De prime abord et à l’évidence, les affaires Ndèye Gueye « Guddi
Town », Diomboss Diaw, Cheikh Yérim Seck, Tamsir Jupiter Ndiaye, Serigne
Bara Doly, les jeunes filles de Grand Yoff et aujourd’hui ces jeunes mineures prises à
flagrant délit d’attentat à la pudeur à la plage de Hann n’ont rien à voir. Mais
méfions-nous de l’évidence, elle nous cache souvent la réalité. Il existe des
vérités non-évidentes et des mensonges évidents. Ces différentes affaires à
connotation sexuelle telles qu’elles sont posées de façon désinvolte risque de
nous priver l’interrogation fondamentale sur les problèmes de socialisation de la
sexualité. Ces affaires si différentes qu’elles soient, peuvent être
« ramassées » pour en tirer non pas une vérité générale mais en
connaitre les fondements profonds et les conséquences sur notre devenir en
société. Aussi le sociologue Abdelwahab Bouhdiba eut-il raison d’écrire : « une
société équilibrée donne une sexualité équilibrée. Non l’inverse !» La
société est donc le facteur le plus explicatif qui permet de comprendre l’un
des ressorts les plus puissants de l’être humain qu’est la sexualité. La
fonction informative de la société explique provisoirement les pratiques sexuelles
de plus en plus déséquilibrées et la projection de cette fausse sexualité,
cette « sexualité mensongère » sur des supports-vidéo n’en est
pas moins déviante. Au Sénégal les conduites sexuelles liées au caractère
fuyant des sociétés modernes revêtent de plus en plus un aspect déroutant. Des
mineures toutes nues qui dansent la « Bombass » à la plage de Hann ?
C’est la meilleure ! Les expériences de la vie vont aussi vite que ce
monde moderne de la vitesse et de la compression du temps. Dans cet univers de
la téléréalité, (c.à.d la réalité à distance bref la fausse réalité ou la
réalité mensongère), la curiosité qui
est décidément un vilain défaut, pousse beaucoup de jeunes « mineures »
à s’intéresser d’abord au sexe et puis ensuite par touches successives, à
consommer des produits sexuels toxiques que j’appellerai (PST). Le sexe est à
gogo au Sénégal : Les clips érotiques non-censurés par les chaines de
Télévision, les films obscènes, les scènes de lit de plus en plus
nombreux dans les téléfilms sénégalais appelés abusivement « théâtre »,
les habits indécents, les séances de « Sabar-strip-tease », l’insouciance
des parents face à l’outil INTERNET ... Malgré toute cette production de
sexe gratuit, la misère sexuelle est présente à travers ce sentiment
d’insatisfaction permanente qui frappe une société sexuellement déséquilibrée. Savez-vous
que les troubles de l’érection sont devenus le premier motif de consultation
chez les tradipraticiens ? L’obscénité et la vulgarité tuent l’érotisme
qui est indispensable à une vie sexuelle équilibrée. La pornographie et
l’exposition vulgaire du sexe sont en train d’annuler progressivement l’immense
patrimoine érotique dont recèlent les différentes civilisations du monde
qui ont offert un trésor érotique et littéraire qui appartient au
patrimoine sexuel mondial. Prise sous cet angle, la pornographie est une
catastrophe culturelle. Il n’y a aucune honte particulière d’écrire
aujourd’hui, qu’au Sénégal depuis quelques temps s’est installé une habitude
particulière chez les « jet-setters » de filmer leurs ébats sexuels histoire
de pimenter « leurs affaires » mais surtout pour ne pas être frappé
par « le syndrome Matiou » qui, rappelons-le, a été accusé de viol
par deux jeunes mineures qui, selon Matiou, était bien consentantes. S’il avait
filmé la scène, dit-on, il aurait pu prouver son innocence. Depuis lors « les
films érotiques réalisés à la maison » pour protéger ses arrières, sont
devenus une pratique assez courante au risque qu’ils tombent entre les mains de
Madame. Ces pratiques peuvent être
assimilées à un phénomène d’involution liée à la modernité, à l’urbanité et à un
usage excessif de la liberté. Existe-t-il des libertins au Sénégal ? Oui
et non à la fois. Les libertins de notre époque sont bien loin de poursuivre un
but philosophique par la plongée vertigineuse dans les méandres de la
corporéité accompagnée par une réflexion simultanée sur le corps, le désir et
la passion. Les libertins d’aujourd’hui sont tout simplement des pervers
sexuels par accoutumance qui jouent dangereusement avec l’objet sexuel. La
société sénégalaise est très sexuée, mais cela ne veut pas dire que les
sénégalais sont protégés contre la misère sexuelle. Depuis la détérioration des
termes de l’échange, les plans de rigueurs imposés par la Banque mondiale, la
dévaluation du CFA, la transformation de nos Etats en oligarchie mafieuse et
cannibale, une misère sociale s’est progressivement installée, accentuée par un
phénomène d’individuation mal vécue surtout dans les villes. « Les
Sénégalais sont capables maintenant de tout » entend-on dire de plus en
plus. Ce qui est une remarque à sens ambivalent en ceci qu’« être
capable de tout » peut être une performance oubien une chute vertigineuse.
« Être capable de tout » est tout compte une traduction linguistique de la
misère sociale qui par endroit peut entrainer la misère sexuelle. Regardez ces
pauvres Gigolos qui se coltinent des vieilles femmes européennes ou
africaines ! La plupart d’entre eux sont d’ailleurs obligés de se soûler
la gueule pour « supporter » ces vieux corps décrépis, qui leur
procure le dégoût. Enfin, il ya lieu de dire que pour miner les fondements d’une
civilisation le sexe déséquilibré est l’arme idéale de destruction massive.
Khalifa Touré