Chinua Achebe est mort ce 21 mars à Boston à l’âge de 82 ans.
Il est peut-être l’écrivain anglophone le plus lu et le plus connu d’Afrique. Né
le 16 Novembre 1930 à Ogidi en pays Ibo. Achebe d‘abord été un homme de radio.
En effet il a intégré la Nigerian Broadcasting Corporation(NBC) après ses
études universitaires et une formation à la BBC. Mais le virus de l’écriture la
contaminé et il est devenu l’écrivain engagé qui a refusé tous les honneurs,
que l’on connait aujourd’hui.
Son chef d’œuvre absolu « Le monde s’effondre » s’est vendu à plus de 12 millions
d’exemplaires rien qu’en version anglophone ; excusez du peu ! Les
millions de francophones qui ont lu cette « tragédie africaine » sont
légions en Afrique et ailleurs. Une œuvre magistrale quoi qu’on en pense. La
lecture c’est « le plaisir du texte »
si l’on en croit Rolland Barthes et
le moins que l’on puisse dire c’est que la lecture de Chinua Achebe offre ce plaisir supérieur propre aux écritures
simples.
Achebe n’est pas un auteur hermétique, c’était « un cœur simple » comme Guy de Maupassant, « une écriture blanche » et claire
malgré ses histoires sombres et tragiques. Au
delà de cette apparente simplicité (qui n’a rien de simpliste) se
déploie un talent et peut-être un génie qui vient des profondeurs, réveillé de
son long sommeil par la tragédie coloniale.
Achebe semble nous dire que cette Afrique là, tant décriée, est coloniale,
c’est une Afrique européenne.
La mort de Ikemefuna,
ce petit garçon sacrifié à l’autel des traditions, restera toujours gravée dans
le cœur des millions de lecteurs de « Le monde s’effondre ».
La fameuse situation des sauterelles qui envahissent et font le bonheur des
habitants de Umofia reste
inoubliable pour les jeunes écoliers que nous fumes dans les années 80 où l’on
pouvait découvrir, par la méthode CLAD,
les extraits des classiques africains.
Achebe est un critique satirique et quelque
fois acerbe de l’oppression coloniale et des dictatures africaines mais loin
d’être manichéen ses héros présentent des qualités qui nous galvanisent et des
défauts qui nous font douter. Okonkwo,
le héros de « Le monde s’effondre »
est un rebelle au sens propre, un homme dont le sens de l’honneur et le respect
du pacte des ancêtres pousse au sacrifice d’un être qui lui est plus que
cher « le petit Ikemefuna » son fils adoptif. Mais
la loi est ce qu’elle est ! Bonne ou mauvaise c’est selon.
Un grand écrivain c’est aussi certaine forme d’intertextualité,
un « dialogue spirituel » avec d’autres âmes
écrivaines. A ce propos Okonkwo est peut-être
le frère Africain de Batouala, de
René Maran. La rudesse, l’impétuosité et la résistance font réunir ces deux grands
personnages de la littérature africaine.
Voilà donc un minuscule portrait de ce géant de la
littérature qui est parti après une vie de lutte contre le colonialisme et les
dictatures africaines. Achebe se déplaçait en fauteuil roulant depuis des
années à la suite d’un grave accident.
Merci l’artiste !
KHALIFA TOURE
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