samedi 18 juin 2016

Chronique de la folie ordinaire (suite)





Après « l’éloge de la folie » à la manière d’Erasme de Rotterdam, c’est alors qu’avancèrent les fous les plus furieux que le monde ait connus. Les professeurs, les vrais, sous leurs lourdes toges officiant ex-cathedra une science que les pauvres carabins n’arrivent pas à saisir par des méninges non pas fatiguées mais déjà habituées à autres choses. Ces choses de l’inculture et de la vulgarité qui provoquent la méningite intellectuelle.

 Les cerveaux ramollis et chloroformés par les ambiances nocturnes qui manquent de poésie. Ils manquent de cet oxygène appelé « culture », qui les presse jusqu'à l’étouffement. Pauvres étudiants, bientôt ils ne seront bons que pour les flots moutonnants de la mer à côté de « Cheikh Anta Diop ». Faut il brûler l‘université sénégalaise ?  Jeter les étudiants à la mer ? Beaucoup d’entre eux ne savent pas nager. Ils vont couler comme pierre à l‘eau « profonde » préférant glouglouter dans l‘eau salée à la poursuite d’une naïade aux seins nus, que de se noyer dans les eaux spirituelles de William Butler Yeats, Dimitri Mendeleïev ou Léon Walras. Les plus sérieux répondent aux appels des belles sirènes. Le romantisme est passé par là ! Plus tard ils se marieront peut être avec les filles qui ont su rester chastes.  

Ils en ont marre de la théorie mathématique des fractales ces étudiants, la grammaire générative et transformationnelle de Noam Chomsky les rebute, les cérébrales  tentatives de Ludwig Wittgenstein avec son assommant Tractatus logico-philosophicus les font fuir à toutes jambes. « Toutes ces choses  ne sont pas faites pour nous, c’est des trucs de blancs » m’a dit un jour une étudiante. « Des billevesées de bourgeois », dira un crétin qui se prend pour un communiste. N’est pas communiste qui veut ! Décidément la chronique de la folie et des sottises humaines est plus longue que prévue. Foutue « démocratie » !  elle a  sanctifié  les pires gredins que la terre ait portés.

Quant aux professeurs ils ne  portent pas la barbe comme les savants, ils sont tous rasés de près. Le syndrome du bouc est passé par là. Mieux vaut ne pas ressembler à ce mâle de la chèvre dont la réputation de lubricité est loin de la sagesse de la barbe qu’il porte dans toutes ses saillies. " Les Stoïciens ont la prétention de voisiner avec les dieux. Qu'on m'en donne un qui soit trois ou quatre fois, mettons mille fois stoïcien; peut-être, dans le cas qui nous occupe, ne coupera-t-il pas sa barbe, emblème de sagesse qu'il partage avec le bouc » a écrit l’humaniste hollandais du XVIème siècle. Mais peu s’en faut que le noble savoir glisse sur la peau lisse et se brise les pattes. 

Décidément l’ambiguïté n’est pas seulement une aventure, sa présence obsessionnelle dans les symboles se joue de notre perverse habitude d’analyste et de chroniqueur à tout interpréter. Il n’ya pas plus ambigus que les prédicateurs religieux et ultra-médiatiques. La majorité n’a pas le niveau du brevet en sciences islamiques. Un jeune quidam qui ignore totalement le Nassikh Wal Mansoukh (l’abrogeant et l’abrogé) se permet de faire le « Tafsir » à une Télé privée bien connue. Le plus prisé des « Oustaze » médiatiques sénégalais ne parle presque pas l’arabe. Si ces énergumènes qui pratiquent l’islamo-business ne sont pas « fous », la folie n’existe pas en ce pays des plus grands lettrés en langue arabe : Serigne Cheikh Tidiane Sy, Mame Khalifa Niass, Cheikh Tidiane Gaye. L’une des sommités mondiales des sciences coraniques est sénégalais, il s’appelle Muhammad Al Hassan Bousso.

Que dire des chroniqueurs d’aujourd’hui, cette race d’écrivains désemparés, auréolés d’une vraie, parfois surfaite réputation  de scribe à la plume fine et tranchante plutôt que lucide. « Les chroniques italiennes » de Stendhal sont passées par là donnant au genre une once de noblesse. Guy de Maupassant un fou, un vrai, mort de syphilis, d’amour et de démence a écrit près de mille chroniques dans les journaux Gil Blas et Le Gaulois pendant dix ans. Ecrire des chroniques pendant dix ans ! Il ne faut surtout pas le faire ici. C’est de la folie ! Les plus mauvais livres sont quand même des livres, même si personne ne les lit. Le chroniqueur a l’avantage d’être lu. Le mauvais écrivain a l’avantage d’être un auteur qui provoque la pitié en demandant qu’on le lise. Quel avantage malheureux ! « Lisez-moi s’il vous plait, il ya au moins une bonne phrase dans mon bouquin. » Il faut être fou pour écrire. De grands penseurs n’ont rien écrit, ils ont préféré penser et parler. Ils ne sont pas fous ! La graphomanie, cette manie à écrire à tout va,  n’était pas encore inventée. 

Avancent alors, les « gens saignants » des écoles que personne n’ose critiquer. Ils saignent de partout parce qu’ils font saigner l’enseignement tout de même et malgré tout. Ils ont le malheur de professer sans chaire, au bas de la chaire même. Un peu de carriérisme, une thèse, doctorale ou non et quelques articles les feront monter à cette chaire tant convoitée. Donnez aux « gens saignants » ce qu’ils demandent et qu’on en finisse!

 Quant aux journalistes ils ne sont plus mal fagotés comme à l‘époque de ce fameux « débraillé travaillé » qui donnait un profil inquiétant et mystérieux à ces hommes et femmes qui sentaient la grande culture, le tabac, l‘eau de Cologne et… l’eau  de vie parfois. D’autres types suivront, et même des prototypes qui viendront peupler notre regard. Alors suivra le temps où seront nettoyées les écuries d’Augias « le fou ».

Khalifa Touré



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