jeudi 29 décembre 2016

La fin de Yaya Jammeh, «ce fut trop beau pour être vrai !




Qui va arrêter Yaya Jammeh ? Personne ne sait. Yaya Jammeh serait-il un homme indéboulonnable ? Certainement que oui pour les superstitieux inguérissables,  les partisans du jugement facile et enfin ceux parmi les sénégalais qui jouent à on ne sait à quel jeu. Imprudemment et croyant être béni du diable, il vient d’organiser des élections qu’il a perdu devant un parfait inconnu : Adama Barrow, un homme inexpérimenté qui demande à être soutenu, encadré gratuitement par devoir, amitié et  hospitalité.

On ne le dit pas assez, puisque c’est une honte,  Yaya Jammeh a bénéficié de soutiens au Sénégal, dans l’opinion, dans la bouche pleine de certains analystes politiques, des artistes et des sportifs qui s’en vont faire leur cour à Banjul. C’est connu, qu’il s’agisse de Laurent Gbagbo, de Dadis Camara ou de Yaya Jammeh, des mercenaires accoutumés au soutien intellectuel et médiatique ont été activés. Yaya Jammeh a distribué de l’argent. Ah que le monde a changé ! Quand je pense que la cantatrice Sénégalaise Khar Mbaye Madiaga a refusé à l’époque d’aller se produire devant le dictateur de Bangui Jean Bedel Bokassa.

« Il nous faut un homme comme Yaya Jammeh » entend-on souvent dire dans la rue. C’est important la rue ! Elle est peuplée d’électeurs non négligeables qui fantasment et ergotent sur un ordre à venir, un messie en treillis qui va sauver notre pays, nous débarrasser de cette  démocratie inutile. Dans un pays où la parole se transforme en flot déferlant , péroraison, caquètement et parfois braiement à vous tuer l’âme, il est loisible de dire des âneries quand on a jamais mis les pieds dans la prison de Mana Konko, le mouroir de Yaya Jammeh, le  bagne de Taoudéni au Mali où Moussa Traoré a envoyé l’écrivain Ibrahima Ly (lisez « Toile d’araignée »), la prison de Oualata en Mauritanie qui a tué l’écrivain Ten Youssouf Gueye et le sinistre Camp Boiro en Guinée où périt de diète noire Diallo Telli. Quand on n’a pas de problème, on cherche des problèmes. A force de  vivre dans l’ordre on rêve de goûter au désordre. C’est du tourisme imbécile ! Une sorte d’exotisme mortel.

S’il ya plus de justice, de liberté et de respect des droits humains en Gambie qu’au Sénégal, de foi et de prospérité économique dans ce pays qui n’appartient pas à Yaya Jammeh ils n’ont qu’à renoncer à la nationalité du pays de Blaise Diagne, Lamine Gueye, Ngalandou Diouf, Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye et Léopold Sédar Senghor , le pays du grand Khaly Ammar Fall, Thierno Souleymane Baal, El Hadji Oumar Tall Al Foutihou, Cheikh El Hadji Ibrahima Niasse et Cheikh Moussa Kamara. Il est difficile d’écrire un texte patriotique en ce pays. Le chauvinisme grand-Ouolof est ailleurs, dans les gestes, les manières mais non dans la littérature. Il ne nous servira à  rien lors d’une grande confrontation. Quand il s’agit de foncer on commence à invoquer une molle doctrine diplomatique, à jouer au raffiné partisan de l’observation inutile. L’essence de la  Realpolitik en diplomatie n’appartient pas à Bismarck, elle a existé bien avant lui, même s’il en est le porte-flambeau.  Avec Yaya Jammeh il n’ya que la Realpolitik qui vaille aujourd’hui, c’est-à-dire la diplomatie de la force contraignante.
 Ceux qui regrettent  Jammeh n’ont qu’à s’exiler en Gambie et confier leurs litiges à des juges nigérians, ghanéens et libériens, loués et achetés par Yaya Jammeh pour prononcer ses sentences macabres contre les opposants. Yaya Jammeh est une honte pour la commission africaine des droits de l’homme mais surtout pour les intellectuels africains, la gauche africaine. On l’a laissé trop faire. La Gambie n’intéresse personne sauf quelques organisations occidentalisées qui aujourd’hui se pourlèchent les babines croyant que la Gambie est maintenant prenable. Les nouvelles autorités devront faire gaffe. Il ne faudra pas qu’ils jettent le bébé avec l’eau du bain. Après Jammeh ils vont se jeter sur la Gambie comme des rapaces. Un défi immense pour Barrow : Eviter le désordre et le chaos après la libération mais élaborer une  diplomatie africaine et nationale.  Le glas a déjà sonné mais il ne l’entend pas le sourd! Les gambiens adorent les sénégalais, mais Yaya Jammeh déteste le Sénégal !

Yaya Jammeh serait même un ami de Dieu, un marabout détenteur de pouvoirs mystiques, un panafricaniste. Yaya Jammeh panafricaniste ? Ce monde n’est pas sérieux ! Tous les grands  combats, les nobles causes pour la restauration de la dignité humaine sont parasités par de grands enfants qui déblatèrent des choses qu’ils ignorent, des opportunistes guidés par l’argent et des comploteurs à la solde qui savent ce qu’ils font et sont prêts à toutes les manipulations pour alimenter leur combat d’arrière-garde. Personne n’ose leur dire « taisez-vous !» Tous les souteneurs se  sont rangés aujourd’hui parce que l’homme est fini.

Yaya Jammeh est un panafricaniste pour ces jeunes et vieux qui n’ont aucune envergure. Un panafricaniste est aujourd’hui un africain qui a l’injure anti-occidentale à la bouche. C’est trop simple, trop facile et même écœurant. C’est à vomir si on écoute ces manières puériles de défendre l’Afrique. Il y en a même qui verse dans le racisme anti-arabe. Les groupes qui les abritent ne s’intéressent même pas à leur orientation idéologique, il leur suffit d’entendre quelqu’un qui a le toupet de dire que l’occident est le mal absolu et c’est tout. Voilà la définition actuelle du panafricanisme qui fut naguère éminemment politique et scientifique pour des hommes valeureux comme Marien Ngouabi. Il faut une forte préparation morale pour défendre l’Afrique. Sinon on risque de tomber dans la sensiblerie panafricaniste. Entre-temps Yaya Jammeh a tenté de supprimer tous les gambiens. Mais il a échoué. Il aurait pu tranquillement se retirer, mais il serait trop beau pour être vrai cette fin trop  facile de Yaya Jammeh. Il en a trop fait pour partir impunément. Il va payer d’une manière où d’une autre! 

Khalifa Touré



lundi 19 décembre 2016

Criminalité, littérature et peine capitale(suite et fin)





« Les gens se vengent des services qu’on leur rend » s’est évertué à dire avec  le raffinement impertinent qu’on lui connait,  le plus grand écrivain français du 20eme siècle, il s’agit de Louis Ferdinand Céline.

Ils ont beau dire et écrire, ces courageux et impétueux spéléologues de l’âme, ces écrivains d’exception, mais encore les êtres au cœur simple penseront toujours que les bonnes actions sont toujours saluées par la reconnaissance. Les  écritures sacrées renseignent que la plupart des hommes ne savent pas dire merci. C’en est devenu une « loi » qui coule dans la nature même de l’homme. « Ah que l’homme est vache !» Ils sont nombreux les hommes indignes et malveillants qui ont la haine au croc.  Contre leurs maîtres ils ourdissent les complots les plus infâmes. Ils brandissent le poing dans le dos du bienfaiteur naïf qui s’en va tranquillement le dos tourné à cet être mesquin qui cache avec l’habileté du diable la haine la plus terrible.  Peu s’en faut que l’imprudent bienfaiteur trébuche sur l’ombre même du criminel en puissance. La haine est parfois surréaliste.  Il est alors surpris, s’il a le temps de l’être, par une réponse aussi illogique que la félonie envers un ami, un protecteur. Fatoumata Moctar Ndiaye a certainement été imprudente comme tous ceux qui ne veulent pas croire au mal.

La mécanique du meurtre est alors enclenchée. Les plupart des petites gens considèrent les actes de bienfaisance comme une forme d’humiliation et  d’écrasement. Les plus grands actes de générosité attisent dans leur âme sombre la flamme noire de la trahison et du refus de reconnaissance. Pour la plupart des gens dire merci c’est se rabaisser. Quelle sottise  que cette manière insensée de regarder la  main qui donne! Il faut plus pour écraser le moi. Alors comme chien il faut mordre la main par qui le Créateur nourrit les êtres qui mangent et boivent à satiété, se reproduisent et périssent en poussière. Quel sort peu enviable ! La poussière est le meilleur ami de l’homme, elle est l’homme même.
C’est incompréhensible pour les gens simples qui veulent préserver la pureté de leur âme. Pour eux, penser à certaines choses est une manière détournée  de s’aliéner, d’adhérer au crime. Alors ils sont pris par surprise ! La fausse tyrannie des gens riches, leur arrogance qui n’existe que dans le regard des pauvres gens est un mobile qui détermine tout. « Ils ne peuvent pas être sincèrement bons ces gens là, ils sont trop riches pour l’être. Si ça se trouve ils ont volé leur argent. Tous les riches sont de voleurs. Ils ont tout ratiboisé nous laissant pantois près  de la table de jeu. Il faudra poignarder le fils et égorger la mère.  » Il l’a fait, le nommé Samba Sékou Sow. Il faut un certain cran pour tuer. La lame qui vrille, les carotides déchirés, le gargouillement, le sang qui gicle, le monde qui tourne, les restes de vie qui font  se débattre ce corps fébrile tombeau de l’âme. L’horreur ! La plupart des tueurs achèvent leurs victimes pour les faire taire. Les meurtriers ont peur, ils sont lâches. Peu s’en faut  qu’ils fassent dans leur culotte comme certains suicidés. Tout cela est la défaillance de l’ordre humain.
C’est alors qu’entra en scène Sow le chauffeur à la mine patibulaire. « Le moi est exécrable » dit-on. L’égoïsme est une forme de désespoir quant au  salut de l’autre. Le désespoir est un péché froid, celui de Samba Sow est le manque d’espérance en cette femme sa patronne et sa future belle famille, cette société inutilement matérialiste et consommatrice de produits périmés et même toxiques.  Le matérialisme des sociétés sous-développées est un matérialisme imbécile, improductif. Un écrivain désaxé pour les uns et conservateur-catho pour les autres  a écrit : « L’enfer c’est le froid »,  Georges Bernanos. Le plus froid des péchés est le désespoir qui est la disparition de l’espérance en soi. Le désespoir est une trahison de sa propre personne. Une forme de suicide, de fuite au devant des choses. Les désespérés ont le destin des « chairs à canon ». Ils se jettent littéralement à corps perdu dans ce qui leur donne une mort indigne. Tuer son bienfaiteur est un blasphème, un acte immoral, une défiance contre Dieu.  
 « Une société dont la machine à fabriquer le Bien est en panne est une société malade. Le Bien est une question de transcendance mais aussi un problème de possibilité sociale. Pour beaucoup de citoyens les logiques de survie auxquelles ils sont confrontés depuis les années d’ajustement structurelle diminuent les capacités de choix d’ordre moral et poussent à des solutions à la limite de l’honnêteté. Je pense aussi qu’il ya au Sénégal un problème de consensus moral. Depuis des années nous avons du mal à s’accorder sur ce qui est bien et ce qui est mauvais. Les espaces de consensus social se réduisent comme peau de chagrin. De plus en plus des hommes et des femmes passent à l’acte : corruption, concussion, prévarication, parjure, prostitution publique, détournements de biens publics, transhumance des électeurs, manipulations de toutes sortes allant de la sorcellerie au mensonge éhonté, violences physique et symbolique sur les citoyens sans parts … »
Ceci a déjà été dit et écrit il ya belle lurette. La répétition est une forme de gravitation qui révèle la persistance et même la rémanence d’un phénomène douloureux, lancinant autour d’un point fixe. C’est à croire que nous avons un destin de toupie. Tournant sur nous-mêmes comme un enfant dans son jeu, nous ne sommes même pas capables de jouir du vertige des bonnes choses qui élèvent l’âme. Ceci n’est que l’expression de la difficile évolution des sociétés humaines.

Khalifa Touré
Sidimohamedkhalifa72@gmail.com






jeudi 15 décembre 2016

Portraits de deux figures majeures de l’Islam au Sénégal



A l’occasion du Maouloud, célébrant la naissance du prophète Muhammad(PSL) le moment est venu de faire connaitre deux personnages historiques de l’Islam ne serait-ce qu’avec quelques lignes griffonnées par-ci par-là, histoire de montrer que l’Islam, la religion dominante au Sénégal, a épousé des contours différents et donné naissance à des figures religieuses tout aussi différents et valeureux selon leur époque.

Voici Mamadou Lamine Dramé, le grand résistant à l’assimilation coloniale. L’homme au destin émouvant et tragique. Voici le grand religieux Soninké qui voulait construire un empire musulman en Afrique de l’ouest pour faire face au projet impérialiste de la France coloniale. Mamadou Lamine est né près Kayes, dans l’actuel Mali, vers 1840, fils d’un marabout Soninké, Mamadou Lamine reçu une forte éducation islamique dès le bas âge auprès de son père à Bakel. Trop jeune pour suivre Cheikhou Oumar dans sa lutte armée, Mamadou Lamine baigna tout de même dans l’esprit de refus et de résistance à l’assimilation coloniale créé par le Jihad de Cheikhou Oumar Al Foutihou. Il se rendit à la Mecque, y resta pendant 7 ans et retourna lentement vers son pays. Une réputation de sainteté commence à naitre à l’évocation de son nom et des fidèles commencèrent à affluer de partout vers cet homme qui a très tôt compris les enjeux géopolitiques de l’époque et le combat culturel lié à la pénétration coloniale. A son arrivée « les blancs » étaient déjà bien installés. Néanmoins Mamadou Lamine souleva une lutte armée et mena la vie dure au colonisateur leur infligeant de lourdes perdes surtout à la bataille autour du poste de Bakel de février à Avril 1886. Traqués par les colons et leurs alliés africains qui le voulaient mort ou vif Mamadou Lamine fut gravement blessé à N’Goga Soukota près des rives de la Gambie. Il succomba à ses blessures le 12 décembre 1887. La trahison et la disparition de cet illustre résistant provoqua la soumission des peuples du Sud du Sénégal jusqu’à la Gambie et la jonction des possessions françaises du Soudan avec le Sénégal.

Quant à Cheikh Moussa Kamara il est sans conteste l’un des plus grands savants que la terre du Sénégal et même l’Afrique ait porté. Il vous suffira de faire un tour à L’Institut Fondamental d’Afrique Noire(IFAN) pour être édifié sur la stature et l’ampleur de ce savant originaire de la région naturelle du Guidimakha, né à Gouriki Samba Diom dans les confins de Matam en 1864.
Immense lettré en langue arabe Cheikh Moussa Kamara est un historien illustre dont la lecture est indispensable pour comprendre la vie des hommes qui ont habités le nord du Sénégal dans la deuxième moitié du 19ème siècle. En effet Cheikh Moussa Kamara s’est évertué dans une grande partie de ses œuvres à décrire et analyser les hommes de son époque. Ce qui fait de lui le plus illustre des anthropologues du Sénégal, reconnu en cela par d’éminents chercheurs dont David Robinson.

Aujourd’hui des savants de la diaspora noire particulièrement du Brésil viennent compulser son œuvre pour en savoir plus sur cet érudit dont un petit fils d’El Hadji Oumar dira ces propos qui se passent de commentaire « Cheikh Oumar n’est supérieur à cet homme que parce qu’il était guerrier, la différence, la seule, est que celui-ci ne porte pas d’armes».
Cheikh Moussa a adopté le rite Qadiriya après avoir fait ses humanités dans tous les foyers savants du Nord du Sénégal et de la Mauritanie glanant l’essentiel du savoir en grammaire, en Théologie, en Droit avant l’âge de 23ans. Cheikh Moussa Kamara est un surdoué précoce,  un don qu’il n’hésita pas à dire dans son autobiographie intitulée « Biographie pour contenter l’effrayé, l’inquiet dans la grâce étendue d’ALLAH, le Généreux, le Bienfaiteur » :

« Malgré mes dons intellectuels, je m'amusais beaucoup, je flânais souvent en restant peu de temps auprès de mes maîtres, aussi je n'ai développé mes connaissances qu'avec des lectures personnelles. Et c'est un don du ciel que j'ai compris la majeure partie du contenu des ouvrages que j'ai lus.''

Cheikh Moussa a impressionné tous les savants et souverains de son époque qui lui vouaient un immense respect malgré sa nature polémiste,  du Fouta Toro à Dinguiraye en Guinée, en passant par la Mauritanie. Il était l’ami des plus grands africanistes de l’époque dont Maurice Delafosse.
Cheikh Moussa Kamara a laissé à la postérité un volume impressionnant d’ouvrages allant de l’Histoire, à la Littérature, au Droit, à l’Anthropologie, à la Théologie et à la Sociologie. Jusqu’ici son œuvre n’a pas été l’objet d’une compulsion critique et systématique
Cheikh Moussa est aussi un poète inspiré dont les vers sont aujourd’hui déclamés par des chanteurs religieux qui ne le connaissent pas.

Ce grand Africain auteur du fameux « Zouhour Al Baçatine : florilège au jardin de l’histoire des noirs » qui avait une réputation de sainteté s’est éteint en 1945.
Nous pouvons retenir donc que le besoin impérieux et pacifique de fondation d’un Islam orthodoxe fondé sur la science et la justice a donné le grand Qadi Ammar Faal et sa célèbre université de Pire, la  violence inégalitaire de la  féodalité Denniankobé a provoqué la résistance intellectuelle et armée de Thierno Souleymane Baal, la violente pénétration coloniale a fait comprendre à  Cheikhou Oumar et ses épigones Mamadou Lamine Dramé, Amadou Cheikhou, Ahmadou Ndack Seck de Thiénéba et Maba Diakhou Ba qu’il fallait défendre les sociétés africaines et recréer des Etats puissants sous la bannière islamique, les suivants El Hadji Malik Sy , Cheikh Ahmadou Bamba et  El Hadj Abdoulaye Niasse plus jeunes, ceux de la dernière génération,  ont été confrontés aux impératifs d’éducation spirituelle essentiellement. Il fallait s’installer dans le cœur du système éducatif des masses pour empêcher le colonialiste d’accomplir son œuvre d’assimilation. Ce fut l’occasion d’une guerre secrète, mystique, intellectuelle et  finalement la popularisation de l’Islam, qui donc, est une œuvre commune embrassant toutes les époques  depuis les Almoravides et la conversion des premiers souverains africains.

Khalifa Touré






samedi 10 décembre 2016

Mais qui va arreter Yaya Jammeh ?







Yaya Jammeh serait-il un homme indéboulonnable ? Certainement que oui pour les superstitieux inguérissables,  les partisans du jugement facile et enfin ceux parmi les sénégalais qui jouent à on ne sait à quel jeu.

 S’il ya plus de justice, de libertés et de respect des droits humains en Gambie qu’au Sénégal, s’il ya plus d’Islam, de foi et de prospérité économique dans ce pays qui n’appartient pas à Yaya Jammeh ils n’ont qu’à renoncer à la nationalité du pays de Blaise Diagne, Lamine Gueye, Ngalandou Diouf, Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye et Léopold Sédar Senghor ; le pays du grand Khaly Ammar Fall, Thierno Souleymane Baal, El Hadji Oumar Tall Al Foutihou, Cheikh El Hadji Ibrahima Niasse et Cheikh Moussa Kamara. Ils n’ont qu’à aller se plaindre auprès de ce tyran adepte reconnu de la magie noire. Au passage la magie noire est punie de peine de mort en Shari’a. Je vous renvoie au Fatkhoul Baari de Ibn Hadjar Al Asqalani. Cette opinion est Ijma c'est-à-dire consensuelle par toutes les écoles juridiques. Ils n’ont qu’à s’exiler en Gambie et confier leurs litiges à des juges nigérians, ghanéens et libériens, loués et achetés par Yaya Jammeh pour prononcer ses sentences macabres contre les opposants, les journalistes et les pauvres étudiants. On a tous compris !  Il n’a qu’à continuer ses sacrifices humains sous couvert de peine de mort, de traque des homosexuels, des opposants et des journalistes. Maintenant il s’en prend à de pauvres sénégalais qui ont commis l’imprudence de s’aventurer au-delà des frontières. Il n’a qu’à les tuer, s’il le veut, le justicier de pacotille! Yaya Jammeh est une honte pour la commission africaine des droits de l’homme mais surtout pour les intellectuels africains, la gauche africaine, les panafricanistes et les lobbyistes. Oui ! les lobbyistes qui peuvent faire quelque chose. Lors de la visite de Barack Obama au Sénégal Yaya Jammeh « le guerrier » a fait des pieds et des mains pour se faire inviter. « For God’s Sake invitez-moi, je ferai tout ce que vous voulez, ngir Yallah !!»  Pas bête le bonhomme devenu trapu à force de s’engraisser. Il a peur de l’isolement. Mais il est surtout réaliste. Il se dit que la Gambie est un petit pays qui n’intéresse personne, je peux pilonner, moudre et ratatiner qui je veux, les occidentaux ne lèveront pas le petit doigt. Mais on verra. Ceux qui croient savent que la justice divine existe. Il touchera un jour à l’intouchable ! Les gambiens adorent les sénégalais, mais Yaya Jammeh déteste le Sénégal ! « Vous jouez comme d’habitude au futé vous les sénégalais, mais vous verrez, je vais vous faire miroiter votre pont, mais vous ne l’aurez jamais ! » Voilà l’arme absolue contre le Sénégal.

Yaya Jammeh serait même un ami de Dieu, un marabout détenteur de pouvoirs mystiques. Aujourd’hui c’est un islamiste parce que qu’il traque les homosexuels et applique la peine de mort. Ah oui ! George Bush père est un islamiste parce que c’est un partisan irréductible de la peine de mort et la non-légalisation de l’homosexualité. Piètre définition du bon musulman ! Les droits de l’hommistes et les religieux chrétiens de la Gambie qui attaquent ce dictateur ubuesque sous l’angle de l’Islam ont un autre agenda. Ce n’est pas sérieux ! L’anti-islamisme et son succédané qui est l’anti-jihadisme opportuniste est devenu aussi un Jackpot pour beaucoup de gens qui en vivent. Personne ne veut  entendre la vérité ! Ils savent bien que Yaya Jammeh n’est pas un islamiste, il n’a aucune filiation idéologique avec l’islamisme. Il n’est rien de moins qu’un tueur narcissique. Ce monde n’est pas sérieux ! Tous les grands  combats, les nobles causes pour la restauration de la dignité humaine sont parasités par de grands enfants qui déblatèrent des choses qu’ils ignorent, des opportunistes guidés par l’argent, et des comploteurs à la solde, qui savent ce qu’ils font et sont prêts à toutes les manipulations pour alimenter leur combat d’arrière-garde. Personne n’ose leur dire « taisez-vous ! », à commencer par l’avant-garde de la gauche nationaliste africaine qui n’est même pas au courant des dérives, des déviances et de la récupération racialiste des thèses de Cheikh Anta Diop dans les réseaux sociaux. Des individus mal intentionnés sont en train d’utiliser la plate-forme intellectuelle du Sénégal pour véhiculer les divisions ethno-religieuses d’un pays d’à-côté. Ils investissent les réseaux sociaux et utilisent des relais médiatiques locaux pour fouetter la fibre « nationaliste » anti-arabe et soi disant pro-africaine.

Quant à  Yaya Jammeh il serait même un panafricaniste pour ces jeunes et vieux qui n’ont aucune envergure. Un panafricaniste est aujourd’hui un africain qui a l’injure anti-occidentale à la bouche. C’est trop simple, trop facile et même écœurant. C’est à vomir si on écoute ces manières puériles, dangereuses et réactionnaires de défendre l’Afrique. Il yen a même qui verse dans le racisme anti-blanc et anti-arabe. Les groupes qui les abritent ne s’intéressent même pas à leur orientation idéologique, il leur suffit d’entendre quelqu’un qui a le toupet de dire que l’occident est le mal absolu et c’est tout. Voilà la définition actuelle du panafricanisme qui fut naguère éminemment politique et scientifique pour des hommes valeureux comme Cheikh Anta Diop, Marien Ngouabi, Modibo Keïta ou Julius Nyerere. Il faut une forte préparation morale, scientifique et théorique pour défendre l’Afrique. Sinon on risque de tomber dans la sensiblerie panafricaniste. Entre-temps Yaya Jammeh aura tenté de supprimer tous les gambiens. Mais il ne le peut. La colère de Dieu s’abattra sur lui ! Allah protège la Sénégambie !

Khalifa Touré



Article publié dans LE QUOTIDIEN en Avril 2016, nous avons cru bon de ne le « retoucher » parce que rien à changer. « La fin facile de Yaya Jammeh », trop beau  pour être vrai. A suivre !

lundi 5 décembre 2016

Criminalité, littérature et peine capitale(1)







Trois chefs-d’œuvre de la littérature mondiale suffisent pour comprendre le phénomène criminel dans ses multiples dimensions, anthropologique, sociale et psychologique : « Crime et Châtiment » de Fiodor Dostoïevski, « Lumière d’Août » de William Faulkner et «  La beauté tôt vouée  à se défaire » de Yasunari Kawabata.

Ils meurent tous les jours des hommes et femmes par la main de l’homme, pourtant leur prochain. Ceux qui vont mourir vous saluent, bientôt assassinés par leur semblable. Une femme est morte au Sénégal égorgée par son confident de chauffeur. Le fait défraie la chronique, les colères passagère, empruntée ou sincère montent des cœurs endoloris par un crime abject. Le consensus moral est menacé ! Le rétablissement de la peine de mort est vivement demandé par une population interloquée au moment où l’élite intellectuelle francophone et l’Eglise du Sénégal s’insurgent de façon presque unanime contre la restauration de la peine capitale qui n’a  du reste jamais été appliquée sauf en de rares occasions à l’époque du poète négro-africain, Président, catholique, humaniste et académicien français Léopold Sédar Senghor qui était ouvertement anti-abolitionniste.

Autant dire que tout est en l’homme, dans son profil qui informe son opinion. Des institutions sont anti-abolitionnistes hic et nunc (ici et maintenant) parce qu’en face et pour des raisons intelligemment opportunes ils craignent la montée de l’intégrisme qui menacerait leur existence, mais ailleurs et autrefois avec les mêmes références religieuses ils appliquaient la peine capitale. C’est compliqué tout cela si l’on ne connait pas les craintes et les aspirations cachées. Il faut savoir évaluer l’échelle des valeurs dans la rhétorique anti-abolitionniste pour avoir une idée de ce qui passe. « La plupart des gens ne savent pas » parce qu’ils ne s’en tiennent qu’à  l’opinion. Ce que l’on  dit n’est pas forcément ce que l’on est !

Lorsque François Mitterrand le socialiste-humaniste, ancien vichyste, agnostique et jésuite défroqué a décidé d’abolir la peine de mort par la langue éloquente de l’Avocat-juriste et franc-maçon Robert Badinter, l’écrasante majorité de l’opinion française était favorable à la peine capitale. Elle a été abolie contre le cours des choses et des hommes. Ce fut pour des raisons humaniste et matérialiste. Le progrès et une idéologie. Les abolitionnistes ont pris le temps de s’installer dans les appareils idéologiques, l’école, les media, c’est de bonne guerre. Il faudrait qu’ils comprennent à rebours que les anti-abolitionnistes se sont aussi incrustés à travers les âges, les coutumes et les traditions religieuses qui fondent le socle du consensus moral dans bien des cultures. Des sociétés hypermodernes et même postmodernes comme le Japon sont anti-abolitionnistes invétérées. La peine de mort n’est synonyme d’archaïsme que pour les incultes et les partisans de la guerre idéologique. L’humaniste et  jeune Victor Hugo, aurait suffi avec son très précoce « Le dernier jour d’un condamné » pour convertir  les partisans de la peine capitale. Et Léon Tolstoï, le géant ! Plus intelligents, plus cultivés, plus fins et plus éloquents que les abolitionnistes médiatiques d’aujourd’hui, ils n’ont pas pour autant convaincu bien des lecteurs-admirateurs qui dans l’échelle  des valeurs placent la foi au Seigneur de la vie au dessus de tout. Les abolitionnistes, les bons, placent la vie de l’homme en haut de l’échelle, tandis que les partisans de la peine de mort pensent que « ce n’est que justice », la Justice prime sur la vie. Le Justice peut ôter la vie parce elle est un principe supérieur, immatériel. Pour eux, rien à voir avec la lutte contre la criminalité qui est une autre affaire liée surtout à l’éducation.

Tolstoï et  Victor Hugo pourtant abolitionnistes seraient en colère contre bien des abolitionnistes d’aujourd’hui. La plaidoirie insidieuse, sournoise, à travers  les groupes de pression a fini de rendre ridicule, banal et quotidien cette question radicalement philosophique et théologique qui touche même notre existence en tant qu’être humain. Si le comte Léon et Victor Marie Hugo n’ont pas convaincu de grands esprits comme l’écrivain arméno-américain William Saroyan, ce ne sont pas des droits de l’hommistes prêcheurs-imprécateurs qui vont le faire. Mais l’essentiel pour eux n’est plus de convaincre mais d’agir à travers les décideurs politiques et administratifs. Et la messe  est dite! Aux autres de se morfondre en leur colère impuissante. Voilà le monde comme il va !
Le conflit des mondes a fini par escamoter la littérature criminelle qui, plus profonde, va jusqu’à la racine des choses. Rien à voir avec les mauvais et même bons polars comme ceux de Chester Himes avec son étrange «  Couché dans le pain » et ceux de la légendaire Agatha Christie avec « Le crime de l’Orient Express », un chef-d’œuvre.

William Faulkner, Dostoïevski et Kawabata nous ont appris que l’acte criminel obéit à une mécanique implacable. Sans être dans le vulgaire déterminisme sociologique et même psychologique, les hommes ne sont ne sont pas prêts à tuer. Ils ne sont disposés à tuer que lorsque la machine criminelle se met en marche par une série incontrôlée de faits, d’actes et d’événements qui s’enchainent, s’entrechoquent vont crescendo et finissent par exploser par le meurtre. Ils sont happés, possédés par les événements qui les contrôlent. Raskolnikov a décidé de se débarrasser d’une exécrable vieille usurière, mais à un moment donné il ne peut plus faire machine arrière parce qu’il ne conduit pas la machine criminelle qui est entre des mains invisibles. L’homme qui tue est gêné par quelque chose dont il se débarrasse par la violence criminelle. Il tue pour être à l’aise, pour s’éloigner d’une impérieuse oppression interne. C’est de la folie ! Tous les tueurs ont raison, d’une mauvaise raison…une raison du diable. Il n’ya pas plus égoïste qu’un criminel, il ne voit que son bonheur sa paix intérieure exclusivement. (A suivre)


Khalifa Touré