vendredi 24 août 2018

Ces saints musulmans venus d’Europe





Qui l’eût cru,  des saints musulmans grands maitres spirituels venus du froid ! Quelle offense à Dieu que de penser ainsi. Mais que faire ! Les hommes historiques sont ainsi faits, ils ne savent que ce qu’ils voient et ne croient que ce qu’ils entendent dirent depuis toujours. Le pourquoi serait même inélégant.  Dieu est partout !
Ils sont partout ces âmes fortes qui savent de science certaine ! Cachées dans ces enveloppes corporelles, ces carcasses humanoïdes qui nous cachent tant  de choses. Chaque corps cache une âme, un grand secret. Dieu sait et par sa science d’autres savent qui est qui.  Parmi eux il y a le grand René Guénon, l’un des plus grands intellectuels du XXème siècle, « figure inclassable » dit-on mais ce que l’on peut retenir de lui est ce qu’il est devenu par la suite, un grand maitre mystique  qui a fini ses jours au Caire en 1951 en prononçant « ALLAH »  la formule de la totalité, le nom aux quatre lettres de l’Etre Suprême, Lui qui Est : L’ampleur ou même l’amplitude du rayonnement guénonien peut se mesurer à la puissance des personnalités soufies et intellectuelles qu’il a influencées et qui sont en quelque sorte ses disciples, si l’on peut dire. La plupart sont de puissants intellectuels convertis à l’Islam soufi. Il s’agit de l’illustre soufi saint musulman, maitre mystique, le roumain Michel Valsan ou Mustafâ 'Abd al-Azîz le fondateur de l’école akbarienne du nom du grand maitre des maitres le cheikh Al Akbar Ibn Arabi Al Khatimi(). Michel Valsan est l’un des plus éclatants exégètes et continuateurs de Guénon. Il a repris la découverte guénonienne qui est une vérité immuable selon laquelle la doctrine traditionnelle (qui est l’origine de tout) est une « boussole infaillible », une « cuirasse impénétrable ». Tout cela justifie des les mots de Charles-André Gilis : «  L'enseignement de René Guénon est l'expression particulière, révélée à l'Occident contemporain, d'une doctrine métaphysique et initiatique qui est celle de la Vérité unique et universelle. Il est inséparable d'une fonction sacrée, d'origine supra-individuelle, que Michel Vâlsan a définie comme un « rappel suprême » des vérités détenues, de nos jours encore, par l'Orient immuable, et comme une « convocation » ultime comportant, pour le monde occidental, un avertissement et une promesse ainsi que l'annonce de son « jugement ». 
L’œuvre du grand maitre français René Guénon Alias ’Abd al-Wâhid Yahyâ est donc un rappel de nos origines traditionnelles c'est-à-dire « divines », elle est parfois présentée comme une simple critique de l’occident mais elle dépasse cette critique circonstanciée et géoculturelle. C’est un rappel pour l’humanité !  Tous ceux qui ont parcouru le chemin et franchi les différentes étapes connaissent par expérience que le grand rappel de notre vie depuis les origines s’opère dès  que l’aspirant arrive à la source principale, le Tabernacle originel. C’est pourquoi René Guénon s’évertuait à répondre aux critiques qui affirmaient qu’il n’exposait pas ses sources, qu’il n’était pas obligé de toujours donner ses sources. Comment peut on expliquer les sources les sources de la Baraka ? C’est le Sheikh Abder-Rahman Elish El-Kebir de la tarîqa shâdhilite   qui l’initia au soufi l'initia au soufisme et l’élève au grade de Mouqaddam. 
Sa définition de la tradition pour nous musulmans soufis ouest-africains est étonnante de vérité : «  ce à quoi s'applique le nom de tradition, c'est ce qui est en somme, dans son fond même, sinon forcément dans son expression extérieure, resté tel qu'il était à l'origine ; il s'agit donc bien là de quelque chose qui a été transmis, pourrait-on dire, d'un état antérieur de l'humanité à son état présent. (Aperçus sur l'initiation, p. 63). Nous savons tous ici au Mali, en Mauritanie, au Sénégal, en Gambie, en Guinée, peut-être plus qu’ailleurs que certaines choses se transmettent. Cette connaissance universelle, métaphysique est la tradition définie par Guénon et transmise par des cheikhs maitres spirituels authentiques. René Guénon a eu du mal à la faire admettre à une grande masse européenne comme nos grands « marabouts » maitres mystiques authentiques l’ont réussi. En vérité dans cet espace géographique ouest-africain il ya beaucoup d’âmes qui « savent », des initiés parfois qui s’ignorent. René Guénon s’est heurté au jugement dernier de la raison occidentale animée par des philosophes non initiés presque ignorants des états mystiques  de l’être puisqu’ils se suffisent des connaissances sclérosées  distillées dans les universités. Peut-on savoir quand on n’a pas goûté ? C’est cette connaissance gustative de tous les mystiques soufis, quelque religion qu’ils professent  qui est hors de portée de certaines approches universitaires. Mais certaines âmes ont compris, comme celle de notre maitre Michel Valsan héritier de grands pôles du Soufisme : d'Abu-l-Hassan ach-Châdhilî, d''Abdul-Qâdir al-Jilânî, d'Ibn 'Arabî, et d'Abdu-l-Wâhid Yahyâ (René Guénon), le grand Muqaddam suisse fondateur la tariqa Maryamiyyah  Frithjof Schuon Alias Isâ Nûr ad-Dîn, son disciple et ami suisse, le pérennialiste, le juif devenu soufi musulman Léo Chaya qui pris le nom S. Abdul Quddus, le belge  Charles-André Gilis ou Abd ar-Razzâq Yahyâ, l’anglais grand ammi de René Guénon et disciple de  Frithjof Schuon, Martin Lings (Abu bakr Siraj Ad-Din)… Tous ces « grands chefs religieux » comme on dit au Sénégal sont des « marabouts » européens, de grandes âmes qui devraient guider les autres. Ils sont ainsi désignés depuis « yawma alastou », le jour de la grande interrogation. Dans la suite de l’article seront exposées de façon succincte la vie et l’œuvre de ces grands « marabouts » européens qui sont tous dans le sillage de René Guénon ce grand esprit né le 15 novembre 1886 à Blois, en France, et mort le 7 janvier 1951 au Caire. Son dernier mot fuit « ALLAH !»
René Guénon auteur du fameux «  Les états multiples de l’être » est sans nul doute par sa stature, la profondeur de sa pensée, sa grande humilité, son adhésion au soufisme Shazalite, le maitre mystique le plus influent d’occident.
 Cet Occident qu’il a tout le temps mis en garde contre lui-même. René Guénon eut une influence indélébile sur Mircea Eliade, Raymond Queneau  et André Breton. Mais  ses véritables « disciples » presque tous convertis au soufisme musulman et tous initiés à la science gnostique héritée des grands maitres soufis de l’Orient , Sidi Abdoul Qadr Djeylani «  Al Ghawss Samadani » le recours ultime, le grand Qutb pôle mystique Aboul Hassan Shazaly et le maître des maitres Mohiédine Ibn Arabî Al Khatami… Ce dernier a inspiré l’école akbarienne de notre maitre l’Emir Abdel Kader d’Algérie qui a écrit « Le livre de Haltes » que tous les aspirants  devront lire, et les autres dont Moustapha Abdel Aziz Michel Valsan le roumain qui comme Abdel Kader bénéficia d’une expérience personnelle et unique de lien intérieur avec le Cheikh Al Akbar Ibn Arabî. Dans un recueil regroupant une partie de ses articles intitulé « L'Islam et la fonction de René Guénon » (Éditions de l'Œuvre, Paris, 1984) ses principales idées sont exposées.
Sur ce plan René Guénon a raison de dire que cette vérité ignorée par cet occident coupé de ses liens orientaux est transmissible,  non par les modalités connues et fabriquées par l’esprit occidental mais d’une transmission directe et interne. L’Initiation traditionnelle c’est comme remplir une bouteille vide, c’est à force d’oraisons, en venir à la charge ultime qui nous révèle à nous-mêmes et répond à la question « qui sommes nous ? »
 Victor Hugo cet initié n’a-t-il pas dit  « Je m’ignore ; je suis pour moi-même voilé, DIEU seul sait qui je suis et comment je me nomme », (Nous reviendrons sur le cas Victor Hugo). Le cheminement est une multitude de dévoilements à l’issu duquel l’aspirant connait son véritable nom, son moi mystique. La présence répétitive de l’esprit d’Abdel Qadir Djeylani au moment de la mort de Michel Valsan est une expérience miraculeuse, une forme de « théophanie incantatoire ».  Quant au maitre suisse fondateur la tariqa Maryamiyyah  Frithjof Schuon Alias Isâ Nûr ad-Dîn, ce grand Mouqaddam a grandement influencé Michel Valsan. Né le 18 juin 1907 à Bâle et mort le 5 mai 1998 à Bloomington (Indiana), Frithjof Schuon  s’est inspiré de René Guénon dans sa quête métaphysique. Dès sa prime jeunesse, ce petit génie, enfant précoce a très tôt « senti » la vocation spirituelle. L’initiation était nécessaire pour lui. Il voulut se rendre en Inde mais c’est vers l’Algérie que son âme se dirigea. Il s’initia à la Tarîqa Shazaly auprès d’Ahmed Al Alawi. Il a dès lors compris qu’il faut un maitre, mais un maitre authentique. A l’issu de sa tarbiya( « éducation de l’âme) le Cheikh Alawi lui remis la Idjaza (Certificat) en ces termes : « ... je l’ai autorisé à répandre l’exhortation islamique chez les hommes de son peuple, parmi les Européens, en transmettant la parole du tawhîd... »
Le juif devenu soufi musulman Léo Chaya  pris le nom S. Abdul Quddus. Ce grand ascète est un ami et correspondant de Frithjof Schuon. Il adhéra à la voie fondée par ce dernier. Il aborda le soufisme sous l’angle du traditionalisme. Son appartenance à l’école pérennialiste inspirée de René Guénon est connue de tous, elle est devenue même une pièce d’identité. L’âme est appelée à  l’initiation aux vérités traditionnelles et immémoriales qui ont fondé la création du monde. Ce n’est pas un vulgaire  retour aux sources mais un retour à soi, un retour à Dieu. Ce n’est pas pour rien qu’il a écrit : « La Création en Dieu : à la lumière du judai͏̈sme, du christianisme et de l'islam ». 
Enfin le grand « Marabout » anglais Martin Lings (Abu bakr Siraj Ad-Din), ce saint homme au visage rayonnant, à l’habit oriental, à la barbe fournie. Inspiré toujours par René Guénon cet éminent professeur et intellectuel anglais se rendit au Caire et se convertit à l’Islam Soufie. Sa biographie du prophète Mohamed(PSL) publiée en 1983 est une référence mondiale.  Sa thèse de doctorat sur le soufi algérien Ahmad al-Alawi est aujourd’hui intournable. Tous ces preux chevaliers venus du froid, harnachés de science gnostique sont tous des esprits supérieurs qui ont sauvé tant d’âmes. Paix et bénédiction sur eux !
Khalifa Touré


jeudi 9 août 2018

Oscars 2018, « La forme de l’eau » ou la revanche du cinéma

 
 
 
Le cinéaste mexicain Guillermo Del Toro vient de prendre sa revanche après que le festival de cannes s’est détourné de son génial « Le labyrinthe de Pan » en 2006, un autre de ses films à « créatures fantastiques".

Il faut dire que depuis bientôt deux décennies le monde du cinéma en général et les jurés en particulier ont la manie de primer davantage ce que l’on peut appeler « les films à scénario » au détriment des œuvres à forte mise en scène. Le mouvement du cinéma est oscillatoire, il tangue entre les grandes mises en scènes, les films à forte réalisation et les films idéels, les œuvres à fortes idées. On dirait que nous sommes aujourd’hui dans une période du scénario. Les grands cinéastes iraniens Jahfar Panahi et Asghar Farhadi sont de formidables cinéastes à scénario. Regardez «  Une séparation », « Le passé », « Le client ». Ken Loach le britannique a bâti sa réputation sur les remarquables films à scénario qui lui ont valu deux palmes d’or.


Quant aux oscars 2018, on peut dire que «  Three Billboards Les panneaux de la vengeance » de Martin Mc Donagh est un excellent film mais il est loin derrière le formidable « La forme de l’eau » de Guillermo Del Toro. Encore une fois l'oeuvre de Martin est un excellent film à scénario, une histoire de justice et de vengeance à l’américaine. Le portrait émouvant d’une dame de fer tenu par une effrayante Frances Mc Dormand qui lutte contre toute une ville pour que justice lui soit rendue. Sa fille a été violée et brulée vive et depuis des années l’enquête n’avance pas. Elle décide de prendre les choses en main, à sa manière. Un bon film, mais comme tous les bons films d’aujourd’hui, l’auteur ne prend aucun risque dans la mise en scène. Rien que la présence de l’acteur Sam Rockwell qui tient le rôle du flic ambigu quasi-analphabète et au fond pas mauvais, vaut le détour. Son oscar du meilleur acteur dans un second rôle est amplement mérité ainsi que celui de Frances, dans le premier rôle.
Beaucoup de films encensés et même primés ces dernières années s’éloignent nettement de la créativité « scénique ». C’est le cas de « Moonlight » qui a remporté l’oscar du meilleur film l’année dernière. Un film moyen, une œuvre passable pour un Oscar, l’un des plus mauvais depuis vingt ans. Il faut à la vérité dire que depuis « Million Dollars Baby » de Clint Eastwood 2004 aucun film oscarisé n’a pu frôler le chef-d’œuvre. Cette année 2018 c’est un cinéaste-cinéphile qui vient d’être primé, un grand connaisseur, un réalisateur qui a regardé beaucoup de films depuis les classiques. Ses commentaires sur le cinéma fantastique espagnol en particulier démontrent une grande culture cinématographique et un regard profond sur les grandes œuvres. Il faut dire qu’il ya des réalisateurs de renom qui ne sont pas cinéphiles du tout et qui ne s’en cachent pas. Nous sommes d’ailleurs dans une période de films-makers, de « faiseurs de films » qui n’ont même pas vu « Sunrise » de Murnau, pour reprendre le reproche de Claude Chabrol fait aux nombreux critiques contemporains. La nouvelle vague française et le néoréalisme italien n’en parlons pas.


Guillermo Del Toro est l’un des plus grands créateurs cinématographiques, il fait du cinéma et pas seulement des films. Ses œuvres peuvent être étudiées et commentées dans les écoles de cinéma. Depuis « l’échine du diable » un véritable chef-d’œuvre moderne qui (parait-il lui a pris treize années d’écriture, jusqu’à « La forme de l’eau » qui est le sommet aujourd’hui en pensant par « le labyrinthe de Pan » un conte fantastique à arrière-plans historiques et politiques ( la guerre d’Espagne), Guillermo Del Toro semble nous dire que le cinéma est au fond un roman fantastique . Ses œuvres sont « littéraires » si l’on peut dire, comme les classiques : La règle du jeu » de Jean Renoir, « Citizen Kane » d’Orson Welles, « l’Ordet » de Karl Dreyer, Amarcord » de Fellini, « le mépris » de Jean Luc Godard, « Van Gogh » de Maurice Pialat. Mais l’auteur y met sa fantaisie, son éclectisme, son goût du fantastique et ses références historico- sociales (la guerre froide, le racisme et l’intolérance dans « La forme de l’eau »), un nouveau conte philosophique et esthétique autour d’une romance classique, non pas de la belle qui a raison de la bête à la fin mais le sujet est magistralement inversé. Allez regarder le film ! il ya tout ce qu’un cinéphile peut aimer, jusqu’à la photographie en clair jaunie et obscure digne de Nestor Almendros, elle est tenue par Dan Laustsen, la musique est d'Alexandre Desplat(Primé), les mises en abymes et les références au grand écran surtout aux péplums et la salle obscure sont un appel à l’art cinématographique. L’eau n’a pas de forme, elle prend ici la forme de l’amour puisqu’elle est source de vie. C’est tout le sens de la chute finale du film. C’est l’eau qui donne la vie et permet la renaissance. Elise Esposito une jeune femme muette, rôle tenue par une hallucinante Sally Jenkins est la véritable héroïne de ce roman dont la voix du silence résonne dans le cœur de la créature qui est loin d’être bête. « La forme de l’eau » est un poème humaniste qui fait renaitre sans fanfaronnades le cinéma et la mise en scène avec tout ce qu’elle comporte de délices musicaux et de citations filmiques.
Khalifa Touré