samedi 23 mars 2013

Chinua Achebe, Le monde s’effondre !


Chinua Achebe est mort ce 21 mars à Boston à l’âge de 82 ans. Il est peut-être l’écrivain anglophone le plus lu et le plus connu d’Afrique. Né le 16 Novembre 1930 à Ogidi en pays Ibo. Achebe d‘abord été un homme de radio. En effet il a intégré la Nigerian Broadcasting Corporation(NBC) après ses études universitaires et une formation à la BBC. Mais le virus de l’écriture la contaminé et il est devenu l’écrivain engagé qui a refusé tous les honneurs, que l’on connait aujourd’hui.

Son chef d’œuvre absolu « Le monde s’effondre » s’est vendu à plus de 12 millions d’exemplaires rien qu’en version anglophone ; excusez du peu ! Les millions de francophones qui ont lu cette « tragédie africaine » sont légions en Afrique et ailleurs. Une œuvre magistrale quoi qu’on en pense. La lecture c’est « le plaisir du texte » si l’on en croit Rolland Barthes et le moins que l’on puisse dire c’est que la lecture de Chinua Achebe offre ce plaisir supérieur propre aux écritures simples. 

Achebe n’est pas un auteur hermétique, c’était « un cœur simple » comme Guy de Maupassant, « une écriture blanche » et claire malgré ses histoires sombres et tragiques. Au  delà de cette apparente simplicité (qui n’a rien de simpliste) se déploie un talent et peut-être un génie qui vient des profondeurs, réveillé de son long sommeil par la tragédie coloniale. Achebe semble nous dire que cette Afrique là, tant décriée, est coloniale, c’est une Afrique européenne.

La mort de Ikemefuna, ce petit garçon sacrifié à l’autel des traditions, restera toujours gravée dans le cœur des millions de lecteurs de « Le monde s’effondre ». La fameuse situation des sauterelles qui envahissent et font le bonheur des habitants de Umofia reste inoubliable pour les jeunes écoliers que nous fumes dans les années 80 où l’on pouvait découvrir, par la méthode CLAD, les extraits des classiques africains. 

Achebe est un critique satirique et quelque fois acerbe de l’oppression coloniale et des dictatures africaines mais loin d’être manichéen ses héros présentent des qualités qui nous galvanisent et des défauts qui nous font douter. Okonkwo, le héros de « Le monde s’effondre » est un rebelle au sens propre, un homme dont le sens de l’honneur et le respect du pacte des ancêtres pousse au sacrifice d’un être qui lui est plus que cher « le petit Ikemefuna » son fils adoptif. Mais la loi est ce qu’elle est ! Bonne ou mauvaise c’est selon. 

Un grand écrivain c’est aussi certaine forme d’intertextualité, un « dialogue spirituel » avec d’autres âmes écrivaines. A ce propos Okonkwo est peut-être le frère Africain de Batouala, de René Maran. La rudesse, l’impétuosité et la résistance font réunir ces deux grands personnages de la littérature africaine.
 
Voilà donc un minuscule portrait de ce géant de la littérature qui est parti après une vie de lutte contre le colonialisme et les dictatures africaines. Achebe se déplaçait en fauteuil roulant depuis des années à la suite d’un grave accident.
 Merci l’artiste !

KHALIFA TOURE

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