« Dis : je
cherche protection auprès du Seigneur de l’aube naissante, contre le mal des êtres
qu’il a créés, contre la mal de l’obscurité quand elle s’approfondit, contre la
mal de celles qui soufflent sur les
nœuds et contre le mal de l’envieux quand il envie » Le Coran
C’est moins la jalousie, sentiment galvaudé, que l’envie qui
pose problème. C’est dans l’envie que git la bête immonde, la crapule dégueulasse
qui pue de la plus nauséeuse des puanteurs. Ce n’est pas de la jalousie comme
celle de Dimitri dans les Freres Karamazov de Dostoïevski, cette jalousie fiévreuse,
ridicule et même risible qui se nourrit d’elle-même, qui s’invente pour exister,
cette jalousie pathologique qui ne fait pas grand mal puisqu’elle tient de
l’amour, ce n’est pas cela. Dostoïevski a ainsi écrit les plus belles pages sur
la psychologie de l’homme jaloux. Chose étrange et peu remarquée est que les
écritures saintes des religions, l’Islam et le christianisme pourfendent
l’envie au lieu de la jalousie. Telle est la remarque ainsi faite par le seul
philosophe vivant que fréquente :
Yves Gallezot. C’est que la jalousie n’est pas l’envie.
Ce jeune félon de Tambacounda a tenté de violer et puis finalement
tuer par envie, sentiment anodin et même bénin pour certain mais en vrai c’est la tumeur maligne qui
ronge l’âme de la société. Nous sommes dans une époque à l’atmosphère faisandée
ou les miasmes morbides de l’envie et de
la convoitise prennent le chemin du
« Jardin aux sentiers qui bifurques ». Mais heureusement
l’écrivain argentin Jorge Luis Borges auteur de l’expression puis du recueil de
nouvelles fut un homme clairvoyant et lucide malgré sa cécité. Le point commun
entre ces deux références est seulement l’incompréhension, l’incompréhension
face à cet acte odieux de ce jeune assassin qui n’a réfléchit qu’en dessous de
la ceinture comme tous ces jeunes amis qui hantent les cercles de thé, qui
parlent jours et nuits dans un vocabulaire incohérent. Personne ne remarque
cette manière misogyne et imbécile de désigner les filles ; « Xale
bi » en wolof ou la petite, la minette, comme pour dire que la gent féminine n’est
faite que pour ça ! Elle est éternellement mineure.
L’argent, le sexe et le pouvoir sont des mobiles à la fois
suffisants, constants et probants. Pour le jeune énergumène de Tambacounda, le
sexe est le mobile flagrant mais aussi le pouvoir qui est la cause psychologique de tout crime. Ceux
qui tuent veulent prendre possession de tout et exister comme maitre de la
situation. Ils sont faibles en vérité ! Le processus criminel est une
mécanique implacable chez William Faulkner, lisez « Le Gambit du
cavalier ». Dès que le premier
geste malveillant et apparemment anodin est posé, le tueur fût-il le jeune
homme le plus doux apparemment, ne pourra plus s’arrêter, l’instinct de mort le
domine et se substitue à la satisfaction sexuelle pour devenir son
prolongement. Ce n’est pas pour rien que
le plus grand nouvelliste français, Guy de Maupassant a écrit
« Fort comme la mort ». Le sentiment d’ôter la vie est plus fort que
le sexe, tout cela relève de la perversité. Quant à Dostoïevski, dans
« Crime et Châtiment » le processus criminel est de la psychologie
des profondeurs. Que devient l’âme de celui qui tue ? Une grande lumière
s’échappe du criminel, la lumière de vie, il devient un mort vivant voué à
l’enfer. L’enfer est plus terrifiant que ce l’on dit. C’est la confrontation
avec l’Eternité. Il s’agira de faire le
grand tour qui durera en millénaires incalculables. Ce sera la confrontation à la
transmutation, à la transformation sous forme de régression de vie. C’est
terrible. « Tu ne tueras point ! »
Tentez de violer une fille, vous finirez par la tuer
volontairement même si au début l’intention n’était pas là, surtout lorsqu’elle
se défend.
Sous nos tropiques qui ne pleuvent plus, la seul poète
sénégalais qui vaille Ibrahima Sall , à la veille du grand prix du chef de
l’Etat pour les lettres a écrit, sur la puanteur nocive, les sentiments
corrosifs, les postures sociales qui tuent et qui, il y a quelques « instants »
faisaient rire ou souffrir : «
Riches ? Les excréments n’ont d’odeur tout comme le Dieu Argent. C’est une
fosse commune pour les aisances de tout un chacun. Dieu sait que l’homme ne
peut, ni n’a le droit de sentir
mauvais » Lorsque par un « programme collectif pernicieux »
on en arrive à pousser une société à l’envie servile, l’esclavage de l’envie, l’envie
de tout, l’exhibitionnisme odieux, le m’as-tu-vu chronique, on verse dans l’économie politique de la
convoitise mortelle, du vol, du viol, de la rapine, de la trahison et de la
félonie comme disait les anciens. Nous sommes dans une société de la
monstration et non de l’occultation.
Quoi de plus naturel
que l’envie dirait-on. La nature a bon dos ! Et quid de la culture ?
Le Jeune Jean Jacques Rousseau viendra nous sauver avec son printemps éternel.
Nous sommes dans « l’hiver » de nos vies gangrenées par les choses
factices et rutilantes qui sont exhibées au vu et au su de tout le monde, au nez et à la barbe des anciens au regard
interloqué et surtout devant une jeunesse désorientée qui n’a que faire sinon…
envier jusqu’à la mort, envier jusqu’à violer sa voisine parce qu’elle est dans
les canons de beauté apparente préfabriqués par l’industrie et la culture du
spectacle. Bientôt certaines filles n’apparaitront plus à la télé, parce que
trop noires, trop rondes et donc très moches et qui par-dessus le marché ne savent
pas grasseyer comme il faut. L’envie et le manque de vigilance sont passés par
là ! Nous passons tout notre temps à envier non pas aimer! Nous en sommes
arrivés à l’époque où ceux qui envient haïssent en même temps. Il n’y a plus de
champs pour cultiver le gout des autres et l’amour des choses simples. Les
jeunes n’hésitent plus à reluquer la femme de leur copain et même en parler
ouvertement. La malveillance juvénile existe, il ne faut pas se leurrer. Pire
il y a la malveillance infantile. Lisez le terrible « Le marin rejeté par
la mer » du Japonais Yukio Mishima.
Nos codes éducatifs sont fondés sur la matérialité et le
désir de prendre, posséder et finalement voler. Le poète a dit « Il buvait le chef-d’œuvre exposé à
sa seule concupiscence. Elle dévorait le monstre de métal qui glissait sur le
macadam. L’hommage palpébral que le jeune homme rendait à la créature de rêve
était reversé aux mille antipodes d’une beauté de carrosserie rutilante.
C’était le siècle où les jeunes filles épousaient des machines sophistiquées » Voilà le chef-d’œuvre de l’envie moderne
exposée Ibrahima Sall en toute clairvoyance dans « les routiers de
chimère. » En ôtant la vie, le tueur a voulu « défaire la beauté de
la jeune fille » selon le mot de Kawabata, mais il ne l’a pas réussi. Bineta
Camara a sauvé son honneur jusqu’à la mort. Paix à son âme !
Khalifa Touré
Critique littéraire
Sidimohamedkhalifa72@gmail.
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