lundi 28 novembre 2016

Déguène Chimère Diallo, une femme du passé !




Qui la connaissait  réellement ? Peut-être personne. Seul Dieu sait ! Elle nous cachait tout son être, son être profond sous les oripeaux, les clinquants, le visage enfariné, les beaux habits, l’apparence, tellement d’apparence qu’en fin de compte nous ne voyions que cela, berné par notre inintelligence visuelle.

La beauté talquée de la poudre faciale qui rappelle le Kabuki japonais. Cet art de la représentation théâtrale où les personnages apparaissent le visage tout blanc d’une beauté de la mort joyeuse. Déguène Chimère était peut-être une artiste. Qui sait ? Elle se déguisait, se cachait sous des costumes hyper-colorés. Elle était adepte de la transformation de surface. Le public n’y voyait que changement…changement constant d’habillement. Si ce n’était que cela. L’Homme cet inconnu ! La femme ce mystère.

Happé par la surface glissante des choses chimériques nous ne voyions pas que son second prénom était un leurre. Chimère fait chic, bling-bling et branché pour les jeunes filles qui aimaient ces choses-là ! Une vraie créature à l’apparence flamboyante. Déguène Chimère avait un visage qui en disait un peu sur sa fin. Elle avait les yeux souvent embués de larmes et cela se voyait peu. Déguène Chimère est une beauté enfarinée. Elle nous cachait quelque chose, plein de choses qui nous faisaient jaser, médire sur sa moralité. Il est des êtres tellement dans la légèreté apparente  qu’ils nous cachent leur beauté profonde ! La beauté est certes dans la mort. On ne peut l’a saisir que dans cette fin prochaine qui ouvre une autre vie.

Déguène Chimère Diallo était une entrepreneure morale. Son job était de dire et de faire faire le Bien. Ah quel métier ! Dangereux exercice qui touche au Salut de l’âme. A la radio d’abord en « confidences » avec une voix doucereuse embuée d’interminables « MachAllah », de larmoyants «  Ndeyssane » et de ferventes « laa Khawla wa la qouwata illa billAh »….et puis ensuite à la télé ce petit écran cathodique qui prétend tout montrer et nous cache l’essence des choses. La télévision est une « vision » à distance. C’est la consécration pour beaucoup et la chute pour certain. Une simple apparition à la télé a  détruit bien des hommes ! Déguène Chimère est passée comme un météore et il ne s’est rien passé. Ni scandales mal étouffés, ni chamailleries inutiles et désobligeantes. La télé attire séduit et détruit les animateurs que l’on ne reconnait plus. Même des Oustaze en costume cravaté que certaines stars refuseraient de porter, tellement le déguisement sonne faux. Elle est passée indemne la Chimère. Mais comment a-t-elle fait ? Seulement rester dans le passé être fidèle à ce qu’elle fut naguère et même jadis c'est-à-dire Déguène Chimère Diallo tout bonnement, donc une femme du passé. Le mal est que les hommes et les femmes d’aujourd’hui ne veulent pas être du passé mais de demain. S’ils préféraient l’avenir soit, le monde irait mieux. Demain n’est pas forcément l’avenir, c’est le monde immédiat sans épaisseur, un jour incertain qui périra à coup sûr.

Il est passé inaperçu le traitement médiatique de sa dépouille mortelle. Ce n’est plus ici la télévision qui est en cause mais les réseaux sociaux où des insouciants se sont avisés à publier la dépouille, le linceul blanc visible, en porte -à- faux avec notre culture musulmane malikite et locale. Un marabout s’est même permis de publier la photo sur Facebook. Quand la folie de Facebook touche un marabout c’est le signe de quelque chose d’anormal à l’extrême. Cette manie à publier à tout bout de champ sur la toile, Déguène Chimère Diallo en a été la victime. Des internautes faussement illuminés sous prétexte de prêche se permettent de publier des images dégueulasses de corps en putréfaction. Ils sont tout simplement méchants !

En droit musulman, le traitement de l’image de la dépouille mortuaire est d’une délicatesse ! Au Sénégal particulièrement lorsqu’il s’agit d’une femme, les personnes chargées de déposer le corps dans le tombeau sont couvertes de drap en respect au principe de pudeur. Les derniers préparatifs pour « le repos éternel » dans le caveau sont ainsi dérobés du regard. Un accident est vite arrivé, le linceul peut se détacher. Il est rare même qu’un descendant de sexe masculin soit associé à cet exercice… par pudeur. Lisez attentivement « le livre des funérailles » dans « La Mouwwatta » de l’Imam Malick vous serez étonnés par l’extrême humanité du traitement des morts en Islam. Le rite Malikite est particulièrement sévère en la matière. Ce n’est nullement hasard que le Prophète (PSl) lorsqu’il s’agissait d’une femme se plaçait à hauteur de son milieu pour prononcer la prière mortuaire et pour un homme il se tenait debout à hauteur de la tête. En la matière le livre de Cheikh Hassan Ayyoub « Voyage vers l’éternité » est l’un des meilleurs. Mais lisez surtout « Le livre de l’âme » du saint homme Ibn Qayyim Al Djawzia, vous vous passerez de ces médiocres prêches à la Facebook et vous saurez définitivement que la mort est une vie. Vous serez pétris par le profond sentiment de vouloir rencontrer le Seigneur des mondes, vous n’aurez plus peur de la mort. Ceux qui désirent ardemment rencontrer Le Maitre Du Trône Immense mourront tranquillement. La Mort est un accomplissement pour ceux qui connaissent Dieu.

Cette mort qui en vérité est la station primordiale Déguène Chimère Diallo, l’animatrice de Télé, ne l’a voulu. La mort était déjà là présente lorsque nous n’étions pas encore. Elle fauche qui elle veut selon un décret enfoui dans le Livre Cacheté. Allah ait pitié de son âme !

KHALIFA TOURE

Sidimohamedkhalifa72@gmail.com

dimanche 13 novembre 2016

Donald Trump, Hillary et les politiciens.







Donald Trump gène beaucoup,  personne n’ose le dire. Il  est l’incarnation vivante faussement caricaturale, bruyante, théâtrale et excitée de ce qu’aurait voulu être tous les politiciens hypocrites de la terre.

Ils auraient tous aimé se rouler dans la fange politique comme un cochon, cet animal exécrable, moche comme c’est pas possible, au museau pointu et ressemblant tellement à l’homme ! La génétique vient de le trouver. Ils auraient tous aimé dire des cochonneries genre Donald Trump, proférer des polissonneries devant les enfants ébahis, provoquer l’ire des puritains qui se cachent sous leur froc.

Les politiciens de l’Establishment haïssent à mort l’homme Trump. Ils sont jaloux de sa  liberté à dire tout et n’importe quoi. Mais il ne faut pas s’y tromper, il n’ya pas un seul homme sur terre qui dit tout ce qu’il pense.  La chose est savamment orchestrée. Ils auraient tous voulu se défouler, les politiciens. Pour exemple Nicholas Sarkozy est un excité qui contrairement aux apparences, manque de confiance en soi. Il n’est pas du tout gentil. Un répétiteur indécrottable dira bêtement qu’un homme politique n’a que faire de la gentillesse. Il sera juste cette idée le jour où l’on prouvera que l’homme politique est un être sans âme. Qui n’a pas besoin de bonté naturelle, de gentillesse avenante ? Mais le serial Killer par excellence fut le fameux François Mitterrand, un homme totalement dépourvu de gentillesse sous couvert de talent politique, le plus méchant de la gauche. Un Chirac de la droite est plus humain, comme si l’affaire était une question de droite ou de gauche.

Au Sénégal on dit d’Ousmane Tanor Dieng qu’il est un monstre froid. Monstre on n’est pas sûr, mais froid oui ! Un froid glacial. Macky Sall n’a pas le sourire facile,  on ne sait pas trop ce que cela signifie. Idrissa Seck, on le dit vindicatif, mais personne n’ose faire du Trump sauf… François Hollande en privé qui a dit des mots qu’un président de la République ne devrait pas dire. Mais il est d’une autre espèce lui ! Sarkozy avait dit de lui que c’est un méchant. Mais personne ne l’a écouté. Et Jean François Copé le naïf qui pensait comme tout le monde que François Fillon est un gentil doux et prenable. Il l’a appris à ses dépend.

Quant à Donald Trump il est la partie honteuse de tous les spécialistes de la communication de cuisine. Ils ne pourront jamais nous expliquer comment un homme abonné aux grimaces et singeries a-t-il pu se faire élire président de la République dans le pays de la communication par excellence. Il est l’antithèse de tout ce qu’ils professent et enseignent dans les minables écoles de formation en gestion, leadership et autres insignifiances, j’allais dire « conneries » soi-disant scientifiques. Mais restons poli ! Le mot scientifique est la trouvaille du siècle dernier,  la contre-vérité pour habiller  n’importe quel gadget en mal d’existence. Claude Bernard et Auguste Comte se retournent dans leur tombe.  Lorsque l’on ne trouve plus rien à dire et que l’on est en panne d’idée on dit « c’est scientifique » en levant l’index au ciel tout en grimaçant. Je voudrais bien que vous excusassiez mon vocabulaire Trumpien (J’avance imprudemment l’imparfait du subjonctif comme gage pour quémander votre pardon). Les pompeux analystes de télévision qui ont prédit sa défaite ne feront pas leur mea culpa comme d’habitude. Ils ne présentent jamais les choses comme elles sont mais toujours telles qu’ils voudraient qu’elles fussent. Personne n’a  osé dire que Trump va passer. Même pas nous qui avons pondu ce texte quatre jours avant le scrutin. C’était clair, il allait passer, parce qu’en mécanique électorale lorsque l’on va crescendo il n’ya pas de raison que l’on descende brutalement à soixante douze heures. Les sondages aussi ont menti, c’est très clair. Ils étaient ouvertement pro-Hillary. Ceux qui font parler les chiffres mentent  aussi, ils ont provoqué la crise grecque. C’est « scientifique » tout cela !

Cela dit et ….écrit,  son prédécesseur devra beaucoup se morfondre ! Comment Barack Obama s’est arrangé pour avoir un tel homme comme successeur ? Trump est en partie l’œuvre de Barack Obama qui a déçu tout le monde et réveillé un vent de puritanisme anti-minorités aux USA. Certes faut-il reconnaître que son élection a réveillé de vieilles rancœurs racistes.  Il a passé huit années à défendre les minorités sauf les...noirs. Cet homme avait visiblement peur de Washington. Voilà le résultat ! Et comment les américains peuvent ils choisir une Hillary Clinton démodée, qui est là depuis toujours. Hillary une « femme nouvelle » ? Ah que non ! Elle est déjà fatiguée. Au moins elle n’est pas de l’acabit de Margaret Thatcher le monstre. L’Establishment politique mondial pense « bêtement » que les gens d’en bas n’ont pas les moyens de comprendre. Les gens d’en bas de l’échelle sociale ? Ils comprennent trop d’ailleurs. Et même leur compréhension leur joue des tours du genre… Donald Trump. Tout ce que le bonhomme à la coiffure difficile raconte n’est que le langage hypertrophié d’une rhétorique politique  seulement prise à l’envers.

Il a surfé sur l’inculture assumée. Une bonne partie de la classe moyenne inférieure  américaine et des couches défavorisées par le libéralisme  sont d’une inculture qui fait peur. Ils ne connaissent rien à la géographie mondiale et confondrait un Sikh enturbanné à un arabe forcément musulman. Et cela n’a jamais gêné personne, tant que le système, la machine Washington fonctionnait. Ils ont un système éducatif des plus inégalitaires au monde, les américains. Les États-Unis, c’est le pays des raccourcis par excellence, le pays le plus dynamique où tout est possible, même Donald Trump qui ne fera certainement pas tout ce qu’il a dit, c’est pas possible. Certains de ses partisans seront déçus ! 

 Les politiciens exercent le métier le plus dur au monde mais ils ont le malheur d’être les seuls à le savoir. C’est la rançon des malheurs qu’ils font aux populations une fois élus. Mais  « c’est bien fait pour la gueule des politiciens », comme dirait Trump. La tendance lourde au monde est que les peuples ne veulent plus de la dictature de l’Establishment, qu’il soit politique ou intellectuel. Les cadres, experts, consultants, politologues médiatiques, politiciens inguérissables auront fort à faire sous peu. Ils ont perdu leur autorité morale et c’est le début de quelque chose que personne ne peut deviner. LE MONDE NE NOUS APPARTIENT PAS. SOYONS MODESTES!

Khalifa Touré


lundi 7 novembre 2016

Mais qui a peur d’Ibrahima Sall, le poète africain?






« De nos jours, il n’est pas de pureté qui ne frise l’immoralité. Surtout chez ceux qui ne font jamais rien comme les autres. Les temps ont mûri et les romantiques déboussolés par l’agonie du Grand Siècle ont choisi le romanesque. Les solutions de facilité ou de lâcheté n’existent pas. Elles ne sont que la courbe démagogique de la dégénérescence de nos semblables. » Ibrahima Sall

Le cas Ibrahima Sall mérite d’être posé. Pour un cas c’en est un ! Voilà un homme à propos de qui, il se murmure qu’il est la plus fine plume vivante de la littérature sénégalaise d’expression française. Les « sachants » qui le disent, le font presque avec « stupeur et tremblement », tellement l’homme-poète-romancier-dramaturge-conteur-nouvelliste-Ibrahima-Sall est méconnu, effacé et enterré par une Littérature Nationale qui est plus scolaire que véritablement créative et artistique. Tellement méconnu qu’on le confond à El Hadji Ibrahima Sall l’économiste et ancien ministre et même à l’autre poète Amadou Lamine Sall. Ibrahima Sall est avec son œuvre une victime, le mot n’est pas trop galvaudé. Tous ceux qui aiment la littérature, l’association des écrivains, les  critiques, les universitaires et surtout le ministère de la culture sont interpellés. S’ils étaient conscients des enjeux véritables du rayonnement culturel, les batailles culturelles sous-jacentes autour du livre, la « chance » si ce n’est la providence d’avoir un homme qui écrit comme Sall aurait vraiment du sens.

Maître par excellence de la substantivation, son dépouillement stylistique va jusqu’à la disparition des verbes. Dans « Par-Dessus Cœur » son recueil le plus africain publié en 1994 aux défuntes maisons d’Editions Khoudia, il écrit brusquement, au détour d’un vers: « Indépendances de gérance/amours de saison sèche/liberté de minuit/république aux enchères. » Un risque énorme, un choix de style qui fait échos à une vie de  victime. Il l’a payé très cher ! Chez Sall il ya deux marques distinctives : Le complexe du bovidé, qui est la substance de sa source de création et la recherche d’un langage total, originel. Lisez le poème « Table » dans ANTILEPSE. Chez Sall il ya une tentation de l’inintelligibilité où le langage est libéré de sa fonction sociale ! Cette tentation vers « un mutisme complet » décelé par un certain  Roland  Barthes donne chez Sall la chose suivante : « Car j’ai eu l’imbécilité de t’inviter à décliner avec moi la solitude peuplée des fantômes de chair avec moi l’essence des remords reconduits sans taux ni pourcentage de bien-être tellement utile à l’agonie d’un vieux siècle je cherche à colmater avec toi les brèches qui vieillissent dans le demi-sommeil d’avec la gent humanité Un trou de souris rêve déjà vécu sublime égarement du félin qui oublie bêtement de sortir ses griffes avec toi Et quand je suis parti prier sur la tombe violée par ta quête mon petit-fils est mort dans les bras de tes dix ans » L’essentiel n’est plus dans la logique des mots mais au mouvement successif des images. C’est une forme d’écriture du silence, qui est le sommet même de l’écriture. Son « Guernica » est l’un des meilleurs hommages à Pablo Picasso.

L’essence de la littérature est dans la disparition, l’occultation-monstration. Sall fait disparaitre les mots et  les choses pour en faire apparaitre d’autres. Il est davantage magicien que prestidigitateur. C’est ainsi que son poème appareille vers une forme poétique de substantivation totale. On dirait que le poète tente de créer un langage total qui n’est fait que de substantifs : Les mots, rien que des mots en marche. Les mots qui s’en vont quelque part.
Ils sont rares les écrivains qui ont du style, les hommes qui ont quelque chose à dire comme le définit Arthur Schopenhauer. Ils sont rarissimes qui peuvent écrire ceci : « …La race aux abois brise les étreintes de carrefour, les urnes et les outres des aveux ancillaires. Sur les toits des colères s’érigent mes champs d’obédience que ne fouleront jamais les routiers de chimères. Depuis, je ne t’habille que de sexe à l’encan et ta progéniture court les baisers du temps qui se désintègre. Ce siècle, jamais nous ne saurons le vouloir : c’est une ère de puissants, puisant les semelles des cœurs. Vraiment un souffle au second horizon des prières d’enfer. »(Les Bouviers de l’au-delà). Nous percevons ce pressant désir d’ailleurs, cet éloge de la désertion vers un au-delà, à travers une écriture apparemment immédiate mais néanmoins travaillée. Sall est peut-être de la lignée des écrivains du courant de conscience. Les choses, les mots et les images qui ne vont pas ensemble dans notre sous-monde sont associés comme sur une image « négative » dans ce réel recréé à l’envers par Ibrahima Sall. Dans sa tentative démiurgique de recréation d’un monde, les images sont des idées. Sall donne ainsi raison au grand poète Serigne Cheikh Tidiane Sy qui pense que tout ce qui est immédiatement compréhensible n’est pas poétique.

Chez Sall la dilation de l’image et du temps déroute, les sentiments deviennent plastiques par un phénomène voisin de l’alchimie du verbe, un étrange  fétichisme des aisselles nous révèle cet appel du corps malgré l’esprit qui s’envole : « Les aisselles, ténèbres odorantes(…) » Pokhatane, le marabout-féticheur(…) Son ombre interrogeait le rictus du féticheur.» Voilà Ibrahima Sall dans « Les routiers de Chimère » le meilleur roman Sénégalais ! En tout cas le plus achevé avec « La Plaie » de Malick Fall et certainement « L’Aventure ambigüe ». Mais Sall est surtout un poète, le plus profond des poètes sénégalais. Un poète-versificateur, un poète-romancier, un poète-dramaturge, un poète-conteur, un poète-nouvelliste : Commencez d’abord par Les routiers de chimère, lisez ensuite La génération spontanée et alors maintenant le reste… Crépuscules invraisemblables, Le choix de Madior, Le prophète sans confession,  Les contes du sable fin, Par-dessus-cœur, Les mauvaises odeurs, un chef-d’œuvre mal édité et le dernier « Antilepse. »

On ne le dira jamais assez, l’écriture ne suffit pas, il ya surtout la réception critique au sens large du mot. Des jugements mais certainement pas derniers sont attendus. De toutes les façons ils pourront être infirmés et cassés par le temps et l’histoire. Même des jugements dits de valeur seraient les bienvenues  aujourd’hui. La situation l’exige. Nous ne sommes pas loin d’une crise de la vocation si l’on s’en tient au type de littérature produit par la plupart des faiseurs de livres ces dernières années. « Et si votre livre témoignait simplement de votre incompétence philosophique… » avait dit Jean Paul Sartre à Albert Camus à propos de « L’homme révolté ». Mais on sait ce qui est advenu des écrits des deux philosophes aujourd’hui. Sartre est presque enterré même si son cadavre bouge encore. Mais l’essentiel est qu’il avait osé critiquer un « pair ».

Le poète Ibrahima Sall est à l’ombre, il évite les feux de la rampe et les lambris dorés fussent-ils des feux qui éclairent. Cette attitude que l’on retrouve chez tous les grands écrivains, notamment William Faulkner qui a refusé une invitation à diner à la maison blanche ( alors qu’il souffrait de pauvreté), nous tentons d’en percer le mystère à travers ces mots plein d’énigmes dans les routiers de chimères « Guitche Manito…L’imbécile qui chaque jour crachait indifféremment ses poumons, celui qui voulait tous les intellectuels d’abord communistes  (…°)/En ce temps pourri qui m’oblige à cracher mes poumons, mon « communisme» est d’habituer mon peuple au goût de son propre sang. C’est la seule réaction saine qu’il me reste à léguer avant l’irréparable… » Le personnage aurait peut-être dit aujourd’hui « mon libéralisme » puisque le communisme était alors dans l’air du temps comme le libéralisme aujourd’hui. Tout compte fait, Sall n’aime certainement pas le mimétisme, ceux qui défendent des causes qu’ils ne comprennent pas. Il aurait comme Hamlet voulu soutenir de grandes querelles. Les génies sont rares dans une culture et Ibrahima Sall, l’est, sans tambour ni trompette. « Il n’ya pas de génie sans un grain de folie » disait Blaise Pascal, le locataire de Port-Royal. Mais la folie chez Ibrahima Sall n’est pas revendiquée, elle est là, présente à travers une écriture elliptique pour ne pas dire convulsive et épileptique. Sall nous rend malade par la fièvre de la création. L’un de ses personnages défigurés affirme: «  Le jour ou j’arriverai vraiment à fixer tout ce que je ressens sur une toile, la plus belle vérité de l’Humain semblera terne à côté. Je n’enserre encore que les contours de mes préoccupations. Rien que des embryons n’étant pas l’ensemble, un affaissement de similitudes, jurant toujours de leurs origines.»

Les écrivains Sénégalais n’ont jamais véritablement excellé dans la grande création formelle. Ils sont d’une pruderie stylistique agaçante et répétitive. Excepté Ibrahima Sall qui arrive en tête. Il est à cent coudées au dessus des autres, du moins en ce qui concerne la folie dans l’imagination. Ensuite arrive Nabil HAIDAR, Khady Sylla, Abdou Anta Ka,  Boubacar Boris Diop, Ken Bugul, Abass Ndione. Elle nous montre qu’il ya une crise de la créativité et de la vocation en littérature sénégalaise. Et cette crise de l’écriture, Sall a voulu l’éviter en écrivant des choses inimaginables comme cette colère scatologique à la page 64 dans Les routiers de chimères: «  Galaye donnait libre cours à ses fantasmes. Il imaginait un déluge qui jaillirait de l’immensité des latrines. Il serait fait des appétits de ses semblables, de leur suffisance et de leurs prérogatives. Un plat de choix pour les vers à l’affût dans la tombe. Galaye avait un problème. Il se demandait comment se faire scatophage parmi les gourmets. » Le monde est-il si dégueulasse que cela? demanderait-on au poète. Nos semblables sentent-ils si mauvais ? Mais pourquoi pourrissent-ils vivants ? Plus loin, la réponse est sans appel : « Riche ? Les excréments n’ont d’odeur tout comme le Dieu Argent. C’est une fosse commune pour les aisances de tout un chacun. Dieu sait que l’homme ne peut, ni n’a le droit de sentir mauvais. »  Voilà un ouvreur d’imaginaire qui ne trouve son équivalent qu’au cinéma avec Djibril Diop Mambety.

Comme son frère -en- la –poésie Gérald Félix Tchikaya U’Tamsi, on murmure partout que Sall est hermétique tout simplement parce que l’on ne veut pas entendre ce qu’il dit. Une forme de peur mesquine qui insinue que cet homme l’a bien cherché. Mais il n’est de sourd que celui qui ne veut pas entendre !

Khalifa Touré