C’est à croire que l’on
passe souvent à coté de notre propre ombre, une sorte de dédoublement
hallucinatoire qui nous empêche de voir le réel. Est-il possible qu’une
schizophrénie collective conduise actuellement le monde ? A cause de notre
obsession politique, le réel est devenu précaire. Tout le monde s’est converti
à la religion politique.
La politique est devenue le jugement dernier, le critère
suprême avec quoi tout le monde passe à la barre de la punition, des
imprécations et des injures. Même ceux qui ne sont pas concernés passent à la
trappe des invectives venant de jeunes imberbes dans les réseaux sociaux. Seuls
les moines sont à l’abri. Un abri provisoire ! De nos jours, on est politiquement bon ou mauvais. Ce n’est
pas du manichéisme c’est de l’inculture qui s’ignore, faite de mauvaises
copies, de plagiat et de citations hors contexte, une forme d’imbécilité
contemporaine, de faiblesse d’esprit, cette maladie qui est décrite même par
les textes sacrés qui, quoi que l’on dise, évitent souvent de pourfendre
l’homme malgré « le livre de l’Apocalypse. » Cette politique-là une
maladie contemporaine qui par manque de soins s’est enkystée et a détruit
aujourd’hui les plus sages parmi nous. La sagesse n’est plus enseignée, du
moins transmise par les doctes précepteurs. La crise de l’éducation c’est le
problème de la transmission. Il n’ya plus de maitres ni de séances d’initiation.
Aucun rituel qui relie les choses à leurs principes. Même pas l’entrée scolaire.
La solution est dans l’indifférence « bouddhique »,
le quiétisme et l’engagement pour la grève morale à la Franz Fanon loin d’un stoïcisme
paresseux et du désengagement spirituel. L’exigence morale et intellectuelle (c’est
la même chose) est l’une des clefs du futur. Il y aura une grande impasse sous
forme de chaos avant l’ouverture d’une grande porte vers le futur. Chaque
ouverture est aussi une fermeture, le mécanisme du fleuve oubli est déjà passé par-là. Nous pensons être devant toutes
choses mais nous sommes encore loin de la technologie qui a bâti le sphinx et
les autres mégalithes. Pour les âmes il n’ya pas de début ni de fin, le début
étant la fin, le flux est continu. C’est l’âme qui construit les machines par
le rêve, l’intention, les visions et les
sentiments, avant que la dextérité d’une main humaine, celle de l’homo-sapiens
sapiens ne dessine la machine, d’où les arts et métiers. Les machines et les
outils, tout compte fait, nous renseignent
sur le mouvement de notre âme, de la houe à la moissonneuse batteuse, de la « traction
avant » aux engins supersoniques. Les grands bâtisseurs sont de grands
initiés, ils connaissent Dieu. La
meilleure attitude serait aujourd’hui de chercher comment s’approcher de loin
en loin du monde virtuel de la politique qui n’est plus réel.
Comme une peau de chagrin le réel s’est rétréci, ratatiné par
nos pieds bots, nos jambes ridicules et claudicantes qui dansent une mauvaise
quadrille, une danse du diable, des trépignements de Saint-Guy qui font croire
aujourd’hui que nous sommes à la fin, c'est-à-dire à la veille d’une nouvelle
ère. Nous sommes dans les derniers soubresauts du chaos qui va prendre encore
du temps. C’est peut-être cela l’optimisme réaliste, le temps de l’espérance,
le brin d’espoir qui alimente nos réserves de vie. Mais l’espoir n’est pas
l’espérance. Le monde est plus vieux que l’on ne pense, nous sommes encore plus
vieux que nos jeunes corps ne paraissent. C’est cela le problème de la
politique contemporaine. Elle est tellement petite, ridicule devant la « superficie »
des âmes qui se rappellent sous forme de réminiscences, devant les milliards
d’années d’expériences de vie. La plupart des politiciens sont de vagues
promeneurs sur une terre inconnue, parce qu’ils ne connaissent pas les secrets
de la vie et de la mort, les lois immuables qui organisent le changement du
monde visible à partir « du grand ailleurs ».
Entre l’essentialisme politique aristotélicien et le réalisme
d’Anna Arendt, il y a un couperet, une
grande condamnation de tous les héritiers politiques de l’Occident., qu’ils
soient génétiques ou coloniaux. C’est comme si les politiciens cultivés sont
condamnés dans une attitude incantatoire comme prostrés devant la
politique comme « art de gérer la
cité » et la politique comme combat et contradictions. La dialectique de
Marx n’a pas pu arbitrer cette affaire-là, le stalinisme ayant tout gâché. L’histoire ne retient que ce que nous avons
fait même si le dire est plus important que les actes. En cela la dramaturgie Shakespearienne
est-elle la solution ? « Soutenir une grande querelle » serait aujourd’hui
un combat générationnel de grandes âmes qui viennent du « passé de
l’homme» suffisamment expérimentées quelque soit leur âge social. C’est
l’expérience de la vie continue qui fait le génie. Le génie est la conscience
de la vie continue. Sinon la civilisation terrestre sera dirigée par des
insouciants qui feront semblant de nous faire avancer !
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