« Mon Dieu,
Donnez-moi la sérénité
D'accepter
Les choses que je ne peux changer,
Le courage
De changer les choses que je peux,
Et la sagesse
D'en connaître la différence. »
Donnez-moi la sérénité
D'accepter
Les choses que je ne peux changer,
Le courage
De changer les choses que je peux,
Et la sagesse
D'en connaître la différence. »
Mais que
fait cette prière fervente et sublime dans la bouche hésitante de Mr. Brooks,
respectable chef d’entreprise le jour et tueur en série la nuit ? C’est
dans le film éponyme de Bruce A. Evans que cette prière est dite par le
tueur, à toutes les occasions qu’il revient de son acte incompréhensible,
couché et blotti dans son lit, tremblotant de
stupeur et d’incompréhension face à l’impossibilité de « savoir qui
il est vraiment ! »
Il nous fait
plonger en des interrogations vertigineuses : Qui sommes-nous ? Que
sommes-nous « destinés » à faire ? Quel est notre identité
primordiale, le nom premier qui a fait de nous ce que nous fûmes avant que nous
soyons ici-bas. Réponses douloureuses pour les mutants, les
« revenants », les hommes-esprits
dont les moutons du passé tentent de brouter les réverses de vies
antérieures dans une personne actuelle
qui attend douloureusement l’accomplissement ultime. Que la Vie est
longue ! La vie d’un mort-né est une éternité. A quoi bon prier sur un
enfant « innocent » qui vient de nous quitter ? Terrible
question dont la réponse est toujours escamotée parce qu’elle révèle une
réalité innommable : personne n’est innocent, pas même un bébé. Mais
pourquoi ? Voilà la question. « L’âme humaine est vaste, trop vaste,
je l’aurais volontairement réduit »
a dit le mutant convulsif à l’écriture épileptique, il s’agit du grand écrivain
russe Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski.
La prière de la sérénité, une formule audacieuse
qui pose l’impossibilité de la perfection humaine, au moment où les théologiens
des religions de tous bords évitent de telles nuances les renvoyant à la zone
grise, cet espace privilégié commun à tous les mystiques qui l’affectionnent
parce qu’étant le domaine de l’histoire sainte, le déploiement des grandes connaissances.
L’âme aspirant à la perfection, qui par des exercices spirituels et moraux se
délestent des scories en direction du lieu où l’espace et le temps sont abolis.
C’est l’arrivée en un « lieu » où il n’ya pas de d’arrivage. Voilà où réside
l’idée de l’imperfection, elle n’est pas totale, l’âme n’est appelée qu’à se
jeter dans la mer de l’origine première. Nos âmes sont des ruisseaux qui
portent en eux la puissance du fleuve originel.
Mr Brooks tueur interloqué par sa propre tendance à supprimer son
prochain pense être « destiné » à cette ignominie, mais le poids de
l’âme lui fait dire les mots de Reinhold Niebuhr :
« Mon Dieu,
Donnez-moi la sérénité
D'accepter
Les choses que je ne peux changer,
Le courage
De changer les choses que je peux,
Et la sagesse
D'en connaître la différence. »
Donnez-moi la sérénité
D'accepter
Les choses que je ne peux changer,
Le courage
De changer les choses que je peux,
Et la sagesse
D'en connaître la différence. »
Il a commis lui « Mr Brooks » et ses autres
personnalités multiples, des actes qui viennent se jeter en sa personne actuelle
et qui font de lui un tueur respectable. La prière de la sérénité est le sommet
du Tawhid, l’effacement total à Dieu, l’extinction de la volonté. C’est du
fatalisme supérieur celui de la confrérie des éveillés, la famille des Rumi et
son maitre Shams e’din Tabriz tant évoquée par Mohamed Iqbal le penseur
pakistanais si cher au philosophe de la tradition (transmission), Souleymane
Bachir Diagne.
Ah que l’âme humaine
est douloureusement insondable ! Reinhold
Niebuhr, théologien américain, moraliste, penseur rebelle, contestataire et
homme de foi très influent l’a compris lorsqu’il a formulé cette prière tour à
tour attribuée à l’empereur romain Marc Aurèle, à Saint François d’Assise et même
à Friedrich
Christoph Oetinger
alias Docteur Theodor Wilhelm. C’est le lot de ces citations aux origines
« apocryphes » injustement attribuées à des personnages soi disant
plus « illustres » ou bien à des auteurs qui les ont utilisés dans
des ouvrages ou circonstances devenues cultes. Cette prière est bel et bien de
Reinhold Niebuhr, théologien au regard subtil sur la divinité, la religion, la
foi chrétienne et ce monde qui se prétend plus réel qu’est la politique et la
diplomatie. Une prière devenue commune chez les alcooliques anonymes qui en
font une formule thérapeutique. Même les assassins n’échappent pas la
spiritualité.
Khalifa Touré