Et c’est un devoir envers Allah pour les gens qui
ont les moyens, d’aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit
pas… Allah se passe largement des mondes » Sourate Ali Imran versets 96/97
Comme saint Ibrahim Adham sur le chemin de la Mecque, Aboul
Qacim Djouneydi Salik ou la reine de saintes Rabia Al Adawiya de Bassora, ce
fut une grande épopée mystique et un triste voyage que ce pèlerinage légendaire
digne des anciens d’un saint homme fils du plus saint fils de Mamina Cheikh Muhamed
Fadel qui offrit cent enfants prodigieux sertis de facultés spirituelles
presque effrayantes et de dons de thaumaturgie qui n’existent plus. Il s’agit
de Cheikh Mouhamdoul Mamoune Al Kébir, vingt neuvième fils et grand frère de
Cheikhna Cheikh Saadbou l’incomparable saint homme qui effectua le pèlerinage à
la Mecque pour ne jamais revenir selon une pratique et presque un rituel parmi
beaucoup de saints qui ont foulé les lieux saints autour de la pierre noire surélevée
par Ibrahim le patriarche le plus sage, le Maitre de ceux qui cherchent la
rectitude. En effet Cheikh Mouhamdoul Mamoune Haidara partit à la Mecque attiré
par les effluves gnostiques et mystiques de ce lieu doté d’un magnétisme divin
à nul autre égal mais aussi par l’appel du sang. Les Ahlou Mamina auxquels il
appartient sont Ahlou Beyt Rassoul ils descendent directement du prophète Mouhamad (PSl) et sont d’une
particularité et d’une stature mystique que personne n’a pu percer jusqu’ici. Ils
appartiennent à la grande école soufi qui a engendré Nimzatt de Cheikhna Cheikh
Saadbou le trente deuxième fils , le
plus rayonnant, lui et son grand frère Mal’ainy le quatorzième, le grand résistant à la pénétration coloniale
au Maroc qui repose à Tiznit. C’est donc dire que le chemin de la Mecque est
semé de mystères pour ces athlètes de Dieu, ces preux chevaliers de la foi.
Ce n’est qu’un jour connu parmi les jours du Seigneur des
mondes que Cheikhna Cheikh Saadbou écrit dans ses Khawwatim » avoir reçu
une lettre lui annonçant le décès de son frère, lettre dans laquelle son
compagnon de la Mecque affirme sans ambages que Dieu a élevé Cheikh Mouhamdoul
Mamoune devant tous les savants Mecquois de l’époque de par sa science.
Personne ne sait jusqu’au jour d’aujourd’hui s’il a laissé une progéniture. Il
faut dire que beaucoup de saints attirés par les effluves, le symbolisme caché
et la sacralité des lieux choisissent de ne plus revenir. Seyd El Hadji Malick
a voulu le faire, mais le maitre des lieux lui a inspiré de revenir continuer
sa mission ici au Sénégal. Nous reviendrons sur le pèlerinage de ce géant parmi
les géants.
Dans la même lignée
paternelle chez les enfants de Cheikh Mouhamad Fadel se distingua Cheikh Al
Hadramé le neuvième fils qui lui-même eut vingt et un enfant dont Abbas le père
Cheikhna Cheikh Tourad dont il s’agit
ici. Cheikh Tourad ould Abass ould Hadramé ould Cheikh Muhamed Fadel est avec
Cheikh Makhfou de Casamance fils de Cheikh Mohamed Tayeb Al Khayar ould Mohamed
Fadel l’un des disciples de Cheikhna Cheikh Saadbou les plus étonnants. Ils
sont au nombre de 664 connus de la Mauritanie à la Guinée touchés par la grâce
divine par les œuvres de Cheikh Saadbou. Du jamais vu dans les annales du
Soufisme, tous fabriqués et transformés littéralement en saints Wali dotés de
pouvoirs thaumaturgiques par le Cheikh des deux rives.
Quant à Cheikh Tourad, Cheikh Saadbou lui a fait don de
secrets inestimables et grandes capacités oratoires en plus d’un charisme
spirituel qui convertissait tous ses vis-à-vis. En un jour de vendredi connu,
il a fait goûter la mort mystique à 207 personnes. Lettré hors pair, poète
inspiré et saint homme doté de miracles connus, lorsqu’il arriva à la Mecque,
il s’arcbouta à la Kaaba et professa une intention secrète sous forme de poème,
il lui fit alors dicté qu’il ne reposera pas à la Mecque mais à Dakar qui sera
son centre de rayonnement. Aujourd’hui son mausolée se trouve au Cimetière de
Soumbédioune à Dakar, pourtant il n’est venu au Sénégal que deux fois
contrairement à ce que l’on pense. Il avait émis le vœu d’être enterré là où il
rendra l’âme conformément aux traditions des prophètes. Cheikh Tourad était un
soufi orthodoxe. Au moment où il effectuait son pèlerinage il tomba
malade à la Mecque. Il savait que l’heure était proche. Comme il ne pouvait plus retourner par Bateau,
le gouverneur de l’AOF, à l’époque affréta un avion spécial pour son retour. A
son arrivée à Dakar, il y séjourna quelques temps avant de rendre l’âme en
1946. Ce fut l’un des pôles mystiques les plus rayonnants de son époque qu’il a
dominé par sa puissance. Il a sauvé beaucoup d’âmes et guidé même des saints
dans les sentiers difficiles qui mènent au Tabernacle grâce à son maitre,
l’inénarrable Cheikhna Cheikh Saadoul Aby. La suite donnera les pèlerinages du maitre fondateur
Cheikh Oumar Tall Al Fouti, El Hadji Malick Sy, Serigne Fallou et Mame Cheikh
Anta Mbacké.
Mais il est à se poser la question de savoir ce qui
a poussé le guide fondamental Cheikh Ibrahim Niasse à s’envoler autant de fois vers la Mecque.
Sa circumambulation autour de la Kaaba est presque hallucinante et donne le vertige mystique aux non avertis.
Elle est faite d’unicité et de multiplicité à la fois qui rappellent le fameux
vers de Cheikhna Cheikh Saadbou « Attoufou bi Beyti Lahi ». Dans les
chemins qui mènent à Dieu, il ya autant de voies que de pèlerins.
Et ce fut le voyage presque interminable du pôle mystique
Cheikh Oumar Tall Al Fouti, le guerrier intrépide à la foi d’airain, le preux
chevalier, la grande âme qui a sauvé tant d’âmes perdues. El Hadji Oumar c’est
l’écrivain en marche, le grand poète à cheval. Son pèlerinage à la Mecque est un
acte fondateur, un parcours initiatique dans la voie soufi selon les préceptes
de Cheikh Ahmed Tidiane Chérif. Il ya pèlerinage et pèlerinage, celui de
Cheikh Oumar est un viatique pour tous
les aspirants. En 1828 il partit à la Mecque accomplir les rites sacrés selon
la pratique, les faits et gestes de son idole le prophète Mohamed PSL. Après le
pèlerinage à la Mecque, la rencontre mémorable avec le grand maitre tidiane
Cheikh Mouhamad Ghaly à Médine fait partie des événements les plus insignes
dans les annales du Tidianisme. La Tarbiya cette pratique mystique selon une
formule incommunicable que seuls
quelques grands saints détiennent comme le grand Sidy Mouhtar Al Kounti,
Cheikhna Cheikh Saadbou et El Hadji
Ibrahima Niasse le grand pèlerin, fut le point d’orgue de cette rencontre entre
deux grands Amoureux et qui consacra définitivement El Hadji Oumar jusqu’à nos
jours d’aujourd’hui après qu’il se soit éthéré dans les falaises de Bandiagara
le 12 février 1864.
Bien des années plus tard, son héritier à tous points de vue El Hadji Malick Sy
tellement savant que son ami et frère en Islam Cheikhna Cheikh Saadbou affirma
« son école est la meilleure des écoles et son Wird n’est comparable à
aucun autre wird ». Le Cheikh des deux rives Saadbou connait son sujet, il
a lui-même donné le wird tidiane à certains de ses grands disciples dont
l’étonnant cheikh Aldiouma Ba de Guet Ardo, le Wird Shazaly à d’autres et le wird de Sidi Abdoul Qadr Djeylani le grand
à la majorité des cheikh qu’il a
intronisé. A un certain niveau de pratique et d’élévation spirituelles il n’ya
plus de frontières confrériques. C’est l’universalisme et l’humanisme qui autorisent ces postures dans le soufisme
d’en haut, celui des maitres. Du reste
toutes les confréries authentiques musulmanes sont d’essence Djouneydite et
remontent tous à Aboul Qacim Djouneydi jusqu’à l’Imam Hassan Al Basri. Nous
sommes tous en grande majorité musulmane au sud du Sahara de la voie
Djouneydite, de rite Malikite et
théologie Ash’arite. Tous nos
chefs religieux de quelque obédience qu’ils soient appartiennent à ces
trois grandes écoles qui organisent la vie religieuse du Maghreb au Sud du
Sahara selon une continuité et une unité visibles dans toutes les pratiques, les
postures et modes de pensée. Toutes les Fatwas de Seyd El Hadji Malick Sy
notamment sur la Zakat de l’arachide et ceux de Baye Niasse ont été élaborées selon les normes du rite
Malikite. Ce rite qu’El Hadji Malick a largement contribué à vulgariser. Son
pèlerinage à la Mecque à l’âge de Trente trois ans donne une idée de l’homme et
de la grandeur de son dessein. Enfant prodige, juriste émérite, fin lettré,
savant en tout il étonne encore aujourd’hui les aspirants par la rareté, l’étrangeté
de son trône mystique. Il apparait sous à ceux qui vient sous une triple
formes. C’est l’un des rares mystiques dont la vision est rarissime, il échappe
au regard même de certains saints qui ne peuvent le connaitre tellement il est
singulier dans son étrangeté. Qui a entendu une fois dire « j’ai vu El
Hadji Malick en rêve ? » Ils sont rares. El Hadji Malick est un
mystique mais d’une mystique authentique adossée au Coran et à la Sounna, ce qui malgré les
apparences est une prouesse, un prodige. L’ivresse mystique n’a jamais réussi à
le noyer et l’égarer. Son pèlerinage et son retour furent des bienfaits
incommensurables pour la culture islamique au sud du Sahara.
Quant à El Hadji Ibrahima Niasse, c’est le pèlerin le plus
étonnant par le nombre de fois qu’il est allé à la Mecque. Son premier pèlerinage
à la Mecque en 1937 est mémorable. Ce
fut la fameuse rencontre avec l’Emir de Kano Bayero. Ce jour là sans que
personne ne le sache la Fayda Tidianya commença à se déverser sur le Nigeria
depuis la Mecque. Chez Baye Niasse le
Hadji à la Mecque est une marque distinctive, un tampon mystique qui
caractérise l’homme dès avant son apparition sur terre annoncée expressément
par Ousmane Dan Fodio le grand Marabout Peulh du Nigéria qui est allé jusqu’à
décrire son physique notamment sa face lumineuse, sa fameuse barbe et ses yeux
globuleux. Baye Niasse est un homme prodigieux qui draine pas moins de cent
quarante cinq millions d’âmes sur terre. Lorsque l’on sait que
« supporter » une seule âme dans la voie mystique relève de la
gageure. Il détient le secret de l’accession extinctive au tabernacle qui
intrigue encore aujourd’hui après sa disparition physique en 1975 à Londres. Dans
la voie soufi Baye Niasse est une cime inaccessible qui porte une science
convoitée, celle de « l’accès à Dieu » qui a fait tant jaser et qui a
attiré des millions d’âmes, et même des savants de tous bords dont les
mauritaniens de la lignée prophétique qui sont venus littéralement se jeter
dans la mer mystique de Baye Niasse. A Kossi reposent 19 Chourafa (descendants
du prophète) qui étaient venus s’initier à la Maarifa auprès de Baye Niasse.
« C’est par la littéralité de la Charia et la Lumière éclatante »
qu’il emportait les âmes à Dieu, selon ses propres mots. Un de ses anciens « maitres »
mauritaniens qui lui offert même la Idjazaa (l’agrément chez les Tidianes) est
venu plus tard devenir son disciple. Du jamais vu !
Voilà Baye Niasse l’ami de Serigne Fallou Mbacké le fils du
prodigieux de Cheikh Ahmadou Bamba qui lui a donné le nom du saint de Hawdou le père de Cheikhna
Cheikh Saadbou, l’immense Cheikh Muhamed Fadel ould Mamine. El Hadji Fallou le
marabout des laissés-pour-compte, ces pauvres êtres que le destin a matraqué,
gens de Dieu que les grands de ce monde pauvres égarés eux-mêmes ont voulu
toujours écraser. Combien de personnes ont été sauvées par Serigne Fallou qui
avaient maille à partir avec l’injustice ? Personne ne sait. Serigne
Fallou possédait la « Idjaaba », la grande baraka, son pèlerinage en 1928
est un chef-d’œuvre tant l’image de Cheikh Ahmadou Bamba était présente dans
les mémoires. Dès le départ pour les lieux saints il formula ce triste vœu
plein de piété filiale : « Allez en ziarra à la Mecque puis rendre
visite au prophète Mohamed (PSL) ensuite offrir toutes récompenses à ces
dévotions, à mon défunt père Cheikh Ahmadou Bamba.” Il était en compagnie de Mame Cheikh Anta Mbacké le frère de Serigne
Touba.
Cheikh Anta Mbacké de son vrai nom Cheikh Sidy Moukhtar en
souvenir du grand pole mystique du 18eme siècle saharien le maitre des Kounta
Cheikh Sidy Moukhtar Al Kounti que
Serigne Touba évoque dans son chef-d’œuvre « Massalik Al
Djinane » dans la même foulée que l’Imam Ghazaly, Abdel Qadir Djeylani et Cheikh
Mohamed Yadaly Addeymani de la tribu Deymane de Mauritanie. Au passage Sidy
Boubacar Deymany qui vivait à Boutlimit a donné le wird tidiane en premier à Tafsir
Abdou Cissé le saint de Djamal dans le
Saloum. Et le fils ainé de Serigne Touba Cheikh Mohamed Yaddaly Mbacké qui n’a
pas vécu longtemps sur cette terre porte le nom de ce grand pole Entre le
Sahara, la Mauritanie, les saints maures et nous, il ya beaucoup d’explications
à faire dans la perspective d’une parenté mystique et même consanguine indéniables. Mame Cheikh Anta auréolé de toutes ces
souches spirituelles fut un homme prédestiné. Dieu lui accorda une grande
richesse. C’est lui qui s’est acquitté
de tous les frais du fameux pèlerinage. Fils de Mame Mor Anta Saly le grand
fondateur de l’université de Mbacké Kajoor et de Sokhna Asta Walo cet homme fut
à la fois un savant, un pieux et l’argentier du mouridisme. Les colons ont vite
compris qu’il fallait « l’éliminer ». C’est pourquoi dès son retour
de la Mecque il fut arrêté et déporté de 1930 à
1940 à Ségou au Mali. A son retour d’exil il décida dans un accès de soufisme
extraordinaire d’abandonner ses activités économiques pour se consacrer
uniquement à quelques tâches agricoles. Le temps est proche où je dois
rejoindre celui pour qui je travaillais disait-il. L’année suivante il
rendit l’âme en 1941 à Darou Salam.
Vingt années auparavant disparaissait en 1922 l’un des plus
grand maitre soufi de la Sénégambie, il
s’agit de Mame Abdoulaye Niasse, le père de Cheikh Ibrahima Niasse. Tous ses
enfants sont extraordinaires notamment Mame Khalifa Niasse l’un des plus grands
lettrés en langue arabe au Sud du Sahara sinon le plus grand et El Hadji Mohamed
Zeynab Niasse. Son pèlerinage à la Mecque en 1890 et son retour à Fez au Maroc
auprès du Pole caché Seyd Ahmed Tidiane Chérif Al fatimi Al Khassani est un
événement qui concerne tous les aspirants au sud du Sahara. Mame Abdoulaye
Niasse est revenu accompli et serti de cadeaux venant de son maitre. Cet homme
fut l’un des guides les plus précieux pour le Sénégal c’est la raison pour
laquelle ceux qui savent ont tout fait
pour qu’il revienne de son exil en Gambie. Il lui fut autorisé à revenir en
1910 pour continuer son enseignement et son rayonnement spirituel. N’eut été
cela qui peut imaginer le vide spirituel qui aurait frappé le Saloum, la Gambie
et tout le Sénégal. Cet ainsi que vont et viennent les saints parmi les âges
les temps et les espaces voulus par Dieu. Leur mission est essentiellement
spirituelle, le reste n’est que bénéfices et conséquences matérielles
périssables. Ils sont nombreux dans une certaine échelle et peu nombreux dans
d’autres selon l’architecture du monde
spirituel tel que le Maitre des mondes l’a voulu.
Paix et salut sur toutes les âmes qui aspirent à la vérité
cachée.
Khalifa Touré