lundi 28 août 2017

Ces grands écrivains qui ont connu la folie !




« Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n’être pas fou » Blaise Pascal 


Contrairement à l’idée commune et partout répandue, ils ne sont pas nombreux ces grands esprits qui sont allés au-delà de la raison. Ils ont tous arpenté le « Jardin aux sentiers qui bifurquent », non pas à l’aveuglette comme le très lucide Jorge Luis Borges, mais par des chemins différents, les uns  par la corruption du corps physique la syphillis montant à la tête, les autres par la fêlure devenue une grande faille à l’âme , cette maladie des grands anxieux parmi les grands hommes. « Moi mon âme est fêlée » disait Charles Baudelaire,  un autre « fou » par une autre tour de folie.  Un mystère que la folie, comme la mort, deux états de  transformation liés par l’inanité de l’homme que Frederich Nietzshe a « combattu » par un nihilisme actif aujourd’hui dévoyé. Fort comme la folie devrait-on dire comme l’affirmait un autre autre « fou », Maupassant parmi les grands écrivains: « Fort comme la mort » un livre à lire absolument ! Il est clair que la folie tient de la mort.

La folie nietzschéenne est l’une des plus mystérieuses parce qu’elle est à la fois circonstancielle, livresque et mystique . Que de mots , de gloses et de controverses sur la décomposition mentale du poète le plus dyonisiaque jamais créé.  « Le 3 janvier 1889, alors qu’il erre dans les rues de Turin, Nietzsche se précipite sur un cheval sévèrement battu par son cocher et l’embrasse. Le philosophe utilise son corps comme un bouclier face au fouet du bourreau. Il enlace le museau de la bête, sent le souffle haletant sur son visage et s’effondre en larmes. C’est le dernier sursaut nietzschéen avant le crépuscule » a écrit Mathieu Giroux. Tous ceux qui ont lu Dostoievski auront rapidement fait le lien. J’aurai parié que le philosophe russe aurait pu avoir  raison d’un esprit aussi rugueux et impénétrable que celui de Frederich Nietzche. Tous ceux qui ont lu le grand « romancier » russe feront le lien avec cette fameuse scène onirique, ce rêve de Raskolnikov dans « Crime et Chatiment ». Frederich Nietzsch a dit sans ambages «  Dostoieveski est le seul qui m’ait appris quelque chose en psychologie ». Ces différentes scènes ont définivement installé Dostoiveski comme le plus grand « philosophe » russe et le maître de la dramaturgie onirique. Quelles scènes, quelles pages ! Qui eût cru que le rêve de Raskolnikov ressemblerait à s’y méprendre à la « fin tragique » du lecteur le plus illustre ? Le philosophe Prussien a lu ce rêve maudit de Raskolnikov, le cheval, cette malheureuse haridelle éflanquée à l’impossible, horriblement torturée, battue par toute une foule en furie et en état d’ébriété.

  Est-ce l’enfant-Nietzsche qui s’est jetté au cou du cheval  cette après-midi de Turin ? Que se sont-ils dit  dans cette étreinte, cette triste ambrassade qui renvoie aux origines communes ? Qu’a dit le cheval pour rendre fou le « surhomme » de ce siècle finissant ? Que savons nous des bêtes ? Autant de questions dont les réponses sont à chercher dans les métaphysiques anciennes, ces croyances ignorées et chahutées. Dans le rêve Dosteievskien il est clair que cette jument n’est pas un cheval, c’est un symbole qui se situe au dela de la métaphore , c’est la figure tropologique qui représente une entité  méconnue, indiscible parce que c’est un jeune enfant qui tente de sauver l’animal . Cette après-midi le philosophe de l’éternel retour a cessé de douter, il a eu une révélation par la « voix » de ce chaval torturé qui le fait bondir et pleurer avant de se transformer dans « la folie ». Lui est apparue une certitude qui rend fou .  Auparavant à l’automne 1888 il a écrit dans Ecce Homo, un livre autobiographique, poétique et  chaotique : « Ce n’est pas le doute qui rend fou, c’est la certitude »

  Non loin en France ce fut le cas de Guy de Maupassant, le plus grand écrivain-nouvelliste-conteur francais, le génie du fantastique à la forme pelliculaire, le chroniqueur torrentiel, l’homme aux six grands romans et aux centaines de nouvelles, le maître de l’écriture, obsédé par la mauvais temps, la paternité incertaine et le féminin… L’homme qui s’est jetté à raison perdue dans la littérature et dans les femmes : « J'ai la vérole ! enfin la vraie, pas la misérable chaude-pisse, pas l'ecclésiastique christalline, pas les bourgeoises crêtes de coq, les légumineux choux-fleurs, non, non, la grande vérole, celle dont est mort François Ier. Et j'en suis fier, malheur, et je méprise par-dessus tout les bourgeois. Alléluia, j'ai la vérole, par conséquent, je n'ai plus peur de l'attraper ! ... » écrit-il dans un style pamphlétaire et auto-suicidaire. L’auto-dérision et la démence ont tué Maupassant. Le pessimisme maupassantien transparait dans son désespoir et sa haine de l’hypocrisie et la cruauté des hommes surtout dans « Boule de Suif » et « Une vie ». Mais c’est dans « Le Horla » que la folie des hommes et la déraison de l’écrivain apparait. il meurt en 1893 peu avant ses quarante-trois ans. (A suivre)

Khalifa Touré


jeudi 10 août 2017

Fuites au Bac, désertion nationale et mutations scolaires




Mais qui a fait fuir le Baccalauréat sénégalais 2017 , ce bac qui fuit de partout, cette pirogue-Sénégal trouée de part en part,  de la main de ses propres enfants ?

Aujourd’hui c’est la tricherie généralisée à l’école qui fait tant jager autour de ce baccalauréat de la honte. Que celui qui n’a jamais triché jette la pierre ! Ceux qui font « fuir » ces épreuves du Bac sont capables de faire fuir quelque chose de plus essentielle encore, de plus vitale pour le pays. Ils ont déjà fuit devant leurs responsabilités depuis belle lurette.

Ils préfèrent le succès à leur mère. A qui ferait-on croire que toutes ces indignations sont unanimes. Le sujet est déjà aux oubliettes ! Il ya des indignations tellement collectives, automatiques, zélées, millimétrées et tellement « justes » qu’elles cachent la vérité des choses. Parmi les indignés il ya ceux qui ont triché toute leur vie, des criminels qui reviennent machinalement sur les lieux du crime après avoir participé à la « fuite » honteuse du bac 2017 au Sénégal. Au Sénégal depuis longtemps le rubicond de la permissivité a été franchi, il est permis depuis fort longtemps de faire certaines choses. « Ils l’ont fait ! » devrait-on s’écrier devant les culottes qui tombent. Ceux qui s’amusent avec l’éducation de nos enfants ne sont pas seulement corrompus, ce sont des malfaiteurs. Cette histoire relève en partie de la sûreté nationale. Pour des billets de banque qui sentent mauvais, ils sont prêts à baisser tout ce qu’un homme digne ne doit pas baisser.

Un jour l’Education nationale baissera pavillon à moins que « l’Université des mutants » vienne secourir ces pauvres enfants qui savent toujours ce qu’ils font !  Qui a dit que l’argent n’a pas d’odeur ? Sali par les saletés suintantes de nos mains sales plongées à plusieurs reprises dans le cambouis du péché de la gourmandise et de l’envie, son odeur ferait fuir le plus sale des boucs. Tout cela donne envie d’écraser un hérisson pour ne pas tuer...tuer le mauvais gars… ce masculin oublié de la garce. Les mauvais gars à la tête chenue, anciens mauvais garçons. Ils sont partout incrustés ! Les langues sont plus éloquentes que l’on croit. Ceux qui sont impliqués dans ces « fuites » seront des fuyards, ils vont fuir le jour du combat, l’un des sept péchés capitaux chez les musulmans, des déserteurs dont le sort est partout le même. La seule désertion qui vaille est celle de Boris Vian « LE DESERTEUR ». Mais ce mutant qui à travers « l’écume des jours » disait qu’il n’atteindra pas quarante ans et mort justement à Trente neuf, n’est plus donné en exemple aux potaches et carabins d’aujourd’hui qui pataugent dans la boue des contre-modèles face à un avenir vraiment certain, à moins que l’on soit dans le déni. Il aurait mieux valu lire « L’HERBE ROUGE » où le savant Wolf inventa une machine lui pouvant faire revivre son passé et ses angoisses.

Quant à nous, nos angoisses d’aujourd’hui ne sont pas moins réelles que les « fictions » de Boris Vian qui sont entièrement vraies puisqu’il les a entièrement imaginées de bout en bout. En l’absence de  l’école, l’université et l’atelier des mutants d’où peut sortir un ingénieur, écrivain, acteur, chanteur musicien, compositeur, trompettiste, critique de Jazz et  inventeur, plusieurs vies en une seule comme Boris Vian,  nos cœurs sont d’autant plus serrés qu’il n’ya presque plus de Souleymane Bachir Diagne, Rose Dieng ou Barthélémy  Faye élèves surdoués des ans passés dont les « héritiers » d’aujourd’hui sont enfouis sous le couvert de l’anonymat parfois loin de ce système scolaire qui les abrutissent. Ils sont toujours là mais pas forcément à l’école. Il ya des mémoires prodigieuses dans quelques écoles coraniques loin des concours internationaux, des surdoués autodidactes de la mécanique capables des manutentions les plus périlleuses comme notre père Ada Gueye dont les exploits sont racontés dans le strict anonymat. Le cheikh Hassan Dedew  de la Mauritanie possède une mémoire textuelle digne des légendes anciennes. Il connait par cœur de  nombreux livres comme les 1000 vers de Souyouti, le dictionnaire El Mouhit en entier, les 1000 vers de Ibn Malik, les 1000 vers d‘Iraqi etc. il connait la chaine de transmission de tous les hadiths qu'il apprend. Il a mémorisé les Sahih de Boukhari et Mouslim, les Sunan de ibn Majah, Abou Dawoud, Tirmidhi,  Enasa’i, El  Bayhaqi, le Mouwwata de l’Imam Malik, le Moustadrak de l'imam Ahmed, le Mousnad de l'Imam Ahmed. 
 
A Saint-Louis du Sénégal un enfant-mutant venu de la lointaine région de Thiès devançait ses propres maitres préposés à l’écriture  prochaine des versets coraniques. Ce météore finira par se jeter accidentellement dans le fleuve. Il n’ya pas longtemps Mame Anta Sidibé, un phénomène du calcul mathématique finira dans la déraison et la mort.  Al Maktoum frisait le génie selon le président Mamadou Dia.
Ils ne sont pas forcément mutants ou génie ces majors de promotion et élèves doués. Ils ne servent pas à développer quoi que ce soit, mais parmi eux se trouvent cachés de grands esprits dont le destin échappe aux étoiles. Ils sont les témoins vivants de quelque chose de plus grand et qui nous interpelle : L’évolution et la transformation de l’Esprit qui est  en nous !  

Khalifa Touré



lundi 7 août 2017

MASLAA, MASLAKHA ET CHAOS SOCIAL AU SENEGAL ( SUITE ET FIN?)






Cette politique là, comme cette société-là est une vaste « Maslaa », une écœurante contre-vérité, une « vomissante » manière de passer à coté de son ombre. Celle-là qui nous suit partout, notre double non imaginaire, loin d’être un reflet, sera le chemin diurne où passeront toutes ces choses qui  nous tuerons un jour.

La politique n’a jamais été un jeu, si ce n’est une litote pour les grandes âmes qui sont montées sur scène jouer du grand Berthold Brecht. Le seul programme qui vaille aujourd’hui c’est de dissoudre le peuple. Allez savoir ce que cela veut dire ! Le peuple est le grand prétexte, il va falloir donc le supprimer, si l’on en croit le célèbre dramaturge allemand. Il n’a jamais été retrouvé le peuple. Faut-il que tout le monde entre en politique pour que le peuple soit retrouvé ? Cette idée est une effroyable supercherie, une formidable  désertion des autres lieux de vie. Cette entreprise n’est même pas comparable au « Temps retrouvé » du grand Marcel Proust. La surpolitisation de la société sénégalaise a tué le politique. La politique prise à la lettre a installé un chaos redoutable provoquant de fausses joutes électorales sans lendemains. Il n’ya aucune leçon à tirer si ce n’est qu’en politique seuls les appareils peuvent gagner. Il faut une contre-politique, dépolitisez-vous ! Et vous irez vers la culture, je ne parle pas de l’Art. C’est la grande culture adossée  au monde ancien, aux recettes traditionnelles qui fera un monde équilibré, un monde où le politique aura sa place.  

L’opposé de chaos c’est le cosmos (c'est-à-dire l’ordre). Ceux qui par ignorance, cupidité et mondanité tentent même par insouciance de déranger la hiérarchie cosmique par des pratiques politiques inappropriées risquent le pire. On devrait entrer en  politique comme on entre en religion. Mais aucun rituel, parce que ce monde n’est pas sérieux. Si jamais les stratèges divins descendent ils vont être lourdement sanctionnés. Leur « Karma » ne leur sera d’aucune utilité si ce n’est de coopérer à leur infliger la peine. C’est le sort de tous ces hommes et femmes dont on entend plus parler et qui ont fini grabataires.  Il ya des niveaux d’engagement qui exigent la certitude dans les choix de vie. Un mot simple, une ligne tracée, une phrase prononcée, une intention « délibérée » sans le moindre souci chez l’homme a pu faire descendre des stratèges célestes. La folie, les cris, le vouloir s’évader se sont installés dans un climat chaotique loin des regards et de la pluie hors-saison. Ce qui « tue » l’âme humaine est insidieux, il n’est même pas dans les livres sacrés, il est dans le Markhoum « le livre cacheté ».  L’enfer est une grande surprise, un précipice qui n’est pas là où on le croit.   
Les « initiés » ne font rien sans y être autorisés, sans être accompagnés. Tous les grands hommes politiques sont des « initiés » jusqu’à ce qu’aujourd’hui des hommes et de femmes affreusement ordinaires s’avisent à « faire », à  pratiquer la chose la plus dangereuse : la gestion des choses et l’orientation des hommes. 

À travers notre folie politique et sociale nous sommes en train de déranger la structure compartimentée du cosmos. Mais les gardiens des seuils, ces êtres éthérés veillent au grain. Ils sont partout debout sur les lignes de vie à ne franchir que par autorisation, décision magistrale et cœur saint plein d’amour. Il y aura beaucoup de déconvenues chez les hommes et femmes qui ont déjà signé un pacte connu ou oublié. A moins qu’ils ne fassent ce qu’ils doivent faire. Il n’est pas facile de rompre le serment.
Il est clair, pour les clairvoyants, que de l’autre coté du voile très proche de nous,  des regards mécontents nous surveillent. Ils vont contribuer à défendre l’héritage, les « 12 travaux » qu’ils ont communément exécuté à travers les âges sont en train d’être dévoyés par une communauté qui laisse les jeunes s’éloigner  et injurier les anciens. Ces culottes courtes ne savent pas que c’est la science des anciens qui gouverne le monde parce qu’elle est plus proche de la création du monde. Il ya même une science antérieure au Big-bang, à l’époque où ciel et terre ne faisaient qu’un. Les prières sont plus propices là où le ciel est plus bas. Une science qui se rit de toute démocratie, parlement, ou société ouverte. 

Une société dont la machine à fabriquer le Bien tombe en panne est une société malade. Le Bien est une question de transcendance mais aussi un problème de possibilité sociale. Pour beaucoup de citoyens les logiques de survie auxquelles ils sont confrontée depuis les années d’ajustement structurel diminuent les capacités de choix d’ordre moral et poussent à des opinions à la limite de l’honnêteté. Au Sénégal le consensus moral est connu, mais personne n’ose l’énoncer parce qu’il est honteux !

Khalifa Touré



mercredi 2 août 2017

Maslaa, Maslakha ou chaos social au Sénégal ?





« Chez moi ne subsiste plus que le rejet empirique d’une société en pleine putréfaction. Je n’aime pas l’asphyxie qui ne tue pas » Ibrahima Sall, Les routiers de chimères. 

     Il n’est pas toujours mauvais de rappeler que le mot « Maslaa » est un dérivé lointain du concept de « Maslakha » propre à la Shari’a, au droit musulman. Au-delà des cinq finalités de la Shari’a que sont la préservation de la foi, de la vie, de  la raison, des biens et de la filiation il est communément admis de façon consensuelle(Ijma) que la Maslakha est le moyen adéquat pour atteindre les objectifs de la loi  c’est à dire la recherche du bien commun, de l’intérêt général. Tout ce qui est inutile,  nocif, nuisible et n’entre pas dans l’intérêt du bien commun n’est pas maslakha, quelque soit la beauté et  la logique  de formulation de la loi. La Maslakha est tout procédé juridique qui rend possible la protection des finalités de la loi. C’est cela la définition juridique. C’est à la fois un but et un procédé. Toutes les grandes écoles juridiques, les plus connus, celles qui n’ont pas complètement disparues et même celles dont les avis juridiques survivent toujours ont admis cette conception. Elle a guidé tous les avis juridiques connus depuis les premiers, ceux des seuls huit compagnons qui étaient compétents pour légiférer, je vous renvoie aux « fondements du Hadith » de Mahmoud T’ahane. Qu’il soit d’extraction Hanafite, Awzaahite, Jaririte, Sawrite, Malikite, Laythite, Chafi’ite,  Hanbalite et Zâhirite, toutes les lois islamiques passent par la Maslakha.  Même le très littéraliste et redoutable juriste espagnol Ibn Hazm Al Andalousie a admis la pré-éminence objective de la Maslakha en droit musulman. Les grands spécialistes de USUL Al FIQ (la science des fondements et des principes du Droit) qui sont nombreux parmi les Chafi’ite comme l’incontournable Ash’atibi, et l’universel Imam Ghazali, l’Imam Harameyn Al Djouweyni  auteur du fameux « Kitab Al Waraqat » partout récité qui est l’abécédaire de ‘Ousoul dans nos pays malikites, le fameux juriste Hanbalite Abdel Qadr Djeylani qui n’est connu sous nos cieux que dans sa dimension soufie et Ibn Qudama Al Maqdissi l’ont admis. De même que les malikites espagnols Qourtoubi et Ibn Rouchd (Averroès).

Mais par quelle extraordinaire, par quelle opération, par quelle « diablerie » la notion de maslakha s’est muée en maslaa terme ouolofisé. Elle signifie aujourd’hui « une diplomatie sociale corrompue ». Au-delà de la simple évolution sémantique qui n’est pas  difficile à expliquer, le mot a été passé à la moulinette du modèle islamo-ouolof propre au Sénégalais. Elle est devenue un vocable, une « philosophie », un mode de vie, une boutade, un sujet de plaisanterie loin et encore loin du concept juridique décrit tantôt. Elle est même aujourd’hui décriée par les sénégalais eux-mêmes qui la considèrent comme une variante sociale de l’hypocrisie. La crise du modèle islamo-ouolof aidant, ce goût immodéré de la métaphore impertinente, des mots dérivés dans notre parler, cette peur de dire les choses comme elles sont, cette folie langagière qui est devenue de façon illusoire un cocon de sécurité, nous en sommes venus à nous éloigner du Bien, de la Vérité, du bien dire, du dire les choses vraiment. Et la Maslakha est devenue Maslaa au nez et à la barbe des religieux. Le Sénégal une société complexe mais insuffisamment analysée !

Seyd El Hadji Malick Sy l’un des preux réformateurs de la société sénégalaise est l’auteur d’un étrange aphorisme figuratif que son petit fils Cheikh Tidiane Sy répète en toutes circonstances : « Au Sénégal, la Sounna ne vaincra jamais les coutumes ! » Il est difficile de trouver une « formule sociologique » plus juste pour qualifier l’ambivalence dans les croyances religieuses au Sénégal. Au Sénégal, le religieux est très prégnant. Mais attention ! L’omniprésence du religieux ne signifie toujours pas que la Religion en tant que telle, joue son rôle transcendant. Malgré ce brouillamini  religieux, les Sénégalais éprouvent des difficultés à convoquer la religion dans sa dimension spirituelle et morale. Ils entretiennent un rapport étrange avec la religion, un rapport qui peut être qualifié d’attraction-répulsion. Tout ceci concourt à expliquer la propension des Sénégalais à afficher de façon ostensible leur appartenance religieuse et dans le même temps, leur amour presque « culturel »  du mondain, de la Teranga.  
    
    Mais c’est aussi et surtout la débrouillardise qui travaille au corps notre religiosité. Les sénégalais sont bricoleurs jusqu’en matière religieuse. Les confréries en souffrent beaucoup. Ils sont dans le constructivisme à l’accès, les sénégalais.  Brutalement nous nous rendons compte que  nous sénégalais sommes très complexes, sophistiqués et bariolés de couleurs multiples. Nos alliances sont multiples, nous croyons en une chose et son opposé, nous sommes ceci et cela à la fois, ces conflits de légitimé produisent le chaos social tant décrié, cette incurie, cette indiscipline et cette peur provisoire  de la mort, cette « asphyxie qui ne tue pas ». (A suivre)

Khalifa Touré