mercredi 14 mars 2018

Meurtres, assassinats, enlèvements et négation du crime au Sénégal


Nous en sommes arrivés finalement à tuer, assassiner, enlever et faire disparaitre nos propres concitoyens. Ce qui devait arriver et qui s’annonçait depuis des décennies est arrivé dans nos pauvres vies que nous nous sommes évertués à saccager. C’est notre masochisme social qui a produit ces phénomènes qui n’ont rien de mondial. Chaque société humaine a ses types de crimes, ses désirs enfouis et réfrénés, ses peines perdues.

Il est des moments où il faut s’arrêter et réfléchir sur les finalités de nos actes. Ces phénomènes relèvent davantage de la finalité que la totalité. Les spécialistes des phénomènes sociaux auront vite fait de crier au « phénomène social total ». Nous sommes entré de plein pays dans la crise du désir, de l’envie, du vouloir et des vœux incontrôlés. Les sénégalais s’entendent-ils parler ? Notre vocabulaire est devenu essentiellement alimentaire. Notre sensualité a décuplé ses dernières années. Nous voulons prendre toutes les femmes du monde, occuper toutes les villas de la ville, conduire tous les véhicules et exhiber l’argent sale partout. La surexposition fictive des biens, la surmédiatisation de l’argent, la mise en scène télé-filmique du bonheur auront fini par aiguillonner les psychopathes et les sociopathes qui dorment dans nos maisons. Il n’est plus rare d’entendre dire qu’il me suffit de franchir les frontières de n’importe quel pays du Nord pour vendre de la drogue ». Et ces mamans d’une ville connue de tous qui n’hésitent plus à dire avec une effrayante désinvolture «  priez pour mon fils, il est en prison à l’étranger », pour les raisons que tout le monde sait. Des jeunes qui disent que Dieu n’exhauce pas leurs prières s’il ne fait d’eux des revendeurs de drogue en Europe. Tout cela se passe au Sénégal.



Ecoutez parler nos jeunes frères, nos neveux et nos sœurs, des criminels potentiels qui déclarent leurs futurs forfaits sous couvert de blagues, de rires et de joie insouciante. Les voyous et les garces sont parmi nous ils sont capables de tout, prêts à sectionner le doigt d’un bébé et à tout prix. Qui n’a pas de prix en cette modernité décadente ? Chacun devra mesurer son seuil de résistance, on ne sait jamais. A quel prix, à quel coût, à quelle somme l’on est prêt à céder au crime ?

Tout est possible, nous sommes capables de tout. Le monde spirituel auquel les âmes sont connectées n’a pas perdu sa vertu mais il s’est dangereusement rétréci, peut-être à 30% ; nous sommes entrés dans une ère où plusieurs âmes qui veulent être sauvées éprouvent milles et une difficulté pour accéder au monde des vérités essentiels. Chaque jour vient au monde des milliers qui veulent être sauvées, évoluer vers d’autres strates du Bien, mais elles n’ont aucune chance, la dérégulation spirituelle des différentes sphères cosmiques a fait rétrécir les éléments spirituels. Les gens vont mettre au monde des criminels, ceci est effrayant. Mais pas pour longtemps, beaucoup d’âmes fortes aspirent au retour vers les vérités traditionnelles (fondamentales), la puissante agglomération de ces vouloirs grandioses, ces majestueuses volontés fera gonfler la sphère spirituelle et facilité l’accès à Dieu. Pendant le XXème siècle, même les mouvements religieux ont travaillé au service de la matière, sans le vouloir et certainement en voulant combattre le matérialisme occidental ils l’ont remplacé par un rationalisme textuel, dogmatique et religieux. C’est la raison pour laquelle, le soufisme a été violemment combattu jusque dans ses fondements.

Tout cela n’a rien à voir avec la criminologie et la sociologie, il relève de l’intériorité qu’il est nécessaire d’explorer sans pour autant nier  l’utilité des méthodes rationnelles. Tout crime comporte des marques spirituelles indélébiles. Ceux qui enlèvent ces enfants et qui les vendent à coût de million ont perdu leur âme depuis longtemps. Il ya quelques années, une pharmacienne a été assassiné, les auteurs qui ont commis le forfait sous couvert de cambriolage ont été payé par l’oncle de la dame.

Nous sommes au Sénégal. Jusqu’ici ce sont les étrangers, les « gnakk » comme on dit improprement, qui commettaient les crimes de sang. Pendant des années nous avons vécu dans ce mensonge injustifié. Le sénégalais n’a jamais rien fait, il ne fera rien, il est né sous une bonne étoile, béni de Dieu sur le sol des hommes les plus saints que le terre ait porté. Les plus dangereux sont les sénégalais qui n’ont jamais voyagé même pas en Gambie, qui ne connaissent même pas leur pays, qui n’ont jamais mis les pays à Mboumba ou à Diouloulou qui sont prompts à dire qu’ils ont les plus belles femmes du monde, les plus belles villes, les meilleurs « marabouts » etc. des choses qui font rires mais dangereuses parce qu’elles nous poussent à l’auto-satisfaction. Pire elles peuvent même influencer les décideurs qui seront tenté en bon sénégalais de tirer des conclusions édulcorées de la réalité des chiffres. C’est que l’on appelle un biais. Même le plus féru des méthodologistes peut se faire prendre parce qu’en l’occurrence nous avons ici un biais têtu et insidieux. Des prétentions ridicules qui nous ont perdues et ont empêché de regarder la réalité en face. Alors nos enfants, depuis la crise des années 80-90 qui a culminé en 2000 se sont forgés une carapace de jouisseurs, de frimeurs, de paresseux abandonnant l’école et les ateliers et finalement des criminels capables de tout pour de l’argent.

Les meurtres, assassinats, enlèvements d’enfants et même d’adultes continuent au Sénégal. Mais ce n’est plus une négation du crime au Sénégal mais un déni de la réalité. Les zones de non-droit dans les villes et certains grands villages du Sénégal auront fini par accélérer, aggraver et même favoriser le phénomène. Existe-t-il des comportements et des zones criminogènes au Sénégal ? C’est la piste à explorer pour les criminologues, les sociologues et la sécurité nationale.

Dans une société humaine le phénomène criminel peut passer de la « simple » sécurité à la sureté nationale proprement dite. Mais on n’en est pas encore arrivé à ce type de lien pernicieux. Les simples explications de sociologues médiatiques ne surprennent personne. « La crise de valeurs » oui, mais en quoi elle consiste ? N’ya t-il pas de nouvelles valeurs ? Chez les humains qui vivent en société les « valeurs » fondamentales ne changent pas, elles participent des paradigmes dominants. Par contre il existe des sous-valeurs qui sont les annexes morales souvent immorales de nos grandes références. Autrement dit les sociétés humaines ont toujours les défauts de leurs qualités. Nous n’avons jamais suffisamment analysé l’ensemble de nos valeurs qui ne peuvent être exhaustives. Où commence et s’arrête le Sénégal des valeurs morales ? La réponse à une telle interrogation aurait pu symboliser le corps de la Nation, la Nation des valeurs. Ce sont les valeurs partagées qui constituent la Nation or toutes les valeurs ne sont pas partagées du fait de la crise de l’Etat-nation, cette greffe coloniale qui provoqué tant de rejets.

Tous ces phénomènes effrayants et inquiétants sont loin d’être marginaux, ils participent d’une sédimentation successive de fuites et de pertes mortelles de notre être dans le monde. Nous n’allons pas continuer à nous entretuer, nous serons pris par la fatigue, interloqués et émoussés par nos fortraitures immondes. Nous passerons à autre chose d’autres formes criminelles à côté des  brisures quotidiennes de la vie. Oui, il existe des brisures de vie qui sont quotidiennes, elles sont les sources à la fois proches et lointaines des phénomènes criminels contemporains. Nous devenons de plus en plus audacieux en pratiques criminelles. Les meurtres, enlèvements et assassinats ces derniers temps ont ceci d’inquiétant qu’ils se distinguent par leur caractère répétitif, pernicieux et pervers. Ils ont pris la forme des rapines, des attaques et fuites rapides devant le silence étrange des autorités. Mais le non-droit, la gloriole, la sotte fatuité de nos manières sénégalaises modernes méritent d’être interrogés dans une perspective d’un mieux vivre-ensemble. Nous avons pendant une longue période construit un discours d’immunité avec des fondements socio-religieux. Nous irons tous au paradis, le salut est assuré, alors tout est permis. Nos maîtres aux pouvoirs divins feront le reste. Ils pourront réparer par leur onction balsamique nos erreurs et fautes impardonnables si ce n’est par cette facilité. Voilà la négation du crime, le déni de la réalité. A chaque jour suffit sa peine mais à chaque âme sa charge propre. Un jour prochain les regards seront figés sur nos propres crimes. Et les choses se passeront ici !

Khalifa Touré