Ce garçon en dreadlocks et à
l’air affable, même s’il est féru de musique, n’est pas un musicien, c’est l’un
des théoriciens les plus pointus des études postcoloniales. Professeur
titulaire et dépositaire de la chaire de sociologie Anthony Giddens de la
London school of Economics. Quasi méconnu dans le monde francophone surtout en
France, PAUL GILROY est une référence presque incontournable lorsqu’il s’agit
des questions relatives à la racialité, à la double conscience, à l’identité et
à la modernité.
En effet l’une des thèses les plus éclairantes
qu’il aborde dans son fameux livre « L’atlantique noir » et qui dérange
beaucoup de francophiles adeptes inconditionnels d’un anti-essentialisme
systématique est que la traite des nègres et la colonisation sont des éléments
constitutifs de la modernité occidentale et que l’espace atlantique est le lieu
historique de création d’une identité culturelle noire qui n’épouse pas forcément
les contours que lui donne les nègres d’une part et les
« occidentaux » de l’autre. C’est un ensemble de cultures diffuses,
hybrides et en continuel recréation dans l’atlantique qui est son espace
historique.
Avec Paul Gilroy on peut parler de la race sans complexe, sans
verser dans le communautarisme facile, avec l’autorité de la science mais
surtout avec beaucoup de nuances contrairement à la tradition universitaire
française et au modèle culturel « jacobin » qui évite la question raciale, la
redoute et même l’interdit.
Nos pays francophiles ont tellement hérité de
cette tradition au point que si l’on y prend garde « les questions relatives à
notre être dans le monde en tant que formation culturelle » seront
disqualifiées et même discréditées et cela de façon progressive et insidieuse.
Et si elles sont escamotées « notre devenir dans le monde » sera compromis.
Voilà les chemins arpentés
par cet éminent penseur africain de la diaspora né à Londres en 1956. En tant
qu’essai sur « l’hybridité et le brassage inévitable des idées »,L’atlantique
noir, de Paul est un formidable remède en cette époque où les identités
sont plus que meurtrières.
KHALIFA TOURE
" L'Atlantique noir" est le fruit de ces tentatives inégales pour montrer à ces étudiants que les expériences des Noirs font partie de cette modernité abstraite qui les déconcertait tant" Paul Gilroy
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