Après un match de lutte
des jeunes filles agressées au vu et au su de tout le monde, molestées par un
groupe de jeunes garçons comme des molosses en mal d’éducation, agrippées aux
inutiles téléphones portables, cellulaires des temps modernes qui ont quand même
servi à filmer ces scènes presque cocasses pour nos regards émoussés qui ont vu
tant de choses anormales jusqu’à la banalisation. Ils sont de retour les
agresseurs.
Dans « Mort un après-midi » l’écrivain Ernest
Hemingway décrit la situation psychologique très particulière de cet homme pris
dans une situation gênante de devoir regarder un enfant traverser les rails au
moment où le train filait à vive allure. Faut-il regarder ou non ? Telle
est la question. Ce n’est pas seulement notre sens moral qui est ici convoqué
mais notre humanité c’est-à-dire nos réflexes d’adhésion ou de rejet mais
surtout notre faiblesse à laisser faire, à regarder. Il n’est pas interdit de voir,
mais à force de regarder les plus abjects des gestes délictueux vont se
transformer un jour en crime. Voilà qui est dit ! Ce n’est plus du
« Pickpocket » comme dans le film du génial Robert Bresson, mais nous
sommes presque dans le racket à la manière de ces affranchis romancés par les
films de Martin Scorsese.
Ces agressions juvéniles dans la rue sont presque un
prolongement des jeux dangereux auxquels s’adonnent les jeunes ados. Le problème
est que les enfants ne jouent plus, ils ne dansent plus, ils ne chantent plus,
c’est pathologique. Très vite ils font
comme les grandes personnes, autrement dit, ils agissent en pensant faire comme les vieilles personnes, une manière pour eux de crâner bêtement.
Les jeunes ne font qu’interpréter, et leur herméneutique morale est biaisée par
l’immaturité.
Ils font ça aux jeunes filles insouciantes de la rue, qui
restent au mauvais endroit comme ils le font avec les autres, leur mère, leur
sœur, leur copine… La ligne rouge est déjà franchie, ces agressions sont
incestueuses. La force est naturelle
mais la violence qui se transforme en voie de fait est inadmissible. Il faut
savoir se défendre dans la rue ! Voilà le mot de trop qui est lâché,
cynisme utilitaire qui assure l’équilibre de la terreur. Mais le problème est
que les agresseurs et les victimes ne sont pas de la rue, ils n’ont rien à voir
avec ces marginaux qui sont dans la rue et qui n’ont rien à voir avec les actes
crapuleux. Ces groupes de morveux qui « chipent » les affaires des
filles et s’excitent de leurs cris et piaillements aigus auraient pu faire
autre chose dans une sombre ruelle ! Il faut faire gaffe. Le crime sexuel
n’est pas loin. Il faut endiguer les vagues avant qu’il ne soit trop tard. De toutes les façons comme des villes vont disparaître
par l’érosion, des cultures, des peuples, des Etats aussi, par l’insouciance et
surtout par la corrosion morale. C’est lorsqu’il y a défaillance de vue à force
de regarder le spectacle de la vie que les pauvres gens se rendent compte du
mal. Il y a véritablement quelque chose de malsain dans cette affaire-là. Nous sommes déjà atteints
par les excès du spectacle, notre regard sera ébloui par la lumière aveuglante
de la vérité de la vie. La vie n’est pas méchante, c’est nous qui sommes
méchants à force de laisser faire.
Il faut secourir ces jeunes impolis sans éducation à qui les promoteurs
de sensations fortes peu scrupuleux offrent des plateaux d’expression de la
violence gratuite. Violence pour violence, quant aux lutteurs, ils y gagnent
quelque chose, beaucoup même et la page est tournée même pour ceux qui passent de vie à trépas,
tués par l’émotion ou la bêtise.
Il est étonnant de
constater qu’il n’existe plus de brigands mais plutôt des voyous et des bandits
et…ceux qu’ont désignent aujourd’hui comme « agresseurs » habituels
ou occasionnels. C’est normal, les brigandages, les rapines et la prédation
sont passés à la grande économie chez les brigands à col blanc qui alimentent
le « Produit Criminel Brut » selon le mot du juge Jean de Maillard. Les
brigands ne sont plus ces voleurs romancés qui sortent brusquement des grottes
et qui enrichissent la littérature classique mais ils sont devant nous et
agissent « au vu et au su de tout le monde » comme les dangereux jeunes insouciants de la société
d’en bas. Ils sont l’envers et l’endroit de la même pièce. La société humaine est
une grande famille.
Khalifa Touré