mardi 29 mars 2016

Après la politique, l’économie ?


                                                                


Le fracas et la furie tant redouté n’a pas eu lieu. Les hommes qui prétendent à une certaine grandeur aiment à se peur pour faire accroire qu’ils sont habités par quelque chose de grave. « Faites gaffe ! Nous sommes capables d’aller le plus loin possible, parce que nous sommes des hommes de conviction. » semblent-ils dire en riant sous cape. Un rire sardonique, suffocant et toxique qui empoisonne son auteur. La mal tue d’abord son propre instigateur. Il n’est pas étonnant que le débat politique prenne souvent des formes spasmodiques. En politique la colère est institutionnelle, le sourire commercial, la poignée de main dangereusement feinte.  Une chose est au moins sûre dans cette affaire, même ceux qui ne portent aucun projet politique et qui milite pour l’immobilisme, savent qu’il faut un certain culte de la grandeur, la prise de risques et le mouvement vigoureux vers la digue qui nous sépare des torrents de la crise pour donner l’image d’un homme sérieux. Malheureusement la fameuse maxime « dignitas et gravitas » est totalement ignorée. Alors ils font appel à une mauvaise mise en scène faite d’incohérences, de faux jeu exécuté par des personnages dont les costumes d’apparat trahissent un langage politique dont la grammaire n’obéit qu’à la seule règle de l’analogie. « Ils sont tous les mêmes, les politiciens » disent les « citoyens » sans part, qui aspirent eux aussi, à la cagnotte nationale. 

« Il n’y aura jamais de révolution au Sénégal » disent souvent les analystes politiques dont le métier est de se faire le porte-parole du consensus politicien. Ils ne manquent jamais  de parler  d’institutions fortes et de peuple mature. Des expressions qui n’ont rien à voir avec la science politique. Toutes ces Institutions présidentielle, judiciaire et législative que personne de comprend sauf quelques initiés parmi les lettrés ont été inventées justement pour éloigner le peuple de la « gestion des affaires de la cité. » Que signifie peuple d’ailleurs ? Population, populace, masse ou quoi d’autre ? Encore une autre expression compliquée pour le commun des mortels. Peut-on parler de citoyenneté sans cité ? Il y a combien de cités dans notre pays. Je ne parle pas des villes, il y a une nuance. Les habitants des cités sont par principe et par expérience des gens non pas « civilisés » mais policés. Ils se sont débarrassés de leurs aspérités qui sont  honteuses pensent-ils.  Éduqués par le système officiel, ce sont des alliés aux manières canines de l’hégémonie culturelle soutenue par le monopole non pas du pouvoir d’achat (ce mot est très faible, c’est un leurre) mais du Capital. Le mot innommable est lâché.  Il suffit qu’il sorte de vos lèvres boursoufflées à force de faire la moue contre l’époque, pour que l’on vous qualifie de communiste. Donnons la parole aux historiens ils nous diront s’il y aura révolution ou pas. Ce que je veux pour le Sénégal, je ne le souhaite pas. 

Ceux qui disent qu’il est temps de s’attaquer exclusivement aux problématiques d’ordre économique ont certainement des arrière-pensées. La guerre entre  l’économique et le politique est un conflit très récent qui a été inventé par les ultra-libéraux qui ont voulu imposer aux États une économie nationale affranchie des projets politiques. Ils veulent libérer l’économie de sa dimension déontologique. La proclamation urbi et orbi de la fin de l’idéologie est elle même idéologique. Ils veulent tout simplement que les autres baissent la garde. Voilà une manière d’escamoter les questions d’orientation nationale qui seules peuvent débusquer les impostures scientifiques des experts à la solde. Cette tentative de libérer l’économique du politique est professée par les experts recrutés par la Banque mondiale à une époque où les lobbies de l’ultra-libéralisme ont voulu exclure certains profils d’économistes et de financiers de la grande Institution financière mondiale. Au Sénégal, le politique ne  sera jamais à la remorque de l’économique. Il n’y a pas à s’inquiéter, c’est un sujet trop fastidieux pour nous. Le risque majeur est que la finance et le milieu des affaires exercent leur hégémonie sur le politique qui est un bien commun alors que les affaires sont par essences privées à moins d’avoir un État mercantile.  Pour le moment ce sont les hommes politiques qui dirigent l’économie, les armées, les systèmes éducatifs et même la recherche. Et ceci est une bonne nouvelle. L’essentiel est que le système politique soit organisé de telle que  l’homme politique moderne ne soit pas cet « ogre monstrueux » dont la faim est insatiable. Toutes les forces sociales qui sont en marche aujourd’hui s’exercent à dégraisser l’ogre politique qui s’est tellement empiffré que sa marche devient lourde et manque de célérité. Tout cela explique les lenteurs partout constatées qui empêchent toute forme de  modernisation. Le problème de l’Afrique est d’abord politique avant que d’être autre chose.

Khalifa Touré
sidimohamedkhalifa@yahoo.fr
776151166

samedi 19 mars 2016

Le referendum et après ?



        




Pourquoi tant bruits assourdissants, de tintamarres  à vous faire sauter au plafond, de vraies faussent colères qui blessent et tuent ceux qui s’amusent à ce jeu dangereux qu’est la politique des hommes politiques sans substance ? Pourquoi ne pas laisser les politiciens jouer à leur propre jeu ? De toutes les façons ils ont horreur de la solitude et de l’indifférence. Ils sont d’une faiblesse mesquine. Laissons leur cette politique, ils courront après vous comme chien derrière un os à ronger. Alors nous pourrions fonder une autre politique avec nos propres règles. Une politique qui traduit un projet culturel. Pourquoi tant de violence inutile ? Ah ! que les hommes aiment soutenir de petites querelles. 

Tous les théoriciens de la philosophie politique ont classé le referendum parmi les pratiques de démocratie délibérative. Le referendum est une tentative de résoudre l’une des limites et grandes faiblesses de la démocratie mais par la même occasion se débarrasser de ce sentiment d’arrogance et de monopole de la parole politique. Mais tout cela n’est que vaine politique. Le peuple n’a jamais eu la parole sauf dans les fins de  cycle où les lames de fond qui ont brassé la mer calme de la marche des sociétés a abouti à une véritable révolution culturelle, à la libération. Le peuple demande l’habeas corpus aux politiciens. Rendez au peuple sa liberté de révolution !  La liberté d’habiter son corps est un droit universel. Les populations  qui se rendent complice du rapt politique par la passivité et l’acception éhontée de la corruption seront identifiés un jour comme ces descendants d’anciens défaillants  et faux grévistes délateurs des grandes grèves dans les années quarante. Le jugement de l’histoire est implacable même s’il reste sourd. Il tombe non comme un couperet mais à la manière d’un boulet. Il vous écrase. Tout le monde sait ce que certaines couches de la population ont fait dans l’histoire particulière de leur terroir. Ils portent toujours le fardeau de la trahison. 

Aujourd’hui les sociétés africaines sont en train  d’aller quelque part. Il n’ya que les politiciens et l’élite intellectuelle qui n’entendent les pas lourds de cette longue marche des éléphants. Ceux qui veulent mettre au pas le pays rencontreront sur leur chemin deux forces sociales qui sont en train de se dessiner : La jeunesse d’obédience religieuse, et les jeunesses panafricanistes qui sont de retour. Elles sont les seules à porter une pensée utopique, prospective et révolutionnaire même si elle peut prendre des formes brouillonnes qui peuvent tromper.  Ce type de discours n’existe pas dans la jeunesse politique qui court derrière un oui ou un non. Les jeunesses politiques devraient faire la jonction avec les forces religieuses et panafricanistes pour tordre le coup aux partis politiques, les détruire de l’intérieur. Ils sont atteints d’une maladie incurable : L’accaparement. Seuls les jeunes ont la force de tuer la bête et provoquer le referendum du jour d’après, celui de l’Afrique. Oui ou Non aux valeurs africaines, à la solidarité communautaire, la vérité ancestrale et la famille hiérarchisée.  Les grands œufs ont été couvés,  les petits sont sortis, les dragons cracheurs de feu sont en train de grandir, les anciens peuvent se reposer tranquillement et prier, la relève est assurée. C’est imparable ! sauf accident il va se passer quelque chose dans les sociétés africaines. Tous ces conflits, violences symboliques et séditions ont pour origine la gestion du bien commun, à commencer par cet épiphénomène électoral de Oui ou de Non. 

La contradiction la plus violente face à ces événements politiques comme le referendum est le désir de désertion qui jette la jeunesse sur les routes de l’ailleurs et la volonté de rébellion de ceux qui sont restés. L’histoire politique n’est pas l’histoire des élections,  c’est l’histoire des rapports de pouvoir entre groupes sociaux. Le referendum est une élection quoi qu’on en pense. Il l’est non pas en fin de compte mais bien entendu dès l’entame. Le referendum c’est l’élection ou la chute des valeurs. C’est très dangereux un referendum. Tous les vingt ans pratiquement, au Sénégal, le peuple est à l’assaut de l’establishment pour arracher sa liberté, mais il reste toujours quelque chose…les choses ne sont jamais allés là où elles devraient être. Toujours un travail inachevé par la faute et l’infiltration des éléments de cette même élite. Alors il arrivera un jour prochain où le rubicon sera enjambé. A chaque échéance, le peuple avance d’un pas vers la ligne « fatidique »,  celle du non, le non-retour où il s’écriera : « Alea Jacta est !», le sort en est jeté. Il sera alors   impossible de revenir sur ses pas. Le lendemain un autre jour poindra, celui  du grand referendum.

Khalifa Touré


lundi 14 mars 2016

Les femmes peuvent elles parler ?




« A l’ origine si vous êtes pauvre, noire et femme, vous avez décroché le gros lot » Gayatri Spivak

En 1983 une intellectuelle indienne, nommée Gayatri Chakravorty Spivak se fit connaître dans le monde  du savoir en publiant un livre de quelques pages devenu fameux : Les subalternes  peuvent-elles parler ? « L’un des textes de la critique contemporaine et des études postcoloniales les plus discutés dans le monde depuis vingt cinq ans » selon Gérôme Vidal. Un texte puissant et retentissant dans les centres de production du savoir mais aussi dans le public des lecteurs toujours à l’affût d’informations scientifiques. C’est à croire qu’il existe une actualité scientifique liée non pas forcément aux découvertes scientifiques, il n’y en a presque plus, mais à l’évolution des idées qui nous viennent  des lieux du savoir. Une femme intellectuelle doit servir à quelque chose, son métier est de réfléchir avec les masses féminines. Gayatri Spivak est en cela une véritable star dans les campus américains au même titre que feu Edward Saïd  et dans une moindre mesure, Noam Chomsky. L’autre égérie médiatique du féminisme doctoral est bien entendu l’américaine Judith Butler. Donna Haraway, Nancy Harstock, Sandra Harding, Janet Wolff et Seyla Benhabib sont plus discrètes mais néanmoins importantes et puissantes par la pensée.
  Le féminisme de haut vol gagne toujours en abstraction qui lui permet de s’épurer et s’aérer des scories d’un militantisme éculé incapable de prendre en charge l’évolution psychologique de la gent féminine depuis cinquante ans. Cette évolution étrange qui la rapproche progressivement des hommes, surtout au plan du goût, est regardée avec inquiétude par les féministes de la vieille garde qui fulminent contre ces filles qui défendent le recours aux traditions familiales et préfèrent fréquenter les garçons. Les femmes ne sont pas solidaires disent-elles, comme si elles devraient l’être à tout prix,  au lieu de se dire pourquoi ? Une question dont la réponse peut-être non pas gênante pour la science mais pour la cause féministe. Aujourd’hui en France, le féminisme radical de Mme Elisabeth Badinter ne passe plus chez des personnalités féminines comme Nadine Morano ou Nathalie Kosciuszko-Morizet. 

Le féminisme soixante-huitard est mort dans ce monde où les intellectuels de droite proclament urbi et orbi leurs idées plus ou moins conservatrices. Quant aux égarements regrettables de femmes comme la camerounaise Calixthe Beyala et la bangladaise Taslima Nasreen qui professent un féminisme insolent et vulgaire par l’injure de leur propre corps et même celui de leur père ; elles n’ont pas servi la cause des femmes. C’est le même féminisme pornographique, inintelligent et faussement hystérique que l’on retrouve chez les  Femen. Il n’a pas fait long feu. Le féminisme de gauche est moribond, et le notre, ceux du Sénégal et d’autres pays africains sont en butte à de grandes difficultés théorétiques. En vérité nos féministes n’ont jamais théorisé ; Il ya certes eu des études et même un « laboratoire-genre » mais  un travail d’extraction de principes du bonheur chez les femmes, qui à mon avis, est la principale mission du féminisme, n’a pas été fait. Les femmes sont en quête du bonheur c’est aussi simple que cela. De puissantes figures féminines qui n’ont rien à voir avec la rhétorique féministe s’investissent depuis des années pour l’humanité en générale. Il s’agit au Sénégal des éducatrices comme Sayda Mariam Niasse, Adja Bineta Thiam et Anta Mbow de l’empire des enfants. Au Burundi Margerite Barankitse mérite le Prix Nobel de la Paix. 

Notre féminisme a été plombé par la politique. Qu’est-ce que les femmes ont gagné dans l’illusion de la responsabilité politique ? Nos féministes devraient nous révéler les maltraitances et pratiques de possession morale et physique que subissent les filles et même les femmes dans les partis politiques. « L’état du corps féminin dans les partis politiques. » Un sujet de recherche pour les partisans de l’approche genre. Nos féministes ont parlé pendant des années comme s’ils étaient des sujets asexués, un vrai paradoxe puisqu’elles sont sensées parler au nom des femmes. Mais avant de parler aux femmes il faut avoir l’humilité et la faculté de les écouter. 

Lorsque les féministes se comportent comme les hommes en répétant leurs travers par des pratiques de capture de fonds et d’autorité au nom du genre, il ya des raisons d’être sceptique quant à leur combat. Partout au Sénégal dans les contrées reculées, dans les villes et les villages, nous avons été particulièrement frappés par la disgrâce physique qui apparait dans le visage des femmes. Elles fuient votre regard. Le marasme esthétique est plus triste chez la gent féminine. Une longue fatigue, morale et physique, est passée par là ! Ici elles sont battues ou livrées à leur belle famille, ailleurs elles sont massivement violées. Une arme de guerre répète-t-on partout comme si des hommes n’avaient pas le désir bestial de se jeter massivement sur les femmes en période de paix. Cette formule est une banalisation des faits. La guerre n’a qu’un effet multiplicateur et permissif. Le viol n’est pas une arme de guerre. Il était déjà présent dans certaines sociétés où le regard masculin sur la femme est toujours bestialement sexuel. Lorsque la femme parle, elle devient inaudible parce qu’incomprise. Elle s’exprime en un langage qui est toujours interprété à travers le prisme des préjugés. Les féministes écoutent-elles les femmes ?  Les féministes laissent-elles les femmes parler ? Il me semble que ce n’est pas toujours le cas ! Elles préfèrent leur parler d’approche genre maintenant, plus de féminisme, la rhétorique a changé, mais la condition des femmes pas tellement !

KHALIFA TOURE 
sidimohamedkhalifa72@gmail.com