Voici
Monsieur Mawade Wade, l’homme à la voix tonitruante, à la diction particulière.
Le grand passionné de football comme on en trouve rarement, le panafricaniste
méconnu, l’homme de gauche aux engagements révolutionnaires,
l’anti-colonialiste invétéré.
« Ma »,
comme ses amis le surnomment, est un grand Sénégalais, un exceptionnel entraineur de football, un éducateur, un
formateur dont la science a beaucoup servi le football mondial en tant
qu’expert de la FIFA, en sa qualité de défenseur teigneux des intérêts du
football Africain lorsqu’ ils sont menacés dans les instances mondiales.
Mawade a rejoint
la Confédération africaine de football (CAF) en 1970. À Yaoundé, en février
1972, il contribue, avec l'Éthiopien Ydnekatchew Tessema et l'Algérien Mohamed
Maouche, à l'élaboration d'une nouvelle «loi fondamentale » pour l'organisation
du football continental.
Cet ancien instituteur
a fondé et entrainé le Réveil de
Saint-Louis de 1950 à 1965. En 1966 il est nommé directeur technique de l'équipe nationale
du Sénégal, en compagnie du Dakarois Lamine Diack et du Thiéssois Jo Diop.
Mawade Wade est surtout connu du grand public
comme un grand entraineur de football. Certes Monsieur Wade s’est révélé toute
sa vie durant comme un coach au talent immense, un meneur d’hommes
exceptionnel. Pour ceux qui ne le savent pas Mawade Wade fait partie de ceux qui ont découvert, encadré et
valorisé le fameux Oumar Gueye Sène,
l’un des meilleurs footballeurs africains de tous les temps.
Auparavant
il a vu passer sous son regard expert les plus illustres noms du football
Sénégalais des années 60 et 70 :parmi eux Louis Camara, Matar Niang, Fadel, Yatma Diop, Saliou
Cissé Chita, Baye Moussé Paye «Takac», Demba Thioye, Oumar Guèye Samb, Bamba
Diarra, Locotte, Mame Touty, Petit Guèye, Yérim Diagne, Yatma Diouck,
Léopold Diop etc.
Plusieurs générations de
sportifs sénégalais ont bénéficié de son expertise. Et cela des années 50 aux
années 90. Quelle longévité ! A chaque fois que ça faisait mal on faisait
appel au maitre.
Mawade était surtout un concepteur et un théoricien de
la pratique footballistique en tant que fait social aux soubassements
politiques. A Rufisque en 1976 Il
dira lors d’une sortie publique ces propos étincelants de vérité :
«Je ne cours pas
après le ballon, je cours après les hommes qui courent après le ballon, parce
que ces hommes c’est l’écrasante majorité de la jeunesse de mon pays, parce que
ces hommes constituent le levain de mon Peuple.»
Mais Mawade Wade avait
surtout une conscience de classe très aigue, un esprit rebelle, un militantisme
farouche pour l’indépendance africaine. Mawade était un proche ami de tous les
grands leaders africains qui prônaient l’indépendance immédiate.
Révolutionnaire au tempérament
hors normes cet adepte de la dialectique considérait à juste raison qu’une bonne politique footballistique et même
sportive est inséparable du projet de société qui gouverne un pays. C’est
une société en crise qui provoque la crise du football. Le football n’est pas la
cause mais la conséquence. Aujourd’hui, nombreux sont les états africains qui
appliquent la vieille théorie de la fraction en oubliant que la société est un
tout.
Mawade était un
visionnaire passionné, un homme à l’âme fêlée dont les propos et les actes
étaient parfois incompris. Considéré parfois comme un anticonformiste ou un
rebelle, il a par moments été victime d’ostracisme partout où il a trainé sa
vieille carcasse de saint-louisien walo-walo originaire du Tékrour des fières
guerriers et des saints.
Mais toute histoire se
termine fatalement un jour ou l’autre. Mawade sentait le mal depuis quelques temps.
Le 11 Aout 2002 il est violemment frappé d’un AVC. Il perdit l’usage de la
parole. Dans la nuit du 14 septembre de
la même année la voix la plus haute du football africain s’éteint à jamais.
Il a été assisté par les siens jusqu’à
son dernier souffle.
Quelques jours avant son
ultime voyage la CAF, avec à sa tête Issa Hayatou est venu à son chevet dans
son domicile de Saint-Louis.
Mawade Wade est sans
conteste l’un des plus illustres Sénégalais du siècle dernier. Mais son combat
pour l’édification d’une nation libre et épanouie reste méconnu et sa mémoire n’est
pas suffisamment célébré dans son pays natal. Dommage.
Salut l’artiste et repose en paix !
KHALIFA TOURE
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