« La littérature
va vers elle-même, vers son essence qui est la disparition » Maurice
Blanchot
Il serait peut-être tendancieux d’affirmer que Boubacar Boris Diop est l’écrivain
Sénégalais le plus important du moment. Les réputations surfaites sont légions
dans le monde de la littérature. Mais Boris
Diop est une exception. L’un des rares écrivains Sénégalais qui possèdent
« une vision », s’il n’est
pas le seul. Notre littérature végète aujourd’hui dans la fange d’une écriture
trop plate, simpliste et dépourvue de grande créativité. Mis à part Boubacar
Boris Diop, des écrivains de la trempe de Sony
Labou Tansi, Valentin Mudimbe, Ayi Kwe Armah, Thierno Monenembo ou Pius Ngandu Nkashama, il n’y en a pas dans notre pays. La fameuse
théorie des aires culturelles n’explique rien ici et n’a rien à voir avec le
talent et la vocation d’écrivain. Léopold
Sédar Senghor fut un grand écrivain à coup sur, Sembène Ousmane et Mariama Ba des écrivains importants de la
littérature africaine, Cheikh Hamidou Kane, un écrivain
vraiment singulier. La grande dame Aminata
Sow Fall est ce qu’elle est, c'est-à-dire une romancière sénégalaise
traditionnelle à valeur historique.
Quant au fameux Alioune
Badara Beye il n’est franchement pas un grand écrivain ; « Nder
en Flammes » ou « Le sacre du Ceddo » ne sont rien face à
« La danse de la forêt »
de Wole Soyinka par exemple. Abbas Ndione lui, est dans son monde,
incompris par des lecteurs qui pensent à tord que c’est un simple auteur de
polars à l’africaine. Le poète Amadou
Lamine Sall depuis sa médaille de vermeille de l’académie française,
déploie toute son énergie à dire de belles phrases françaises pour défendre une
francophonie en perte de vitesse. Abdoulaye
Elimane Kane reste un auteur tout juste généreux. Le Sénégal attend son
poète national, genre Pablo Neruda
ou Ken saro Wiwa, un poète
« politique », un empêcheur de tourner en rond national.
Pourtant des auteurs
comme Ibrahima Sall, Abdou Anta Ka
avaient ouvert un autre monde pour la littérature Sénégalaise, un monde de la
folie et de la littérature décalée. Mais ce courage, si l’on peut parler de
courage en littérature, resta sans suite. Ce n’est pas un hasard si l’on n’entend
plus le grand critique littéraire, ancien ministre de la culture, Monsieur Makhily Gassama. Il n’ya plus de matière à gloser sur des textes écrits par
des écrivains qui visiblement n’ont jamais lu grand-chose. Alioune Tine(Raddho) et Oumar
N’dao auraient pu être de grands critiques littéraires, mais ils n’ont
jamais eu cette ambition.
Le feu professeur Mouhamadou Kane fut un éminent savant de la littérature africaine mais
sa verve scripturaire n’a jamais quitté l’espace des amphithéâtres. Le journaliste
méconnu et discret Moustapha Sène, auteur
d’une brillante thèse « Le
Surnaturel et le merveilleux dans les ethno-contes ouolofs » auraient pu être un digne héritier de Lilyan Kesteloot. Les talentueux
professeurs Alioune Diané et Bassirou Dieng auraient pu mettre leur
talent au service de la critique littéraire. Il n’y a pas de grande littérature sans grande critique littéraire. Les
plus grands critiques littéraire nous viennent du « froid » :
Bakhtine, Todorov, Julia Kristeva etc.
Les Sénégalais que nous venons de citer auraient même pu
venir à la rescousse des politologues en analysant la chose politique avec les
outils de la critique littéraire comme l’ont réussi brillamment Edward Saïd, Gayatri Spivak et le maitre Jacques
Derrida. Il n’y a que dans l’espace francophone que les littéraires se
détournent de l’analyse politique oubliant que la politique c’est avant tout de
« la représentation ». La
politique c’est du théâtre pour parler simplement, c’est de la diégège comme dirait Gérard Genette. Et qui mieux que les
littéraires pour comprendre cette affaire-là ?
Dans les années 90
il y eut un frémissement littéraire qui annonçait quelque chose qu’on attend
toujours, mais en vain. C’est l’époque des « Lorsque la nuit se déchire », « Les mamelles de Tiendella », « Le cri du mange-mil ».Marie Ndiaye, prix Goncourt pour « Trois femmes puissantes » n’est
pas vraiment sénégalaise si l’on peut
dire, Fatou Diome a certes beaucoup
de talent mais elle reste très « extravertie ». Au reste, notre dernier
grand prix vient du professeur Djibril
Samb qui a remporté le prix Noma
pour un livre important qui n’est pas
pour autant une œuvre littéraire.
Nos auteurs n’ont jamais osé franchir les limites d’une
écriture "trop classique" et très politiquement
correcte. Même chez le sulfureux Sembène
Ousmane c’est davantage le thème qui sortait de l’ordre établi que
l’écriture en tant que langage et mode d’expression. Aujourd’hui la plupart de
nos écrivains sont réduits à se battre autour de subventions et d’une
reconnaissance factice par une association des écrivains dont les leaders n’ont
jamais écrit quelque chose d’important. En
vérité le péché originel de notre littérature c’est sa fermeture ; une
littérature trop scolaire. On dirait qu’au Sénégal on écrit davantage pour les
élèves et les professeurs.
Remarquez cette manie
qu’ont les animateurs d’émissions littéraires de n’inviter que des
« spécialistes », des professeurs de français. Un prof de français n’est pas forcément un amoureux de la littérature.
Le professeur Amady Aly Dieng est un
économiste que l’on sache. Le doyen Ibrahima
Wone, l’homme à l’imparfait du subjonctif, qui a lu 17 fois « L’AVENTURE
AMBIGUE » est un médecin. Notre jeune frère Babacar Diop qui a lu l’essentiel de William Shakespeare et qui en connait autant que les profs
d’anglais sur la civilisation américaine est assistant au département de
philosophie. Le talentueux philosophe Mamoussé
Diagne possède une immense culture littéraire. Il est capable de passer,
sans discontinuité, de la pipe au cigare, c’est-à-dire de la philosophie à la
littérature.
Je connais, par contre, des profs de français qui ne lisent
que des romans de gare, s’ils prennent le temps de lire.
Même un « monument respectable » comme Sada
Kane tombe souvent dans le travers des « invités-profs-de-français » qui enferment les œuvres dans le
corset scolaire. Beaucoup d’entre nous ont aimé la littérature après l’école et
l’université, en suivant notre propre chemin, à la découverte de grandes émissions
comme Apostrophe, Campus ou Au fil de la nuit.
Au fil où vont les choses les jeunes auteurs auront du mal à
sortir de « la veine scolaire » enfermés qu’ils sont
dans cette perpétuelle imitation d’œuvres simplistes que l’on présente
abusivement comme des classiques africains. La jeune génération, à l’instar
d’un Boris Diop, devrait mettre dans
leurs écrits plus de folie, de mort, de « bruit et de fureur » ;
La littérature ne rejoint son essence
que lorsque le ciel et la terre se rencontrent dans une œuvre.
La littérature Sénégalaise,quant à elle, souffre de sa grande tiédeur.
776151166/709341367
on en trouvera à redire mais la littérature sénégalaise n'a pas besoin de prendre des figures extérieures comme modèles de sa plume et de son orientation politique. elle se doit de bâtir sa propre identité en fonction des besoins même du peuple sénégalais. J'avoue que je ne lis pas tous les écrits sénégalais parce que je ne veux pas me plonger dans une littérature imaginaire trop...imaginaire, mais je suis d'avis que nous avons un potentiel littéraire incontestable.
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