Pauvres hommes véridiques qui nous font tantôt rire, parfois
pleurer dans leur vieille robe de faux prophète des temps modernes. Voici que
viennent les imprécateurs de l’ordre qui hennissent des vérités qui ne leur
appartiennent pas.
Je préfère mes propres
mensonges aux vérités qui ne sont pas miennes, ces vérités que l’on ne fait que
répéter sous notre pauvre bure faite de plumes de cacatoès. Le bavardage
possède la vertu de nous faire haïr la parole inutile. On peut se repentir des
mensonges personnels mais il est difficile de sortir de la prison des vérités
de l’autre. Le monde contemporain a abandonné la construction personnelle. La « vérité »
sort maintenant de la bouche des entrepreneurs de vérités médiatiques. Ils
cherchent jusqu’à la posture masochiste du voleur qui s’accroupit
douloureusement à la quête de l’objet à ratiboiser. La vérité a perdu sa
fonction spirituelle, c’est un
« boubou » que l’on porte, une voix nasillarde que l’on tient, des
yeux globuleux que l’on dilate pour convaincre, un index posé savamment sur la
tempe histoire d’adopter une posture hiératique ou ressembler à vieux
philosophe allemand. Le plus ridicule des hommes contemporains est celui qui a
la réputation d’être un « homme véridique ». Il s’en va dans le
frou-frou d’un boubou trop grand histoire de défier la bienséance des autres,
contredire leur soi-disant attachement au bas monde, ils jouent savamment au
rabat-joie comme s’ils n’ont jamais éprouvé de plaisir sur terre. Leurs prochains dérapages verbaux ne surprennent que les naïfs qui confondent
la posture véridique à la vérité elle-même. Ils sont partout les comédiens de
la vérité, acteurs malhabiles d’une
mauvaise mise en scène…de la vérité. Un
homme véridique n’est pas forcément un homme vrai !
Ils sont partout et
peuplent nos jours et nuits à copier et pirater la vérité elle-même pour la
transformer en objet ou motif de plaisir personnel avant d’aller se la couler
douce on ne sait où. Ceux qui ont eu le malheur de s’être fabriqué un manteau
de vérité publique, une toge de diseur de vérités, sont des hommes dangereux
qui mettent la conscience des jeunes
naïfs en danger. Une vaste entreprise du tape-à-l’œil, du voyez-moi-dire-la-vérité
s’est bâtie sur les cendres de la vertu ancestrale.
C’est alors que des réputations décennales se sont faites par
une mise en scène savamment orchestrée. Finalement l’homme qui se prend pour un
saint finit par croire qu’il l’est véritablement. La camisole de force de la
vérité surfaite l’aura définitivement étranglé. Depuis quelques années, des
hommes se forgent intelligemment une image publique de diseurs de vérité avec
la complicité de la crise. Au nom de la supposée perte des valeurs, il s’est
construit de dangereuses réputations
d’hommes purs, de personnalités à part. Sur l’autel de la crise existentielle
s’est construit des programmes politiques, religieux, sociaux et économiques
qui prétendent à la différence. Ils ne pourront jamais vous dire à partir d’où
ils sont différents, et jusqu’où ils seront en colère. Il serait intéressant de tracer une géographie
de la colère post-coloniale comme l’a tenté le philosophe du sous-continent
indien Arjun Appaduraï.
Ayez pitié de ceux qui pensent qu’ils sont différents !
Personne n’aime la marge, même les poètes. Ils y sont parce que la lourdeur du
message, des images et des symboles les enferrent là où ils sont. Le Sénégal
attend vainement son poète national. Rien de grand ne s’est fait en dehors d’un
cœur romantique. Mais les gens préfèrent la romance (dixit le poète Ibrahima
Sall). Ce n’est pas la romance, les yeux énamourés, les gestes langoureux, les
propos salaces sous couvert d’érotisme qui peuvent tenir lieu de romantisme.
L’homme est né réaliste mais la vérité romantique c’est quelque chose qu’il
cherche. Le romantisme est à la base de toutes les grandes constructions
politiques et culturelles que l’on appelle développement aujourd’hui( je ne sais
pas pourquoi), mais lorsque le romantisme s’est transformé en vérité dionysiaque
il a ravagé des cultures entières par la guerre, la prédation, le vol, les
viols, la rapine par l’esclavage, les colonisations, le règne de l’argent et de
la force obscure de la matière.
Il yen a qui ont payé le
prix, difficile de les citer ! Ils ne sont ni en prison ni sous les feux lâches
d’un peloton d’exécution. Ce sont les philosophes tardifs dont les malveillants
tentent d’assassiner la dignité. Ceux qui n’inspire pas la crainte ne seront
jamais libres. Ils risquent de « passer par les armes », la plus
cruelle des formules martiales qui défie la vérité. En ce monde il suffit de
prendre les mots au collet en n’importe quelle langue du monde pour traquer
cette vérité qui nous ridiculise tant !
Khalifa Touré
Sidimohamedkhalifa72@gmail.com
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