« A l’ origine si vous êtes
pauvre, noire et femme, vous avez décroché le gros lot » Gayatri Spivak
En 1983 une intellectuelle indienne, nommée Gayatri
Chakravorty Spivak se fit connaître dans le monde du savoir en publiant un livre de quelques
pages devenu fameux : Les subalternes
peuvent-elles parler ? « L’un des textes de la critique
contemporaine et des études postcoloniales les plus discutés dans le monde
depuis vingt cinq ans » selon Gérôme Vidal. Un texte puissant et retentissant dans les centres de production du
savoir mais aussi dans le public des lecteurs toujours à l’affût d’informations
scientifiques. C’est à croire qu’il existe une actualité scientifique liée non
pas forcément aux découvertes scientifiques, il n’y en a presque plus, mais à
l’évolution des idées qui nous viennent des lieux du savoir. Une femme intellectuelle
doit servir à quelque chose, son métier est de réfléchir avec les masses
féminines. Gayatri Spivak est en cela une véritable star dans les campus
américains au même titre que feu Edward Saïd et dans une moindre mesure, Noam Chomsky.
L’autre égérie médiatique du féminisme doctoral est bien entendu l’américaine Judith
Butler. Donna Haraway, Nancy Harstock, Sandra Harding, Janet Wolff et Seyla
Benhabib sont plus discrètes mais néanmoins
importantes et puissantes par la pensée.
Le féminisme de haut vol gagne
toujours en abstraction qui lui permet de s’épurer et s’aérer des scories d’un
militantisme éculé incapable de prendre en charge l’évolution psychologique de
la gent féminine depuis cinquante ans. Cette évolution étrange qui la rapproche
progressivement des hommes, surtout au plan du goût, est regardée avec
inquiétude par les féministes de la vieille garde qui fulminent contre ces
filles qui défendent le recours aux traditions familiales et préfèrent
fréquenter les garçons. Les femmes ne sont pas solidaires disent-elles, comme
si elles devraient l’être à tout prix, au lieu de se dire pourquoi ? Une
question dont la réponse peut-être non pas gênante pour la science mais pour la
cause féministe. Aujourd’hui en France, le féminisme radical de Mme Elisabeth
Badinter ne passe plus chez des personnalités féminines comme Nadine Morano ou
Nathalie Kosciuszko-Morizet.
Le féminisme soixante-huitard est mort dans ce
monde où les intellectuels de droite proclament urbi et orbi leurs idées plus
ou moins conservatrices. Quant aux égarements regrettables de femmes comme la
camerounaise Calixthe Beyala et la bangladaise Taslima Nasreen qui professent
un féminisme insolent et vulgaire par l’injure de leur propre corps et même celui
de leur père ; elles n’ont pas servi la cause des femmes. C’est le même féminisme
pornographique, inintelligent et faussement hystérique que l’on retrouve chez
les Femen. Il n’a pas fait long feu. Le
féminisme de gauche est moribond, et le notre, ceux du Sénégal et d’autres pays
africains sont en butte à de grandes difficultés théorétiques. En vérité nos féministes n’ont jamais
théorisé ; Il ya certes eu des études et même un « laboratoire-genre »
mais un travail d’extraction de
principes du bonheur chez les femmes, qui à mon avis, est la principale mission
du féminisme, n’a pas été fait. Les femmes sont en quête du bonheur c’est aussi
simple que cela. De puissantes figures féminines qui n’ont rien à voir avec la
rhétorique féministe s’investissent depuis des années pour l’humanité en générale.
Il s’agit au Sénégal des éducatrices comme Sayda Mariam Niasse, Adja Bineta
Thiam et Anta Mbow de l’empire des enfants. Au Burundi Margerite Barankitse
mérite le Prix Nobel de la Paix.
Notre féminisme a été plombé par la politique. Qu’est-ce que
les femmes ont gagné dans l’illusion de la responsabilité politique ? Nos
féministes devraient nous révéler les maltraitances et pratiques de possession
morale et physique que subissent les filles et même les femmes dans les partis
politiques. « L’état du corps féminin dans les partis politiques. »
Un sujet de recherche pour les partisans de l’approche genre. Nos féministes
ont parlé pendant des années comme s’ils étaient des sujets asexués, un vrai
paradoxe puisqu’elles sont sensées parler au nom des femmes. Mais avant de
parler aux femmes il faut avoir l’humilité et la faculté de les écouter.
Lorsque
les féministes se comportent comme les hommes en répétant leurs travers par des
pratiques de capture de fonds et d’autorité au nom du genre, il ya des raisons
d’être sceptique quant à leur combat. Partout au Sénégal dans les contrées
reculées, dans les villes et les villages, nous avons été particulièrement
frappés par la disgrâce physique qui apparait dans le visage des femmes. Elles
fuient votre regard. Le marasme esthétique est plus triste chez la gent
féminine. Une longue fatigue, morale et physique, est passée par là ! Ici
elles sont battues ou livrées à leur belle famille, ailleurs elles sont
massivement violées. Une arme de guerre répète-t-on partout comme si des
hommes n’avaient pas le désir bestial de se jeter massivement sur les femmes en
période de paix. Cette formule est une banalisation des faits. La guerre n’a
qu’un effet multiplicateur et permissif. Le viol n’est pas une arme de guerre. Il
était déjà présent dans certaines sociétés où le regard masculin sur la femme
est toujours bestialement sexuel. Lorsque la femme parle, elle devient
inaudible parce qu’incomprise. Elle s’exprime en un langage qui est toujours interprété
à travers le prisme des préjugés. Les féministes écoutent-elles les
femmes ? Les féministes laissent-elles les femmes parler ? Il
me semble que ce n’est pas toujours le cas ! Elles préfèrent leur parler
d’approche genre maintenant, plus de féminisme, la rhétorique a
changé, mais la condition des femmes pas tellement !
KHALIFA TOURE
sidimohamedkhalifa72@gmail.com
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