenir la dragée haute à n’importe quel économiste. Un économiste est un intellectuel qui travaille sur l’économie, contribue de façon significative à la théorie ou à la modélisation même s’il est autodidacte. Tout le monde a entendu un quidam affirmer à travers une chaine de télévision que Monsieur Lo est tellement instruit qu’il ne peut avoir aucun respect pour le président Macky Sall ; vous vous rendez compte !? Monsieur Lo n’est pas homme d’Etat ! Mais là n’est plus le problème. Le problème est la crise de la vérité, la simple vérité. D’ailleurs, à quoi ça sert d’être un homme d’Etat ? Les hommes d’Etat sont-ils forcément des hommes vertueux ? Notre fameux Daaw Demba Xureja Kuli Dammeel du Kajoor, un prédateur tyrannique,  n’était-il pas un homme d’Etat ? Le Cardinal de Richelieu, Mazarin et le célèbre Talleyrand «le diable boiteux » ont-ils fait que du Bien ? Personne ne peut imaginer aujourd’hui leurs diableries, crimes et machinations en tout genre. Lisez « Diplomatie » de Henry Kissinger, pour s’en convaincre. Ces hommes, y compris Kissinger dans une moindre mesure, représentent la face nocturne de l’Etat. Ceux qui aiment aborder l’Etat sous l’angle de la bête, voilà leurs références. Le célèbre Jean Collin et même Monsieur Djibo Leyti Ka, qui défraye la chronique ces derniers jours sont de cette étoffe, même si c’est d’une étoffe plus légère. D’immenses hommes d’Etat comme les présidents Abraham Lincoln, Woodrow Wilson et Mamadou Dia ont eu une approche diurne de l’Etat. Un homme d’Etat est un homme qui a exercé des fonctions étatiques importantes qui l’ont fait entrer dans l’histoire. Faire l’histoire est un critère important en la matière. Point n’est besoin d’être ministre ou sous-ministre pour être homme d’Etat. On n’oublie souvent que la fonction ministérielle est un rôle subalterne même dans les grandes démocraties. C’est la raison pour laquelle beaucoup de ministres ou supposés hommes d’Etat seront vite oubliés dans un avenir proche.


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dimanche 11 octobre 2015

Septembre noir à Mina.






Il est à croire que le mois de Septembre est frappé du sceau du malheur, de la mort et du mauvais sort. En témoignent les événements innommables qui se sont déroulés à Mina lors du grand pèlerinage. Ce n’est pas rien qu’un mouvement de résistance palestinien est appelé « Septembre noir ». Un grand poète qui est loin d’être superstitieux a écrit ces mots très étranges : « La mort nous étreint sous le règne pompeux de l’été !» Lisez par ailleurs « La mort en été » du Japonais Yukio Mishima, vous saurez que la mort est un phénomène étrange, quotidien mais surtout atmosphérique et pourquoi pas astrologique. C’est à croire que notre mort obéit à un Almanach divin. Lorsque l’Epitomé est déroulé, notre fin prochaine apparaît sous le signe de la décision irrévocable. Le calendrier de la mort est particulièrement « lourd » pour le mois de septembre du moins pour les grands hommes mais aussi pour les grandes affaires. Septembre a vu se décrocher des étoiles parmi les plus brillantes du firmament de la grandeur : Cheikh Abdoul Aziz Sy Dabagh, Ruben Um Nyobé, Salvador Allende, Mao Tsé Toung, Lamine Senghor, la liste est très longue. Pour ceux qui ont horreur de la mystique cette chose est reconnue par les historiens sous le nom de rémanence. Ce phénomène qui a troublé les scientifiques les plus sceptiques peut faire dire que  Mina -2015 qui a vu se faire piétiner des centaines de pèlerins dépassent le simple drame. Nous avons eu affaire à une tragédie saoudienne. Des bébés écrasés, ratatinés par une foule en panique, des vieillards et handicapés écrabouillés par une masse en détresse ont fait se braquer les regards éplorés des croyants vers  le ciel, mais rien empêche de baisser les yeux vers la terre peuplée d’êtres humains  au comportement exécrable.
Ces événements révèlent de façon cinglante et douloureuse l’incurie d’une monarchie absolue complètement en déphasage avec les réalités et les aspirations de la Umma Islamique. S’il est vrai( c’est à vérifier) que cette bousculade a été provoquée par l’impolitesse d’un prince qui s’est arrogé le privilège d’aller à la séance de lapidation de Satan en fermant les issues de secours pour être à l’aise, il ya lieu de rappeler que le prophète Mohamed lui-même (Psl) a eu le pied douloureusement piétiné par un bédouin ignorant lors d’une séance de circumambulation de la Kaaba. Autant dire que le Saint Prophète ne s’est jamais offert de privilèges. Il faisait comme le commun des mortels lorsqu’il s’agissait des actes d’adoration commune. Mais à quoi bon rappeler ces récits prophétiques ? Ils les connaissent autant que nous.

Il est à s’interroger sur les personnes qui dirigent ce régime dont l’une des fonctions principales est de servir les deux lieux saints de l’Islam. Une entreprise très lucrative et symboliquement très forte qui leur a permis de régner depuis le pacte fondateur du Royaume entre l’ancêtre des Saoud et Muhammad Ibn Abdoul Wahab, le fameux restaurateur de dogmes. Il est à croire qu’il ya quelque chose qui n’est pas clair en ce royaume qui est le chantre du conservatisme. Comment peut-on expliquer cette frénésie à « moderniser », construire et élargir l’espace sacré de la Kaaba. Rappelons qu’il ya bien des années lorsqu’ils ont voulu déplacer le « Maqamat Ibrahim » qui se trouve pas loin de la Kaaba, El Hadji Ibrahima Niasse du Sénégal était l’un  des rares savants musulmans consulté par le régime saoudien pour donner un avis juridique sur la licéité  ou non de déplacer ce symbole abrahamique. Le Cheikh avait donné un avis défavorable avec fort arguments. Tout pour dire que le conservatisme a son coté positif. Au rythme où vont les choses il ya des risques de voir le principe de l’ouverture dominer le principe de fidélité. Or l’Islam a la particularité de fonctionner à « l’Ijtihad » mais aussi au traditionalisme et à la sacralité. Beaucoup de  sénégalais sont prompts aujourd’hui à émettre des critiques quelques fois anti-arabes à l’endroit des Saoudiens oubliant que nous sommes le seul pays musulmans où on entend dire qu’on peut aller à la Mecque mais qu’il ne faut rien y copier. Certains poussent l’outrecuidance jusqu’à attribuer ce propos à un grand dignitaire religieux du Sénégal. La tragédie de Mina c’est aussi le récit macabre de la désunion des musulmans. La colère des iraniens qui ont malheureusement eu un lourd bilan  est totalement compréhensible mais il est inacceptable  que cette macabre affaire soit oubliée au profit de la géopolitique et de la vieille rivalité entre Sunnites et Chi’ites, deux écoles qui sont en guerre à travers le conflit yéménite. La sacralité de l’Islam souffre beaucoup de la surpolitisation d’une part et des phénomènes liés sociologie. Au Sénégal le pèlerinage est devenu un simple acte d’accomplissement social. Beaucoup de pèlerins sont religieusement et physiquement inaptes au Hadji. Il ne reste qu’à prier pour les morts. Amine !