dimanche 12 juin 2016

Éloge de la folie au Sénégal(1)






Il ya bien des années, le brillant  journaliste  Moustapha Sène, l’une des plus fines plumes de la presse Sénégalaise publiait un dossier  documenté et très intelligent sur la vie des malades mentaux au Sénégal, surtout en milieu urbain. C’était l’époque où le Soleil daignait encore briller de mille feux éclairant les foyers de nos consciences endolories par le mal du siècle : l’inculture. Depuis lors il s’est passé beaucoup de choses indésirables sous les rayons de ce Soleil qui brille encore dans un monde qui n’a que faire de la lumière, préférant les ombres de l’écriture « précipitée » et inaccomplie. 

Ansoumane Ndione et sa confrérie de dépressifs incompris n’étaient pas encore sortis de l’ombre des maisons. Tous les « fous » sortent d’une maison faut-il le rappeler. La dépression, cette fêlure de l’âme qui a tué Ernest Hemingway, étouffé Charles Baudelaire dans les volutes du Haschisch et les inspirations de l’alambic. Les magnifiques Abdou Anta Ka et Khady Sylla sont les enfants de cette « maladie » géniale…des génies…créateurs. Décidément le romantisme est le sommet de la vie, la frontière du réel. Le romantisme c’est la démesure et la mort ! Il ya un déficit de romantisme au Sénégal. Les gens préfèrent la romance. Le poète Ibrahima Sall l’a dit : « De nos jours, il n’est pas de pureté qui ne frise l’immoralité. Surtout chez ceux qui ne font jamais rien comme les autres. Les temps ont mûri et les romantiques déboussolés par l’agonie du Grand Siècle ont choisi le romanesque. Les solutions de facilité ou de lâcheté n’existent pas. Elles ne sont que la courbe démagogique de la dégénérescence de nos semblables. »

Un romantisme de cape et d’épée défendrait le Sénégal contre les envahisseurs culturels. Suffisamment de romantisme ferait sortir non pas des machines à « mafé » mais des appareils qui nous feraient sortir de l’esclavage du travail. Avec  le règne de l’abondance,  l’envie de travailler à mort nous passera. Il faut moins de romance et beaucoup de romantisme pour construire une technopole, une « Silicon Valley » ou les enfants de l’Afrique viendraient tester leur génie…créateur, leur folie ordinaire. Un autre temps sortira de ces centres de diffusion de la vie. « Il n’ya pas de génie sans un grain de folie » disait Blaise Pascal. Les capitaines d’industries feront le reste. Ils feront croître le reste par leur folie ordinaire et parfois…extraordinaire : des industries du livre, de la musique, du cinéma, de l’électricité, des Télécom, de l’agro-alimentaire en attendant la grande métallurgie et la sidérurgie.  Il faut le vouloir pour posséder les industries qui dépendent différemment des quatre éléments : l’air, le feu, la terre et l’eau. Alors viendra la croissance, le grand mouvement, non pas vers le développement mais vers ce qui est plus essentiel : l’équilibre de la vie, la Paix. 

 Les malades mentaux, ces « conquistadores de l’oubli » qui arpentent les méandres d’une conscience troublée par le voisinage de la vérité. La vérité, ce monde encore inconnu dont les frontières mouvantes finiront par happer les apparences factices et évanescentes de notre monde fait de contre-vérités. Il ne s’agit pas de cette folie nécessaire ou maladive mais d’une perverse revendication de la folie. De nos jours le monde dresse le tapis rouge pour une vulgaire parade de faux-fous qui éclaboussent notre intelligence. C’est le règne des fous qui ne savent même pas faire le pitre comme « Koutia », cet enfoiré magnifique. Ils sont en politique, drapés des pâles oripeaux du « je veux servir mon pays ». D’autres écrivent avec on ne sait quel organe de l’homme. Les danseurs trépignent pitoyablement sur une musique du diable qui finit lui-même par s’énerver de voir tant de nullité dans la fabrication du mal. Alors les diablotins de la politique, de la consultance, de la religion, et du show-biz entrent dans la danse avec leurs frêles jambes claudicantes. Ils ne vont même pas plus vite que la musique. C’est la musique qui ne veut pas d’eux. 

Alors la chronique des folies ordinaires et extraordinaires chez les sénégalais s’impose. Une critique des escrocs professionnels, des filous de tout acabit, des bonimenteurs patentés dans nos maisons, à la rue, dans la jungle politique, chez les débatteurs accro à la télé et indécrottables sur leur piédestal de manipulateurs ridicules  et même les braillards assourdissants d’un bruissement continu et arythmique qui se veut musique et que les plus jeunes appellent « sons ». Seuls les peintres sont gentils en ce pays. Parce qu’on ne les connait pas. Les autres ont tous des envies de meurtre. Ailleurs un chanteur farfelu a réprimé son envie de meurtre en écrasant un hérisson. Ici on n’écrase pas des porcs-épics, mais on tue le sport, la culture et l’environnement par « les mauvaises odeurs » qui sortent de nous. Des religieux se passent la corde au cou en tuant la foi. Mais le cadavre de la religion bouge encore nous rappelant la forfaiture. Nous nous enfuyons devant notre ombre que l’on ne reconnaît même pas, pensant que c’est l’ange de la mort qui arrive. Nous avons tellement péché que nous avons peur de l’avenir. La fin est toujours proche, seuls les « fous » le savent. La mort et la folie étant voisines. 

KHALIFA TOURE 
sidimohamedkhalifa72@gmail.com

4 commentaires:

  1. Toujours un plaisir de vous lire. Les choses dites comme elles doivent être dites.J'admire votre culôt!

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    1. Merci beaucoup Régina. On essaie de faire aller. Il ya une suite qui sort ce samedi intitulée "Chronique de la folie ordinaire" Tu peux aussi les lire chaque Samedi dans LE QUOTIDIEN à la page 7

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  2. D'où es-tu perché pour observer de si près ce trou béant caché dans notre hypocrisie sociale? Et tous ces miroirs que tu traînes ? Oh toi peintre sans toile, tu es élégant de ta Folie. Naguère une sœur aimée et aimante et non moins épouse d’un médecin psychiatre m’invitait à mourir…., en écoutant ton « délire » je suis tout excité et, à genoux, j’implore la Folie de mourir pour ma renaissance. Puis-je de par la folie, apprendre à mourir ? Salam Cher frère !

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