C’était il ya sept ans nous
écrivions ceci : « Quant au
tonitruant Idrissa
Seck, cet homme attire par son extrême
éloquence qui ne dénote pas forcément une grande culture littéraire. Il a
certainement lu par ci et par là. Mais il suffit de l’entendre dire devant le
journaliste Abdou Latif Coulibaly
« Périclès a dit » pour savoir
qu’il n’est pas un grand lecteur. Il devrait dire « le Périclès de Thucydide a dit » par exemple. Par ailleurs
lorsqu’il a cité Hamlet dans l’une de ses nombreuses sorties
médiatiques, des jeunes étudiants se sont empressés d’aller chercher un écrivain qui s’appelle
Hamlet. Ils ne savaient pas (les pauvres !) que Hamlet est un personnage
de Shakespeare. Pour soldes de tout compte Idrissa Seck a une réputation
surfaite mais « culturellement » il vaut mieux que bien des
politiciens, même si l’on sait que se mesurer à la médiocrité n’est pas une
ambition.
Des
auditeurs avertis parmi nos amis ont affirmé d’ailleurs, qu’il n’a pas lu Hamlet de Shakespeare sinon il ne l’aurait
pas cité dans un tel contexte. Hamlet qui ne maitrise pas
son destin et qui croule sous le poids des forces qui l’accablent ne
saurait être une référence en politique. Depuis Nicholas Machiavel on sait que la politique est l’art de
contraindre la Fortune par la Vertu. La citation de Hamlet est peut-être
« lapsus linguae » qui révèle une forte imprécision entre la fortune
et la vertu chez l’homme. Idrissa Seck est-il un homme qui croit à la vertu de
la nature ou à la fortune des événements ? La lecture dans Plutarque des vies de Nicias qui se cachait derrière la fortune et Sylla qui mettait toujours la fortune en avant l’aiderait peut-être à comprendre et
à se déterminer. » Tel est le
passage que nous avions consacré à Idrissa Seck, il ya bien des années dans
notre texte intitulé « Mais
que lisent les hommes politiques ? ».
L’erreur
parmi tant d’autres aujourd’hui est de dissocier la face politicienne de
l’homme Idrissa Seck de son parcours
social, sa personne, et ses graves
dérapages sur le caractère sacré et coraniquement fondé de la Kaaba comme
direction pour l’Umma Islamique et lieu de pèlerinage. Dans nos pays
francophones la légèreté pousse traditionnellement à négliger le profil des
hommes politiques, l’idiosyncrasie des hommes publics, leurs forces, leurs
faiblesses. Qui est l’homme ? Qu’est ce qu’il a fait comme études ?
Il ne suffit pas de dire je suis sorti de Princeton en trainant une voix
nasillarde « outre- atlantiquement » empruntée, même si ces
affabulations marchent au Sénégal. Personne ne sait si Idrissa Seck est
Juriste, économiste, littéraire ou philosophe. Du moins personne ne va
vérifier, tellement il est devenu impensable que cet homme traine une
réputation surfaite. Idrissa Seck n’est pas un homme sûr et transparent. Il préfère l’intelligence au
travail, à la culture et à la lecture profonde. C’est un homme de parade et de
surface. Et c’est dommage !
Cette
terrible complaisance nous a souvent emmenés à des déceptions et surprises que l’on vient de
noter ces derniers jours. Qui n’a pas approuvé ses citations coraniques intempestives
et impertinentes, surtout parmi ceux qui lui jettent la pierre aujourd’hui ?
Les musulmans Sénégalais aiment tellement l’Islam qu’ils sont même prêts à
se laisser tromper au nom de leur
religion. Lorsque dans une querelle avec Me Ousmane Ngom il a renvoyé les gens
à un verset du coran pour insinuer que l’homme est né hors mariage, ce qui est
faux, les Ulémas Sénégalais qui seuls peuvent « décortiquer » cette
injure blasphématoire drapée de versets coraniques n’ont pas réagi. Il avait
vent en poupe. Lorsqu’il a comparé la victoire d’Abdoulaye Wade (sa victoire )
à Fath Makka le retour victorieux du prophète Mohamed(PSL) à la Mecque,
personne n’a relevé la comparaison grossière et
impolie. S’il était un homme qui écoute, il aurait su qu’à un moment donné les
Sénégalais musulmans désemparés anti-laïcité étaient prêts à lui offrir une
sorte de délégation sentimentale. Voilà
qui explique même tant de tolérance vis-à-vis de ses dérapages verbaux. Idrissa ignore notamment la hiérarchie sentimentale
des musulmans sénégalais chez qui, les
Chefs confrériques, la Kaaba, la Mecque
et la figure du Prophète (PSL) trônent au dessus de tout. Au Sénégal on ne
s’amuse pas avec ça !
Mais
Idrissa Seck vient de franchir le Rubicon au propre comme au figuré. Cette
sortie malencontreuse et gravissime du
point de vue du dogme musulman est loin d’être anecdotique. Il a touché le
dogme musulman expressément, qu’il s’attende donc à des réponses dogmatiques. Et
les analystes qui disent qu’il a marqué
des points en marketing politique en réussissant à faire parler de lui partout
dans le monde sont d’une banalité et d’une méprise incroyables. Ceux qui
avancent cette idée qui relève du truisme scolaire et banal d’apprentis
politologues ont tout faux. Ils sous-estiment la force et la capacité de réaction
du groupe musulman. Ils ne savent absolument rien de la diplomatie du monde
musulman. La plupart de ces analystes et
Idrissa Seck lui-même pensent
certainement que la Umma ne peut pas faire et défaire et qu’il vaut mieux aller
avec le groupe sioniste. Ils se fourrent le doigt dans l’œil et c’est ce que le
sieur Idrissa Seck vient de faire. Le 3 Juillet 2011 dans un texte intitulé « Idrissa Seck ou la maladresse des
habiles » nous écrivions la chose suivante : « Il est des hommes qui cherchent tellement l’habileté et la ruse qu’ils en
deviennent maladroits et presque tortueux. L’homme politique Thiessois, Idrissa
Seck, appartient peut être à cette catégorie. » Et
il vient de le démontrer à ses risques et périls en s’attaquant à la lettre du Coran que voilà :
« La première maison qui ait été
édifiée pour les gens, c’est celle de Bakka (La Mecque) bénie et une bonne
direction pour l’univers. Là se trouvent des signes évidents, parmi lesquels
l’endroit où Ibrahim s’est tenu (Maqama Ibrahim) ; et quiconque y entre
est en sécurité. Et c’est un devoir envers Allah pour les gens qui ont les moyens,
d’aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit pas… Allah se
passe largement des mondes » Sourate Ali Imran versets 96/97
Voici le verset(96) cité et tronqué par Idrissa Seck ! Tronqué
parce que le monsieur n’est pas allé au
bout de la citation en omettant volontairement(ou pas) la suite du texte dont
le contenu sémantique est un prolongement et une explication sous forme de
précision géographique et juridique du lieu nommé Bakka qui est sans aucun
doute un homonyme de Makka. Il ne suffit même pas d’être arabophone pour savoir
que les formes « B » et « M » sont interchangeables parce
qu’ils sont bilabiales. C’est comme les labiodentales « V » à la place du « F »
des lecteurs de coran mauritaniens de langue Hassanya bien connu de tous. Mais
tout cela est compliqué peut-être. Vous aurez simplement remarqué que le
passage qu’il cite lui-même le condamne sans appel : «Là se trouvent des signes évidents, parmi lesquels l’endroit où
Ibrahim s’est tenu (Maqama Ibrahim)" et plus loin (...)Et quiconque ne croit pas… Allah se passe largement des
mondes ». Il n’ya pas à chercher loin, la réplique se trouve
dans le passage qu’il cite. Apparemment
Idrissa Seck ne se contente pas de l’évidence en Religion. S’il préfère le
doute, il n’a qu’à se débarrasser de sa paresse intellectuelle et affronter
l’immense espace du doute, de la réflexion et même de la spéculation
qu'autorise l’Islam appelé Ijtihad et qui a donné en partie toutes les écoles
juridiques connues. Point d'Ijtihad en matière de dogme où la règle est la prescription et
l'autorisation textuelle alors que dans l'espace des pratiques communes c'est
le principe de la permission originelle qui fonctionne, la règle étant la
permission et l'interdiction étant l'exception. Il n’ya aucun système qu’il
soit juridique, politique, religieux où la réflexion n’obéit pas à une
tradition, des règles et des méthodes. Même en philosophie la spéculation n’est
pas vide, elle n’est pas aussi libre qu’on le dit. Elle obéit à des systèmes,
traditions et écoles philosophiques. Toutes les interprétations sont normées et
savantes. La philosophie est un métier comme la théologie. Bref, Idrissa Seck
ne sait rien de ce qu’il dit ! Comment peut-on penser que lui qui ne
connait pas la langue arabe peut contredire un Imam de la Mecque qui est un
savant diplômé des grandes universités ? Soyons sérieux ! Il existe
des milliers de mots dans sa langue maternelle, le Wolof, dont-il ignore totalement l’évolution
sémantique. Le français n’en parlons-pas ! Ce n’est pas du tout sa
spécialité. La simple modestie et la peur de la gloriole auraient pu sauver le
bonhomme. Mais à force de se gargariser de culture et de science qui n’existent
que dans les formules mielleuses on tombe très bas !
Où se trouve Maqama Ibrahim si n’est à la Mecque près de la
Kabba ? Où se trouvent les lieux
Safaa et M’arma nommément cités dans le Coran, si ce n’est dans le lieu de
pèlerinage que le sieur Idrissa Seck a remis explicitement en cause en disant
avec une désinvolture inqualifiable que Bakka signifie « pleurs » et
que le lieu indiqué par Dieu est ailleurs et qu’il va le révéler. On attend la
grande révélation d’Idrissa Seck ! Ses plates excuses qui sont feintes et
teintées d’ironie et de menaces ne suffisent pas. Lisez le verset 158 sourate
Baqara : « Asafa et Al Mawah
sont vraiment parmi les lieux sacrés d’Allah. Donc, quiconque fait le
pèlerinage à la Maison ou fait l’Umra ne commet pas de péché en faisant le
va-et-vient entre ces deux monts. Et quiconque fait de son propre gré une bonne
œuvre, alors Allah est Reconnaissant, Omniscient »
Quand il affirme que Makka n’a pas été cité par le Coran tout en
sachant qu’il l’est à la Sourate Al Fath qui vient avant la Sourate Ali Imran
dans le processus d’apprentissage du Coran, la chose est très claire. Idrissa
Seck reprend mots pour mots les thèses farfelues que personne ne prend au
sérieux de Dan Gibson qui s’est choisi pour spécialisation la discréditation de
l’Islam.
C’est alors que les sceptiques tapis dans l’ombre se sont engouffrés
insidieusement dans le débat insinuant intolérance, refus de débat ou autres
formules déblatérées par des intellectuels qui ne prennent même pas le temps de
lire le texte du Coran, ne serait-ce que pour s’informer et qui ignorent
royalement l’histoire de Idées en Islam. L’Islam, les confréries et les daaras
sont pour eux des formes éculées. J’en connais qui ont étudié jusqu’au doctorat
et qui n’ont jamais fait de Logique, de Rhétorique, de Lexicologie, de
philosophie du Droit, de Métrique et d’Astronomie enseignées dans les daaras.
Il n’ya aucun « oustaze » qualifié et digne de ce nom qui enseigne le
Fiq aujourd’hui et qui n’a pas étudié la Logique (Al Mantiq), c’est
indissociable. Alors nous autres « intellectuels » prétentieux
remballons nos grands airs et continuons à chercher, à lire sérieusement. L’Averroès
tiré de « Phares » de Jacques Attali qu’il reprend souvent sans le nommer n’est personne d’autre qu’Ibn
Rouchd l’éminent juriste
Malikite enseigné dans tous les daaras de
ce pays à travers son ouvrage « Bidayatoul Moujtahid Wa Nihayatoul Mouqtacid. Mais il est plus proche d’Attali qui est la clé
principale de « l’Affaire Idrissa Seck ».
Idrissa Seck a failli créer un clash confrérique, mais tous ceux qui ont dérapé sur ce sujet manquent de jugement et
de clairvoyance. Ils ne savent pas que c’est en ce même lieu Bakka-Makka que
Serigne Cheikh Mbacké Gaindé Fatma et El Hadji Abdou Aziz Sy Dabagh ont
effectué ensemble le pèlerinage en prenant le même bateau. C’est ici qu’El
Hadji Oumar Tall, Mame Maodo Malick Sy , Mame Abdoulaye Niasse et plus tard
Cheikh Tourad Aidara Ould Abass, Serigne Fallou Mbacké, Mame Cheikh Anta
Mbacké, El Hadji Mansour Sy Maodo ont
fait le Hadji. C’est là à Bakka-Makka que Baye Niasse a fait ses nombreux
pèlerinages. Idrissa Seck peut-il en savoir plus qu’eux ?
Indépendamment de ce sujet regrettable, ces mémorables pèlerinages
seront l’objet de la prochaine chronique. InchAllah!
Khalifa Touré