jeudi 28 janvier 2016

Les éditeurs sénégalais sont-ils à l’abandon ?







Tous ceux qui ont étudié la grammaire historique savent de science certaine que la notion de réfection analogique  est une tentative de réparation des erreurs commises par les copistes dans la transmission manuscrite d’une langue, d’où l’expression « l’erreur des copistes ». Autrement dit, avant l’apparition de l’imprimerie  et l’érection plus tard de maisons d’éditions, les textes se transmettaient de mains à mains par des copistes professionnels ou non qui ne manquaient pas de commettre des erreurs par-ci et par-là qu’ils transmettaient à la postérité. C’est donc dire que l’invention de l’imprimerie et la création progressive des techniques d’édition des livres est une révolution comparable à celle de Copernic dans le domaine de la Physique. L’édition est donc un exercice noble et éreintant qui est au centre de la transmission du savoir. L’une des missions essentielles de l’homme sur terre étant la transmission  du savoir à la postérité dans le but insigne de perpétuer la civilisation humaine jusqu’à la fin des choses. Il n’ya pas plus noble exercice sur terre que la transmission. Les éditeurs  sont peut-être des poètes manqués. Ce sont des messagers qui ont acquis à travers les âges de l’humanité les techniques d’embellissement, de promotion, de transmission et de commercialisation des sciences de l’homme. Alors on peut aisément comprendre que ce métier demande une certaine déontologie qui exige d’abord la vocation, ensuite la formation fondamentale suivie et renouvelée, les moyens matériels et financiers mais aussi et surtout une grande exigence.
 Il ya certainement des auteurs qui n’envisagent même pas en rêve d’envoyer leur manuscrit dans certaines maisons d’édition dont la rigueur, le métier et le sérieux fait trembler les auteurs les plus malhonnêtes. Un bon éditeur peut facilement démasquer un imposteur. Il n’ya que dans nos pays sous-développés que la dimension politique de l’édition nationale est négligée par les autorités. Elles ne sont même pas au courant des enjeux cruciaux liés à l’édition nationale. Il ne suffit pas d’intellectualiser l’importance du savoir et sa transmission. Les conseillers devront jouer leur rôle dans la collecte des données liées à la guerre culturelle, au savoir et à la langue. Ce travail constituera certainement la matière première, la preuve évidente pour les sceptiques que le savoir est la base du développement.
Quant à la proposition de suppression du fonds d’aide à l’édition, elle est une réaction colérique contre l’état lamentable des lieux de l’édition au Sénégal : Entre autres problèmes  beaucoup d’écrivains se transforment en éditeurs pour les raisons que l’on sait. Mais que faire ? Les écrivains ne vivent pas de leur plume. La suppression est une décision qui n’est pas sage ! Mais l’argument selon lequel partout au monde l’Etat soutient l’édition privée est de la pure casuistique. La France ne laissera jamais tomber l’Harmattan-Sénégal, tout le monde le sais ! Tout au plus il faudra suspendre le fonds en attendant de faire l’état des lieux avec un diagnostic rigoureux du problème du livre et de la lecture au Sénégal. Le président Macky Sall est interpellé sur le sujet. Il n’a pas à attendre ses conseillers. Il faudra à la place d’un fonds d’aide à l’édition élaborer une politique du livre et de la lecture au Sénégal qui englobe un programme particulier consistant à financer la créativité littéraire, pour déboucher plus tard sur une véritable industrie du livre qui crée des emplois. Depuis la création du fonds d’aide à l’édition les éditeurs qui en ont bénéficié ont-ils déniché le moindre écrivain digne de ce nom et présentable partout ? Quel est le seul chef-d’œuvre édité depuis lors ? Ils n’ont aucun flair éditorial, parce qu’ils sont des éditeurs par effraction. Un éditeur n’est pas un simple marchant de livre, un correcteur ou même un « ré-écrivain ». Ce qui est scandaleux du reste! Un manuscrit ne doit pas être réécrit par l’éditeur. S’il doit être réécrit c’est l’auteur lui-même qui doit le faire.
Le jeudi trente octobre 2015, l’Association Sénégalaise des Editeurs s’est réuni au King Fahd Palace autour de la problématique du livre et l’édition nationale. Un événement de la plus haute importance. En fait de dissertation « philosophique » sur le livre comme bien commun ou marchandise obéissant aux lois du marché, il s’agissait concrètement d’un plaidoyer pour  une  Edition véritablement nationale. Comment un Etat peut-il laisser le marché de ses livres scolaires destinés à ses enfants aux mains du capital étranger ? C’est le cas du Sénégal. Alors qu’il ya dans ce pays deux à trois éditeurs très compétents qui peuvent au moins soumissionner et gagner des marchés qui leur permettra de soutenir l’édition et la fabrication de la littérature nationale. Le plus scandaleux est que les critères des appels d’offre sont rédhibitoires pour la plupart de nos éditeurs qui sont des hommes et des femmes respectables, des patriotes,  mais qui tirent la diable par la queue. Il faut des clauses d’assouplissement  dans les appels d’offre. Nos éditeurs qui sont compétents et en formation permanente malgré les brebis galeuses n’ont  que 15% du marché des manuels scolaires. Certains ont publié une centaine de titres. La Côte-d’Ivoire de Gbagbo a exigé la moitié du marché. Il faut un soutien politique à la libération culturelle. Aucun parti politique Sénégalais ne pose ce type de problématique. C’est à pleurer de chagrin. A quand serons- nous décolonisés ? Peut-être à la Saint-Glinglin.
Khalifa Touré
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jeudi 21 janvier 2016

Les intellectuels et le pouvoir politique.







Entre le 16ème et le 17 ème siècle de notre ère, sur les terres sablonneuses du Kajoor, un homme  devenu légendaire, nommé Kocc Barma, se distingua par ses aphorismes « anarchistes » et philosophiques qui finirent par traverser le temps. Au-delà des déformations, embellissements et grossissements propres à l’histoire mémorielle, que Kocc Barma ait été moins philosophe que Ndaamal Gossaas ou pas, le fait inédit est que « l’homme aux quatre touffes de cheveux » étaient le prototype de l’intellectuel antisystème. Il s’opposa alors par les mots, les concepts et les idées au Dammeel Daaw Demba Xureja Kuli, le plus grand tyran wolof. La geste de Maajoor Joor Yaasin fils de la fameuse Yaasin Buubu n’aurait jamais eue lieu si la posture intellectuelle anarchisante de Kocc n’avait pas envahie la société. Membre de la famille des Fall, il a été sans nul doute le  premier « anarchiste aristocrate »  bien avant Henrik Ibsen, le dramaturge norvégien,  qui affirma la chose la plus terrible sur l’Etat : «  L'État est la malédiction de l'individu. Il faut que l'État disparaisse. Voilà la révolution que je veux faire. Que l'on ruine le concept d'État, que l'on fasse du libre vouloir et des affinités le lien unique de toute association, et ce sera là le germe d'une liberté qui aura quelque portée. Modifier la forme du gouvernement n'est pas autre chose que de farfouiller parmi les rossignols d'une arrière-boutique. » Il ne s’agit pas de tomber comme d’habitude dans un comparatisme éculé dans le but de  fonder une quelconque  philosophie africaine, là n’est pas notre propos. Voilà tout simplement deux  intellectuels parmi d’autres comme l’américain Noam Chomsky, le palestinien feu Edward Saïd, l’Italien Toni Negri, le sémillant philosophe Slovène slavoj zizek, le vieux soixante-huitard français Alain Badiou, intemporels pourfendeurs de l’ordre. Mais il yen a  qu’Antonio Gramsci, le philosophe italien, auteur des fameux « Carnets de prison » appelle les intellectuels organiques qui participent de l’hégémonie culturelle. Aujourd’hui, tous ceux qui ont fait quelques études et qui tentent d’aider un pouvoir politique à créer une légitimité fondée sur les idées sont appelés abusivement « intellectuels organiques ». Un pouvoir a besoin d’avoir l’air intelligent. C’est la raison pour laquelle, des hommes qui ont fait des études, n’importe lesquels, même du « développement personnel », s’agglutinent comme des mouches autour du plat festif du pouvoir poussé en cela par cette fascination quasi obsessionnelle des intellectuels pour le pouvoir politique. Mais il est plus juste de dire qu’un pouvoir doit être intelligent. C’est la quintessence de la conception platonicienne de l’exercice du pouvoir politique  qui veut que le philosophe doit être roi ou que le roi devienne philosophe. C’est de l’esprit qu’il s’agit ici et non d’un savoir approximatif, fragmenté oubien des idées mal comprises puisées par-ci et par là. Les anciens avaient la chance et le mérite d’avoir une grande culture générale qui est l’école du pouvoir selon le général Charles De Gaulle. Abraham Lincoln qui a lu les monumentales « vies parallèles » de Plutarque et récitait Shakespeare de mémoire, Winston Churchill prix Nobel de littérature, De Gaulle écrivain talentueux, le président Woodrow Wilson qui a élaboré la  ligne doctrinale de la diplomatie américaine, Léopold Sédar Senghor poète émérite,  furent des chefs d’Etat à profil, si l’on peut, dire intellectuel. Plus tard arrivèrent la cohorte des idéologues qui accompagnèrent les pouvoirs politiques. Ils sont savants, doués et un peu dangereux. Leur principale fonction est l’endoctrinement, ils sont souvent discrets mais par moments ils sortent de l’ombre. A ne pas confondre avec les penseurs de parti qui sont plus nobles. Ils ne conçoivent leur projet philosophique qu’à travers une organisation ou un courant politique. Ce sont des intellectuels brillants qui ont un projet individuel, quoique noble d’influencer la société par leurs idées en influençant les organes politiques. L’intellectuel américain Milton Friedman, Prix Nobel d’Economie, s’est rapproché de Ronald Reagan pour réaliser et surtout expérimenter sa pensée économique. Le philosophe Régis Debray, compagnon de Che Guevara, a conseillé François Mitterrand qui disait : « Je suis le dernier grand président français, du moins de la lignée de Charles De Gaule. Après moi des avocats, des comptables et des ingénieurs vont diriger. » C’est le type aérien  de l’intellectuel organique. Le président Abdou Diouf a  essayé avec le philosophe Souleymane Bachir Diagne. Il me semble que cela n’a pas marché. Je crois qu’il l’avait choisi par coquetterie politique. Le type inférieur est diplômé et même brillant mais il n’a pas d’idées politiques. C’est un simple expert, pauvre cafouilleux, qui n’a aucune conscience politique. Les experts qui gravitent autour du pouvoir politique ne sont pas forcément des intellectuels. Un intellectuel a une conscience de classe ou il ne l’est pas. Je ne connais aucun intellectuel du pouvoir actuel qui a la trempe de Babacar Sine, un ancien marxiste qui a dirigé, le cercle de réflexion du PS d’alors. On ne sait pas si ses brillantes thèses sur la Nation ont été entendues. Quant au régime actuel, il souffre objectivement de ce déficit d’esprit que des fidèles tentent douloureusement de résoudre. N’est pas intellectuel qui veut ! 

Khalifa Touré
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dimanche 10 janvier 2016

Le cinéma sénégalais devient-il inutilement insolent ?





D’un point de vue artistique  l’irrévérence ne paye que lorsqu’elle a un contenu esthétique. Le cinéma par essence est  la transgression du réel par le biais d’un langage propre à l’auteur. Mais lorsque l’auteur ne possède pas un langage ou qu’il utilise ce langage par intermittences dans les moments « sérieux » de son histoire qu’il entrecoupe de scènes vulgaires soi-disant érotiques, nous ne sommes plus dans l’Art mais dans une insolence inutile. C’est le cas dans beaucoup de films sénégalais ces dernières années. Le danger est que cette manie devienne un simple procédé mécanique sans contenu, qui ne nous dit rien et enlève  au film tout son aspect subversif. « La dimension subversive du cinéma est sa volonté constante d’échapper au manichéisme » pense à juste raison le cinéaste mexicain Guillermo Del Toro. Les films les plus subversifs de l’histoire du cinéma ne sont pas forcément des films érotiques. « L’Amant » de Jean Jacques Annaud, « Anatomie de l’enfer » de Catherine Breillat « L’empire des sens » de Nagisha Oshima sont loin derrière « Citizen Kane » d’Orson Welles, « Le Cuirassé Potemkine » de Serguei Eisenstein et « La règle du jeu » de Jean Renoir. Depuis Sembene Ousmane on n’a plus de scènes véritablement érotiques. L’érotisme c’est du sexe « soit dit en passant », suggéré en quelque sorte. Depuis lors il n’ya eu que l’excellent « Un amour d’enfant » de Ben Diogoye Beye, une histoire sincère, innocente et universelle filmée avec beaucoup de réalisme. « Karmen » aurait pu être un « grand » film si l’auteur n’avait pas dévoyé tout son savoir-faire pour ne faire valoir qu’une liberté créative fantasmée. Joe Gai a-t-il compté le nombre de fois que son personnage féminin écarte inutilement les jambes ? C’en est devenu mécanique, routinier et agaçant en fin de compte ! Ce film délicieusement bruyant est finalement devenu un flop par l’imprudence du réalisateur. Quant à « Dial Diali » d’Ousmane William Mbaye, nous avons heureusement un court-métrage, un documentaire, genre exigent, sur un aspect particulier de la culture érotique des femmes sénégalaises. Quant à « Teuss Teuss » l’histoire est tellement plate que l’on ne retient que les nombreuses scènes d’amour. Hubert Laba Ndao aurait dû réécrire l’histoire avec un vrai schéma narratif. Mais un bon film est surtout une atmosphère. On ne peut construire une atmosphère sans une photographie digne de l’histoire que l’on raconte. La photographie participe de l’écriture du cinéaste. Mais bof ! il a fait ce qu’il a pu. Dans ce film se dégage aussi un féminisme décoloré et décrépit. Du poncif et du déjà vu ! Une sorte de Sous-Mariama Ba avec bien moins de vérité et d’écriture. Personne ne demande aux réalisateurs de faire un film « asexué », un film a toujours un genre et son genre c’est le Neutre. Même s’il est difficile d’être neutre en français. Nous ne connaissons que le féminin et le masculin. Un grand film est forcément neutre au sens grammatical du mot. Depuis l’immense Carl Dreyer un sait que le montage est la grammaire du cinéma. C’est la syntaxe et la logique d’évolution des personnages dans le temps et l’espace. Dans un film le réalisateur ne fait pas tout mais c’est lui qui inspire tout. C’est là où réside la différence entre un cinéaste ouvreur d’imaginaire et passeur de symboles  qui a quelque chose à dire et possède un langage et un simple réalisateur qui est plutôt un technicien, un passeur de procédés cinématographiques éculés.   Aujourd’hui nous avons des faiseurs de films, des films-makers, un métier improbable inventé par les producteurs de Hollywood. Ce sont des techniciens sans ambition qui vendent leur savoir-faire au plus offrant. C’est pourquoi se pose la dérangeante question : Qui est l’auteur d’un film ? Le scénariste, le metteur en scène-réalisateur ou le producteur ? « La Pirogue », « Timbuktu » sont des  films français ou  africains ? « Teuss Teuss » appartient à Jacqueline Fatima Bocoum ou à Hubert ? Bref, cette « insolence » si elle était irrévérencieuse avec un contenu esthétique agrémenté d’un véritable récit qui raconte quelque chose de grand elle nous rapporterait la palme d’or à Cannes. Notre cinéma risque de devenir une mécanique sexuelle routinière, auprès des jeunes réalisateurs à venir qui auront tendance à répéter. Il ya à noter aussi un phénomène de complaisance dans le casting des personnages. Au moment où ailleurs on découvre constamment de nouveaux comédiens, la plupart de nos cinéastes se tournent toujours vers les mêmes têtes, les mêmes visages qui n’hésitent pas à le faire, bref à franchir le pas entre le nu et le vêtir. De ce point de vue notre théâtre populaire et même les téléfilms sénégalais sont plus ouverts à la nouveauté. Le choix abusif des mêmes personnes-personnages installe surtout une esthétique de la monotonie à travers des visages et des silhouettes dont la plasticité renvoie à une constante volonté de transgresser. Le jour où notre cinéma sortira de la crise actuelle, elle risque encore d’être confrontée à ce procédé qui l’éloigne du  regard local qui est propre au peuple. 

Khalifa Touré
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samedi 2 janvier 2016

Le Soufisme est-il vraiment la solution contre le terrorisme ?







Malgré toutes les querelles de chapelle liées à son sujet, l’écrasante  majorité des savants musulmans de quelque obédience qu’ils soient acceptent le soufisme tant qu’il soit la purification du cœur contre les mauvais penchants  au moyen d’une science gnostique dérivée d’Al ihsan qui peut être défini  comme l’embellissement de tous les actes d’adoration. Le soufisme est donc une valse mystique entre l’esthétique et l’éthique. Mis à part quelques radicaux commentateurs contemporains, tous les musulmans acceptent le soufisme même si c’est avec des réserves. Mais il est tout aussi rare de trouver des savants musulmans qui adhèrent à toutes les formes de soufisme. Leurs éminences Seydi Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadji Ibrahima Niasse ont tous les trois écrit des textes spécifiques sur les critères d’un cheikh authentique et les caractéristiques d’un imposteur. Je vous renvoie à « Kifaayatu Raghibiin » de l’érudit de Tivaouane. Ils étaient tout simplement confrontés à des tendances déviantes. Un éminent Tidianite comme Baye Niasse est allé même jusqu’à affirmer que Cheikh Sidy Mokhtar Al Kounti (1730-1811) qui est l’un des plus étincelants pôles de la Qadiriya est l’un des rares guides qui peuvent conduire le mouride (l’aspirant) vers Dieu. Plus récemment, Serigne Mansour Sall l’actuel Khalif de Serigne Abass Sall a écrit un livre intitulé « Le Soufisme, avantages et inconvénients ». Un ouvrage courageux où il s’attaque particulièrement au soufisme philosophique dérivé d’Ibn Arabi Al Khatimi. Pourtant Serigne Mansour Sall est adepte du Tidianisme, disciple de Cheikhna Ahmed Tidjani qui se référait à Ibn Arabi que le marabout, philosophe et théologien se permet d’égratigner. Cela ne doit pas étonner ! Il en a toujours été ainsi. La génuflexion totale devant les maîtres n’a jamais prospéré en Islam. Imam Chaafi’i disciple de l’éminentissime Imam Malick n’a-t-il pas dit lorsqu’il a rencontré le savantissime Layth Ibn Saad, que ce dernier est plus fort que Malick dans le domaine du Fiq. Imam Ghazali qui est soufi et philosophe ne s’est-il pas fendu en un ouvrage devenu célèbre « L’erreur des philosophes », alors qu’il est philosophe lui-même. Il s’attaque tout simplement à la spéculation stérile et débordante des philosophes sur des sujets non-philosophiques. Ce n’est pas parce que l’on s’attaque aux déviances du soufisme spéculatif qu’on n’est pas soufi. Le Cheikh Al Islam Ibn Taymiya (hanbalite du 14ème siècle) a une filiation spirituelle avec le grand maître Abd al Qadir al-Jilani ( 12ème Siècle)malgré ses critiques contre les soufis déviants de son époque. Son disciple Ibn Qaim Al Djawziya n’a-t-il pas écrit « Les sentiers des itinérants » qui est un remake d’un célèbre ouvrage soufi écrit par Cheikh Harawi. Toutes leurs pratiques spirituelles viennent d’Abd al Qadir al-Jilani, qui officiait un soufisme salafien, c'est-à-dire un soufisme des anciens hérités de l’Imam Ali, Hassan Al Basri, Habib Adjami, Daouda Ta’i, Sirri Saqati, Mahrouf Al Karhi et le fameux Djouneydi. Un autre courant représente le soufisme sunnite des Ghazali, Aboul Hassan Shazali et autres et puis ensuite le soufisme philosophique de Mansour Khalaj et Sohrawardi. La plupart des pratiques spirituelles et méthodes éducatives de ce qu’on appelle aujourd’hui « Mouvement islamique » dont les Ibadous sont apparentés viennent des enseignements d’Abd al Qadir al-Jilani. Lisez les ouvrages de Cheikh Abdessalam Yassine de « Al Adl Wal Insane » du Maroc. Imam Hassan Al Banna fondateur des frères musulmans a passé six années dans une confrérie(Tarîqa). La célèbre Zeynab Ghazali présidente du « Mouvement des femmes » affilié aux frères musulmans d’Egypte a écrit dans « Des jours de ma vie » que le prophète Muhammad (PSL) lui a rendu visite en prison à trois reprises lorsqu’elle était aux prises avec ses tortionnaires. On sait aujourd’hui ce que beaucoup des musulmans littéralistes pensent de la vision du prophète PSL. Il a fallu que le très encyclopédique Djalal Ad-din Souyouti rende hommage au grand soufi Abdou Wahab Shahrâni en dirigeant sa prière mortuaire pour  que l’on sache que ce dernier n’était pas un déviant et que la vision du prophète est une réalité.  Pourtant ces leaders sont considérés comme des « ibadous » qui combattent les soufis. D’où viennent ces confusions et malentendus ? Au reste le disciple Qadir qui pratique les 200 AstaghfiroullAh Al’Azim, 200 KhasbounAllahou Wa Nihmal Wakil ,100  La illaha illalah Al Malikoul Khaqqoul Moubine, 100 Salatou hala Nabi à chaque prière canonique n’a pas le temps de poser des bombes. La fréquence journalière du Wird Tidiane n’autorise aucun écart s’il est respecté! Les nombreuses Salatoul Fatiha et la quantité importante de Djawhratoul Kamal sont suffisamment « contraignantes » pour éviter les dérives. Mais tous les adeptes des confréries ne sont pas des soufis et il ya des soufis non confréristes. N’oublions pas qu’aux temps anciens le soufisme était une réalité sans nom. Il peut devenir un nom sans contenu. La méfiance des confréries devrait aller plutôt à contre-sens du discours actuel qui veut que le soufisme soit la panacée face à cette nouvelle forme d’irrédentisme religieux qu’est le terrorisme islamiste. Le soufisme comme solution peut présenter des limites lorsqu’il n’est pas compris, approfondi et appréhendé selon les réalités de notre temps :- Pour l’occident, le soufisme est une solution opportuniste. On n’a pas besoin de « l’extrême onction » de l’occident pour croire à la pertinence des Tarîqa. Si le soufisme prend une tournure politique ou se pose en alternative civilisationnelle avec des programmes culturels qui touchent les centres de diffusion du pouvoir dans le monde, il sera farouchement combattu comme l’ont été El Hadji Oumar, Mamadou Lamine Dramé (1840, 1887) et Maba Diakhou Ba qui sont des soufis-guerriers. Que Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadji Malick Sy soient aujourd’hui la solution  selon les « nassara » est vraiment risible ! Non seulement ils le disent contre mauvaise fortune bon cœur mais il ya surtout que ce discours permet à « l’occident » d’entrer à nouveau contact avec les disciples de leur anciens ennemis et s’offrir par la même occasion une tribune pour dérouler leur programme. Même le très récent Mame Abdou Aziz a été convoqué par les colons, tout simplement parce qu’il s’était rendu à Touba auprès de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké. On oublie que le preux Cheikh Hamala qui a été déporté en France est un Tidiane onze grains.  Le soufisme en vérité est un rempart contre la crise métaphysique qui frappe le monde, l’extrémisme et l’injustice. C’est une flamme secrète qui brûle dans le cœur des pèlerins qui cheminent vers Dieu.

Khalifa Touré
776151166/709341367


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