Tous ceux qui tendent
aujourd’hui vers les cinquante ans, nés dans les années 70, ont certainement vu
« Les pétroleuses », un western parodique de Christian Jaque sorti
justement en 1971. C’était l’époque où la RTS nous servait tous les samedis un
bon film français sorti de la Nouvelle vague où Gaumont défilait devant nos
yeux impatients, tout cela depuis les débuts du Cinéma. C’était aussi l’époque
du manque et de la rareté artistique. Tout ce qui est rare est cher ! Face à la rareté cinématographique, nous étions confrontés à la rareté
technologique (peu de téléviseurs dans les maisons).
Alors pourquoi sommes-nous impatients aujourd’hui à nous
rouler dans la fange du pétrole. Des promesses rien que des promesses de
pétrole nous rendent fous ; décidément nous avons la folie facile. Notre
folie n’est pas sérieuse, elle est hilarante,
parodique comme ces belles dames des « pétroleuses » de
Christian Jaque dont les trépignements et les roulades violentes sur les
coulées de pétrole font beaucoup plus rire que pleurer.
Au Sénégal nous avons grand hâte de voir cette terre bénie
pisser le sang noir de ce liquide précieux qui a fait le bonheur, la richesse
et le malheur par ailleurs. Nous allons alors passer par une période étrange où
nos cerveaux ramollis par la fatigue, se pencheront sur les tables de
multiplication et de comptabilité de nos malheurs. Ce sera l’heure des comptes
et décomptes du Produit criminel brut, le temps où les grands brigands
multinationaux nous aurons aidé à la prédation, au pillage, au tripatouillage
des chiffres et au crime économique le plus dangereux : Le mensonge
statistique. Nous allons alors déployer nos énergies non renouvelables à courir
derrière la vérité qui se moquera de nous. La vérité nous fera payer très cher
ce que l’on désir. C’est ce que l’on appelle « tenir la dragée haute à
quelqu’un ».
Mais ce jour n’arrivera certainement pas, nous aurons su
feinter la malédiction du pétrole. Nous verrons peut-être quelques gouttes de
pétrole et quelques bouffées de gaz qui ne suffiront pas à nourrir nos fantasmes. Que fait-on déjà des richesses
disponibles ? Nous n’aurons pas l’occasion de construire de belles et
inutiles villas habitées par des femmes-meubles, des femmes-postiches et
démonstratives esclaves-complices de notre m’as-tu-vu indécrottable.
La terre du Sénégal est certainement bourrée de richesses,
les clairvoyants le savent de science certaine. Les bénédictions tant chantées avec la poitrine
bombée ne sont que l’expression instinctive d’une réalité spirituelle. La vérité
est plus complexe. Ces bénédictions ne datent pas d’aujourd’hui, elles sont
plus anciennes. Elles remontent aux
périodes de fondation. Elles nous cachent les richesses et ressources qui vont
nous tuer, jusqu’à l’avènement d’une génération méritante. Ce pays ressemble de façon cosmique à un autre
pays développé depuis longtemps par des générations qui le méritent, mais aidé
en cela par la matière la plus essentielle : La ressource grise. Aucun
pays ne s’est développé par la débrouillardise. Ici nous avons même des
intellectuels débrouillards qui se
démerdent difficilement tant la boue et la crotte des mauvais jours nous a
couvert de salissure.
Chaque partie de la terre nourricière a son pendant cosmique et cela depuis le
Big-bang créateur. Cette science est toujours là pure comme l’eau de Kaolin. Toute
création est explosion, artistique, technologique, économique. C’est la génération suivante qui aura mérité
ces richesses qui en bénéficiera. Ce sera la génération de la grande exigence
morale. Notre rôle se limitera
aujourd’hui à faire des enfants, les
éduquer, les aider à muter vers la gestion du futur. La bataille aujourd’hui
est une guerre démographique face au futur problème de la transition
démographique qui selon les prévisions va s’accélérer : «
l’allongement continu de l’espérance de vie ne suffit plus à compenser la chute
de la natalité, et le rythme de progression de la population retourne lentement
vers les niveaux faibles. » (Thomas Piketty). Tout dépend de ces
aller-retours, même l’éternité. Les systèmes qui ne sont pas conscients de ces
mouvements démographiques doivent-ils se préoccuper de ressources pétrolières ?
Khalifa Touré
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