« La
guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens »
Claus Von Clausewitz
Il ya
vingt deux ans, six années après la chute historique du mur de Berlin apparaissait un texte prémonitoire, un livre inspiré qui n’a rien à voir
avec l’audace ou la provocation : « Le bel avenir de la guerre»
de Philippe Delmas comme un tonnerre dans le ciel optimiste de l’après chute du
communisme est l’une des prophéties intellectuelles les plus justes de la fin
du XXème siècle. Il disait une chose simple et fort juste tellement évidente qu’on
ne la voyait pas : La guerre n’est pas finie. La fin de la menace
communiste ne signifie pas qu’il n’y aura plus d’affrontement armé de grande
ampleur.
Depuis lors, les différents mondes ne cessèrent de s’affronter
sans pour autant aboutir à une conflagration généralisée comme les deux grandes
guerres. Quelques années auparavant entre 1990- 1991 c’était « la première
guerre » du golfe menée par George Bush père et le général Norman
Schwartzkopf. Ce fut la première grande guerre après la paix et l’espoir
infini en la fin d’une époque. On a eu
droit aussi la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988 qui a fait 500 000
mille morts et 1 200 000 blessés. Tout le monde croyait à la
résolution définitive de l’impasse nucléaire. La guerre nucléaire n’a pas eu
lieu pensait-on. Malgré la crise des fusées à Cuba entre les USA et l’URSS qui
a frôlé la catastrophe atomique, les stratèges ont continué à parler de
l’Utopie nucléaire dont la signification affère à l’impossibilité pour le
principe de la peur à garantir la paix. L’arme atomique était si terrifiante et
la peur panique d’une catastrophe
généralisée entrainant la disparition de l’espèce humaine était d’une évidence
telle que la perspective de l’utiliser était peu envisageable dans une guerre
mondiale. C’est alors que le monde entra dans une rhétorique du désarmement
censée respecter et perpétuer les
doctrines du pacifisme héritées de la Société des nations et puis ensuite
l’organisation des Nations unies. Il n’ya pas plus complexe que les relations
internationales, la diplomatie et la gestion de la paix.
Cependant, « la communauté
internationale » a tort aujourd’hui de négliger l’escalade
verbale et militaire entre les États-Unis et la Corée du nord ;
ce laxisme s’explique par la culture de la paix née de la guerre froide qui
était fondée sur l’utopie nucléaire. La guerre froide est une exceptionnelle
période de paix dans l’histoire européenne selon Philippe Delmas. Tout le monde
se dit qu’il n’y aura pas d’affrontement nucléaire. C’est impossible !
Mais on oublie que ce fut le même discours et le même optimisme accompagnés par
les chansonnettes, les fleurs et les embrassades énamourées qui ont accompagné
les jeunes soldats qui se rendaient au front en 1945. « C’est
impossible ! Il ya eu trop de morts en 14-18 où le gaz a été utilisé, les
hommes ne sont pas assez fous pour déclencher une deuxième guerre mondiale avec
autant de machines à tuer » se disait-on. Aujourd’hui on observe des fous qui
jouent à se faire peur avec des joujoux des plus mortels. Si les coréens
pensent que les « yankees » tiennent trop à la vie et que toutes les
manœuvres militaires dans la péninsule coréenne ne sont que pur manœuvre ils se
trompent. La puissante Chine est là et elle peut exercer un étranglement
financier contre les USA, rien n’est sur ;
le pays de Deng Xiaoping peut appliquer le principe du découplage
stratégique qui permettait aux américains lors de la guerre froide, d’envisager un
faible engagement militaire et même une neutralité en cas de guerre
conventionnelle menée par l’Urss contre l’Europe Occidentale. Le découplage est
un principe de dissociation fondé sur l’idée que le jeu n’en vaut pas la
chandelle en cas d’affrontement résiduel et circonscrit. L’attitude de la
Chine, un pays qui a des intérêts financiers à défendre et qui ne veut pas « bazarder » sa conquête
mondiale d’autres espaces vitaux comme l’Afrique, va certainement dans le sens
de la préservation des intérêts financiers. N’oublions pas que la Chine est un
pays politiquement « communiste » et économiquement capitaliste.
C’est le premier créancier des Usa comme elle dépend aussi du pays de l’Oncle
Sam selon le principe évident de la Co-dépendance. On aurait pu s’attendre à une vigoureuse
réaction de la Chine contre l’administration Trump histoire de protéger la
Corée du Nord mais rien n’y fit. On a eu
droit qu’à des gesticulations dignes des
formules les plus raffinées de la diplomatie française. Toutes ces puissances
sont prédatrices, elles ont ceci de commun d’être animées par une bête féroce
dans la préservation des intérêts économiques. Ils sont même capables de tempérer l’orgueil national pour des raisons
économiques et financières. Il ya quelques années la flotte américaine a coulé
et détruit un sous marinier nucléaire, la fine fleur de la marine Russe
transportant la torpille la plus aboutie en matière de balistique. Il n’ya eu aucune
suite…militaire à cette affaire qui n’a pu être réglée qu’ailleurs sur un autre
terrain. C’est cela la REALPOLITIK à la Bismarck.
Le déclenchement des hostilités ne dépend
toujours pas de la stratégie militaire, des manœuvres tactiques ou de la
doctrine, c’est une mécanique dont l’engrenage est complexe et
incompréhensible. Personne ne peut savoir les causes véritables d’une guerre. Il
a fallu deux mille pages pour un génie comme Léon Tolstoï pour venir à bout
d’une telle problématique. Lorsque les japonais ont anéanti la base américaine
de Pearl Harbour, face aux exultations après l’opération le chef militaire
japonais plein de sagesse a prononcé ces mots prémonitoires : «
Je crains d’avoir réveillé un géant qui dormait ». Il ne faut pas que le
mythe du peuple guerrier, du militarisme ancestral nous fasse croire qu’il
existe des « ethnies », des
cultures plus aptes naturellement à la défense militaire que d’autre. Un peuple
peut être plus aguerri qu’un autre, mais
face à la menace de mort toutes les cultures sont capables de férocité.
« Il n'est nullement démontré que les buts vers lesquels
tend l'humanité soient la liberté, l'égalité, l'évolution ou la civilisation. » a écrit le grand Léon Tolstoï dans Guerre et paix. L’homme cet être complexe venu d’ailleurs, ce voyageur intemporel,
oublieux du pacte originel a toujours guerroyé à travers les siècles. Que de larmes ont coulé, que de
sang versé sur l’autel fondamental, cette terre souillée par la haine, la
jalousie et la colère. Mais l’une des causes évidentes de la guerre est
l’envie, le vouloir et l’ambition, ce sentiment contraire au bonheur. On ne la
voit jamais venir la guerre, cette monstrueuse activité « contraire à la
raison et la nature humaine » comme cette première guerre mondiale
africaine dont on ne parle jamais.
Sur les vertes rives du Limpopo, non loin
des terres couvertes de laves volcaniques du Nyiragongo, à travers les milles
collines d’une contrée forestière un million de fois violée par le génocide, les
grands lacs aux eaux rougis par le sang des innocents, des criminels et des
prédateurs féroces, il s’est déroulé tant d’exactions, de viols, de meurtres,
d’assassinats, de massacres et de rapines
que les bantous ont plongé dans la première guerre mondiale africaine. Certes une
guerre mondiale par l’ampleur et la densité du nombre de victimes en proportion
aux territoires occupés mais aussi le nombre important des pays impliqués. « Nous sommes tous africains » dirai-je devant
devant une telle tragédie, un malheur aussi grand, une épreuve si âpre. Il s’agit de la guerre du Congo.
La première guerre mondiale africaine parce
qu’elle oppose pour la première fois sur le continent noir les armées de six
pays africains : Le Congo, le Rwanda, l’Ouganda, l’Angola, le Burundi et
le Zimbabwe. Une guerre qui n’intéresse que les chercheurs, une guerre pourtant
documentée. Selon Collette Braeckman, auteure de plusieurs livres sur
l’Afrique, tout a commencé avec le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 qui
a fait au moins 800 mille morts en moins d’un an. La tragédie Rwandaise est
toujours là enfouie sous nos crânes de rescapés honteux d’une guerre programmée
qui a suscité les thèses les plus farfelus, les informations les plus erronées
mais une littérature abondante. A
l’ombre d’Imana, des fantômes bouffis de colère viennent réclamer justice aux bourreaux
qui ont organisé cette folie collective : “Plus personne ne veut
porter cette mémoire trop lourde […] Les survivants gênent, les prisonniers
gênent. On veut figer les souvenirs par des monuments de pierre”. C’est le sommet de la tragédie, Pandémonium
la capitale de l’enfer où des prêtres ont tué, fait assassiner et dénoncer
leurs ouailles. Non loin de là au « petit pays » de Gaël Faye, le
Burundi, éclate une guerre civile inattendue
le 21 octobre 1993 à la suite d'un coup d'État contre Melchior Ndadaye . Que de morts entre Tutsis et Hutus, autant de déplacés et
de réfugiés jusqu’en 2005. C’est à croire qu’Imana(le dieu unique des Rwandais
et des Burundais) est en colère dans cette région des mille collines et des
grands lacs, là où coule le plus grand, le lac Victoria ou lac Ukéréoué la
source du plus long affluent du Nil, le Nil Blanc. Ce fleuve plein de légendes
de mythes et de fantasmes parfois meurtriers. Amin Maalouf a vu juste, les
identités sont parfois meurtrières.
Mais cette guerre mondiale africaine n’est plus identitaire,
c’est une guerre lâche, une sale guerre
une guerre des ressources minières et de l’occupation des espaces
vacants, une guerre de la surpopulation. C’est la plus terrible des guerres
parce qu’elle est la résultante du vol, le terrain de déploiement le plus
fertile à l’instinct de prédation. Le Coltan ce minerai qui n’a rien de maudit
si ce n’est le mal des hommes, des acheteurs, des exploitants des accros au téléphone portable est
aujourd’hui la cause l’une des organisations de rapine les plus honteuses de
l’histoire africaine.
Ce métal
stratégique est utilisé dans la fabrication de condensateurs pour les équipements électroniques, il entre également
dans la composition d'alliages de cobalt et de Nickel dans
l’aéronautique. Il est alors aisé de comprendre l’implication des puissances
prédatrices dans cette guerre sans nom. Il provoque aujourd’hui la mort
de milliers de personnes parce qu’il est férocement convoité par les rapaces
les plus insatiables. La région du Kivu en détient 80% des réserves
mondiales. La guerre a un bel avenir dans cette région plus même qu’en Syrie
une autre guerre mondiale qui ne dit pas son nom.
Alep le terre de Salah
Eddine Ayyoubi, Saladin le preux, le vertueux, le Tikrīti de Damas, le pays de Bilal le célèbre compagnon qui repose au cimetière historique
de Bab al-Saghir dans le quartier sud de la vieille ville de Damas et le dernier martyr Saïd Ramadan Bouti
assassiné dans sa mosquée. Pourquoi Damas a-t-il attiré tant de grands hommes
qui ont fini par y élire domicile ? Un embouteillage de prophètes, de
saints et de démiurges dont les réverbérations trop intenses dépassent les
vulgaires visions géostratégiques et provoquent immanquablement des incidents
de criticité lorsque les hommes, insouciants qu’ils sont, pensent que l’on peut
renverser un système sans la volonté du ciel. Le programme secret du monde se
déroule tranquillement sans aucune influence externe. La Syrie un pays pas
comme les autres, un pays-frontière entre deux religions qui en réalité ne font
qu’un. L’Iran avec tout ce qu’il représente ne laissera pas faire. La Syrie, terre mystérieuse où se déroule une guerre
mondiale au sens propre du mot. Un pays ruiné jusqu’au beau, d’une beauté
dantesque, une terre gouvernée par la
terreur depuis le père Hafez. Un pays aussi dévasté que l’Europe après la
guerre. Alors les hommes seront fatigués,
ils déposeront les armes, le pays va se relever en attendant une autre guerre.
La guerre mondiale aura toujours lieu.
Khalifa
Touré