jeudi 11 juillet 2019

Ecrire pour quoi, écrire pour rien, écrire tous les jours ?




A quoi bon écrire si ce n’est pour voir l’œuvre de sa vie conspuée et regardée avec une morgue hautaine par les bourgeois de troisième génération ? Ils vous achètent quelques bouquins pour se faire bonne conscience et décorer leur palais construit avec l’argent faisandé du commerce de l’Afrique.

« L’Etat honteux » comme disait le fou furieux poète congolais ! La Société sans vergogne, l’Elite déconfite. Faites gaffe ! Méfiez-vous des anciens pauvres qui ne seront jamais vraiment riches, c’est-à-dire  riches de la lassitude d’être riche, riches du bonheur d’être riche au-delà de l’argent. C’est à croire que l’argent est sale. Mais que non ! Les alchimistes, les vrais détenteurs du pouvoir de transformation l’ont compris au-delà de tout fantasme autour de la pierre philosophale. Toute transformation surtout celle du nom de Dieu est alchimique. Il faudra un jour  écrire au-delà de tout loin des miasmes sordides du pétrole brut.

Les scribes se contentent des miettes que leur jettent ceux qui sont haut perchés et attendent de dégringoler dans un bruit à vous crever le tympan. Nous sommes bien loin de l’Egypte antique qui ne cesse de nous parler à travers parchemins et Papyrus décryptés jusqu’au palimpseste. Il y a tellement de scribes en ce pays, ouvriers de l’écriture arabesque qui transcrivent à longueur d’années toutes les formules chimiques du bonheur, des versets coraniques opérationnels, loin des préoccupations pseudo-esthétiques des apprentis écrivains. Il y a en ce pays des scribes professionnels qui répètent sur papier blanc avec encre noire, des millions de caractères mystiques pour gagner quelques milliers de francs, d’autres quelques millions, eh oui, ils sont rares. Le produit de leurs œuvres d’écriture mystique est ingurgité par ceux-là même qui s’empresse de les traiter de charlatan en public mais qui nuitamment vont solliciter leurs services. L’écriture est partout !

Attention fuyez ! Ils vont tuer, massacrer, génocider dans leur grande chute mortelle, ces pouffiasses.  Ah ! que ça fait du bien lorsqu’un criminel choit. Un peu de cynisme ça ne fait pas trop mal tout de même.  Ce doit quand même faire drôlement mal la chute éléphantesque de ces animaux sauvages qui dirigent le monde. Il n’ya guère, leurs rires narquois et leurs œillades sataniques se  gavaient de la misère noire de l’écrivain, noire comme le pain noir de la sombre misère. « Du pain, du pain, du pain » est le cri sourd et pudique des misérables dans leur évolution germinale. Ah la classe moyenne supérieure, quand tu nous tiens ! Les anciens  pauvres empêchent la révolution. La classe moyenne supérieure est la muraille de Chine, pardon (sacrilège!),  la muraille de la honte qui a oublié les mâcons du cœur. Une position de classe précaire, sans conscience politique de classe. Pour elle, l’essentiel est d’être là-dedans. Regardez-les jubiler, se pourlécher les babines en un geste lubrique ! Ils ne savent pas que le mirliton chante mieux que le bâton de Maréchal. D’ailleurs le bâton ne chante pas. Sinon il chante faux. Le chant rocailleux, caverneux, effrayant et braillard des intellectuels qui n’ont même pas l’excuse d’être organique. Les invertébrés ont quand même un organe. Ils sont au-dessus de la terre. Ils rampent au moins vers quelque chose. 

 Les intellectuels c’est comme les femmes, ils sont fascinés par le pouvoir. Trop fascinés, presque tétanisés parce que  regardant fixement et pendant des siècles le pouvoir politique aux mains de psychopathes en costard. Les politiciens leur en ont fait baver.  Mais je préfère les femmes, elles valent mieux que les intellectuels. Elles sont belles, mais pas toujours. Elles sont la sève nourricière. Permettez cette psychanalyse de cuisine. Elle vaut ce qu’elle vaut puisque nos mères, nos épouses ne cessent de cuisiner pour nous. La cuisine,  le laboratoire le plus intelligent.
Il n’y a pas plus moche qu’un intellectuel dans la cour du roi. Sur cette terre foulée et pourrie par des millions de pieds assassins, il n’ya que la beauté qui compte.

Va-t-en ! naguère grand prix du chef de l’Etat pour des lettres illisibles jusques aux palimpsestes. Reste dans ton Nord de misère hautaine jadis Saint-Louis du Sénégal. Les pauvres ! Ils ne savent pas que le Nord, comme l’Orient musulman, est la boussole. A quoi sert de savoir où se trouve le Nord  si les entrepreneurs politiques ont périclité ? Mon cher conteur-Ifé, tu vas dormir dans la rue. Ça leur est égal ! Parmi tes semblables, diront-ils. La rue n’est elle pas le gîte naturel du poète ? Commentent les experts en histoire littéraire préfabriquée. Ils vous réciteront des « Charles Baudelaire était pauvre comme Job. Il allait chercher des catins jusqu’en Europe du Nord. George Orwell, le dernier prophète de la littérature, est mort clochard. Céline le gueux, l’un des deux seuls maîtres de la parole française (avec Aimé Césaire) a quand même terminé un bouquin quelques heures avant la mort !»… Et patati et patata ! Tous victimes de la division internationale du travail, ces forgerons de l’imaginaire. Le chien aboie la caravane s’arrête  au dessus des dunes. Chien philosophe parle-nous ! Au secours le règne animal veille sur nos consciences corrompues par l’argent blanc mal blanchi. Le chien de l’écrivain est tendu de façon priapique comme le chien du fusil. Bang ! Coup de feu, coup de sang dans les veines révolutionnaires du poète national Ibrahima Sall. Alors la race des profiteurs aux abois tombe et se remet debout. 

Les voleurs ont la peau dure. Livrons-les tous  au guérillero de la banlieue ! Il va tous les passer à la Kalachnikov des langues africaines, avant que la société indiscrète des écrivains francophiles le mette au ban. Mais l’ombre  du pharaon Anta Diop lui viendra au secours. La doublure mystique de Bandiagara viendra guider la fabrication du Grand Livre, le livre ultime que l’argent ne pourra acheter. Il sera idéalement exposé, Le Livre, et le peuple viendra s’agenouiller, se recueillir en une prière salvatrice devant les mots balsamiques du poète de la Nation qui nous viendra des limbes de la vérité. A quoi bon écrire ?     
Khalifa Touré