Il ya bien des années, le brillant journaliste Moustapha Sène, l’une des plus fines plumes de
la presse Sénégalaise publiait un dossier
documenté et très intelligent sur la vie des malades mentaux au Sénégal,
surtout en milieu urbain. C’était l’époque où le Soleil daignait encore briller
de mille feux éclairant les foyers de nos consciences endolories par le mal du
siècle : l’inculture. Depuis lors il s’est passé beaucoup de choses
indésirables sous les rayons de ce Soleil qui brille encore dans un monde qui
n’a que faire de la lumière, préférant les ombres de l’écriture
« précipitée » et inaccomplie.
Ansoumane Ndione et sa confrérie de dépressifs incompris
n’étaient pas encore sortis de l’ombre des maisons. Tous les « fous »
sortent d’une maison faut-il le rappeler. La dépression, cette fêlure de l’âme
qui a tué Ernest Hemingway, étouffé Charles Baudelaire dans les volutes du
Haschisch et les inspirations de l’alambic. Les magnifiques Abdou Anta Ka et
Khady Sylla sont les enfants de cette « maladie » géniale…des
génies…créateurs. Décidément le romantisme est le sommet de la vie, la frontière
du réel. Le romantisme c’est la démesure et la mort ! Il ya un déficit de
romantisme au Sénégal. Les gens préfèrent la romance. Le poète Ibrahima Sall l’a
dit : « De nos jours, il n’est pas de pureté qui ne frise
l’immoralité. Surtout chez ceux qui ne font jamais rien comme les autres. Les
temps ont mûri et les romantiques déboussolés par l’agonie du Grand Siècle ont
choisi le romanesque. Les solutions de facilité ou de lâcheté n’existent pas.
Elles ne sont que la courbe démagogique de la dégénérescence de nos
semblables. »
Un romantisme de cape et d’épée défendrait le Sénégal contre
les envahisseurs culturels. Suffisamment de romantisme ferait sortir non pas des
machines à « mafé » mais des appareils qui nous feraient sortir de l’esclavage
du travail. Avec le règne de l’abondance, l’envie de travailler à mort nous passera. Il
faut moins de romance et beaucoup de romantisme pour construire une technopole,
une « Silicon Valley » ou les enfants de l’Afrique viendraient tester leur
génie…créateur, leur folie ordinaire. Un autre temps sortira de ces centres de
diffusion de la vie. « Il n’ya pas de génie sans un grain de folie »
disait Blaise Pascal. Les capitaines d’industries feront le reste. Ils feront croître le reste par leur folie
ordinaire et parfois…extraordinaire : des industries du livre, de la
musique, du cinéma, de l’électricité, des Télécom, de l’agro-alimentaire en
attendant la grande métallurgie
et la sidérurgie. Il faut le vouloir
pour posséder les industries qui dépendent différemment des quatre
éléments : l’air, le feu, la terre et l’eau. Alors viendra la croissance,
le grand mouvement, non pas vers le développement mais vers ce qui est plus
essentiel : l’équilibre de la vie, la Paix.
Les malades mentaux, ces
« conquistadores de l’oubli » qui arpentent les méandres d’une
conscience troublée par le voisinage de la vérité. La vérité, ce monde encore
inconnu dont les frontières mouvantes finiront par happer les apparences
factices et évanescentes de notre monde fait de contre-vérités. Il ne s’agit
pas de cette folie nécessaire ou maladive mais d’une perverse revendication de
la folie. De nos jours le monde dresse le tapis rouge pour une vulgaire parade
de faux-fous qui éclaboussent notre intelligence. C’est le règne des fous qui
ne savent même pas faire le pitre comme « Koutia », cet enfoiré
magnifique. Ils sont en politique, drapés des pâles oripeaux
du « je veux servir mon pays ». D’autres écrivent avec on ne sait
quel organe de l’homme. Les danseurs trépignent pitoyablement sur une musique
du diable qui finit lui-même par s’énerver de voir tant de nullité dans la
fabrication du mal. Alors les diablotins de la politique, de la consultance, de
la religion, et du show-biz entrent
dans la danse avec leurs frêles jambes claudicantes. Ils ne vont même pas plus vite que la
musique. C’est la musique qui ne veut pas d’eux.
Alors la chronique des folies ordinaires et
extraordinaires chez les sénégalais s’impose. Une critique des escrocs
professionnels, des filous de tout acabit, des bonimenteurs patentés dans nos
maisons, à la rue, dans la jungle politique, chez les débatteurs accro à la
télé et indécrottables sur leur piédestal de manipulateurs ridicules et même les braillards assourdissants d’un
bruissement continu et arythmique qui se veut musique et que les plus jeunes
appellent « sons ». Seuls les peintres sont gentils en ce pays. Parce
qu’on ne les connait pas. Les autres ont tous des envies de meurtre. Ailleurs
un chanteur farfelu a réprimé son envie de meurtre en écrasant un hérisson. Ici
on n’écrase pas des porcs-épics, mais on tue le sport, la culture et
l’environnement par « les mauvaises odeurs » qui sortent de nous. Des
religieux se passent la corde au cou en tuant la foi. Mais le cadavre de la
religion bouge encore nous rappelant la forfaiture. Nous nous enfuyons devant
notre ombre que l’on ne reconnaît même pas, pensant que c’est l’ange de la mort
qui arrive. Nous avons tellement
péché que nous avons peur de l’avenir. La
fin est toujours proche, seuls les « fous » le savent. La mort et la
folie étant voisines.
KHALIFA TOURE
sidimohamedkhalifa72@gmail.com
Toujours un plaisir de vous lire. Les choses dites comme elles doivent être dites.J'admire votre culôt!
RépondreSupprimerMerci beaucoup Régina. On essaie de faire aller. Il ya une suite qui sort ce samedi intitulée "Chronique de la folie ordinaire" Tu peux aussi les lire chaque Samedi dans LE QUOTIDIEN à la page 7
SupprimerD'où es-tu perché pour observer de si près ce trou béant caché dans notre hypocrisie sociale? Et tous ces miroirs que tu traînes ? Oh toi peintre sans toile, tu es élégant de ta Folie. Naguère une sœur aimée et aimante et non moins épouse d’un médecin psychiatre m’invitait à mourir…., en écoutant ton « délire » je suis tout excité et, à genoux, j’implore la Folie de mourir pour ma renaissance. Puis-je de par la folie, apprendre à mourir ? Salam Cher frère !
RépondreSupprimerMagnifique Amadou Sow
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