Je ne sais quoi ! Mais ce poème appris dès la tendre enfance me
fait quelque chose que je ne comprends pas à chaque fois que je le lis. Écrit
par Guy Tyrolien, poète habitant des Antilles, une terre de luttes, de souffrances, de
malheurs multiples qui ont fait naitre une grande littérature au nombre d’écrivains
incalculables.
Je ne sais quoi ! Mais ce poème appris dès la tendre enfance me
fait quelque chose que je ne comprends pas à chaque fois que je le lis. Écrit
par Guy Tyrolien, poète habitant Haïti, une terre de luttes, de souffrances, de
malheurs multiples qui ont fait naitre une grande littérature au nombre d’écrivains
incalculables.
Prière d’un petit enfant nègre.
Seigneur
je suis très fatigué je suis né fatigué et j'ai beaucoup marché depuis le chant du coq et le morne est bien haut qui mène à leur école Seigneur je ne veux plus aller à leur école , faites je vous en prie que je n'y aille plus Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois où glissent les esprits que l'aube vient chasser Je veux aller pieds nus par les sentiers brûlés qui longent vers midi les mares assoiffées je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers je veux me réveiller lorsque là bas mugit la sirène des blancs et que l'usine ancrée sur l'océan des cannes vomit dans la campagne son équipage nègre Seigneur je ne veux plus aller à leur école faites je vous en prie que je n'y aille plus Ils racontent qu 'il faut qu'un petit nègre y aille pour qu'il devienne pareil aux messieurs de la ville aux messieurs comme il faut; Mais moi je ne veux pas devenir comme ils disent un monsieur de la ville un monsieur comme il faut Je préfère flâner le long des sucreries où sont les sacs repus que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune Je préfère vers l'heure où la lune amoureuse parle bas à l'oreille des cocotiers penchés écouter ce que dit dans la nuit la voix cassée d'un vieux qui raconte en fumant les histoires de Zamba et de compère Lapin et bien d'autres choses encore qui ne sont pas dans leur livre . Les nègres vous le savez n'ont que trop travaillé pourquoi faut il de plus apprendre dans des livres qui nous parlent de choses qui ne sont point d'ici . Et puis elle est vraiment trop triste leur école triste comme ces messieurs de la ville ces messieurs comme il faut qui ne savent plus danser le soir au clair de lune qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds qui ne savent plus conter de contes aux veillées Seigneur je ne veux plus aller à leur école. |
Guy
Tyrolien, Balles d’Or, Présence Africaine en 1961.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire