« Moubarack Lo n’est pas un homme d’Etat »
entend-on par-ci, par-là venant surtout des
partisans du président Macky Sall. Depuis des
jours on nous rebat les oreilles avec cette formule sentencieuse comme si
Moubarack Lo était un homme d’Etat. Même des membres du gouvernement ont
succombé à la tentation oubliant par la même occasion que pour un homme d’Etat
il est des tentatives qui frisent la tentation. Un homme d’Etat est un
funambuliste qui risque à tout moment de tomber. C’est d’ailleurs la raison
pour laquelle on devrait être indulgent avec lui. Ils le disent avec fréquence
et maladresse comme si Monsieur Lo avait été homme d’Etat dans le passé et qu’à
partir d’un incident (cette histoire de texto que le président Sall lui aurait
envoyé), il ne l’est plus. Bien sûr que non, Moubarack Lo n’est pas un homme d’Etat. Mais Il ne l’est
pas pour le fait d’avoir divulgué le contenu d’un message que le responsable
suprême de ce pays lui aurait envoyé. Non, que non ! C’est à rire à toutes
dents. Moubarack Lo a été sûrement un homme de…l’Etat mais pas pour autant un
homme d’Etat, voyons ! Ce n’est même pas une nuance. C’est une précision
importante qui n’a rien à voir avec un jeu de mots. On peut avoir été directeur
ou chef de cabinet de tel ou tel ministre important, participé à des missions
importantes à l’étranger (d’ailleurs pourquoi toujours à
l’étranger ?), conseiller officiel ou occulte d’un chef d’Etat sans être
un homme d’Etat. Depuis quelques temps il est à remarquer qu’au Sénégal on
s’amuse avec certaines appellations. Des mots qui font même notre raison de
vivre ensemble dans l’espace public sont mal définis afin de créer un
brouillage sémantique. Aujourd’hui telle personne est un homme d’Etat, telle
autre est un héros. On en a même vu qui sont des légendes vivantes. Il
s’en est fallu de peu qu’ils soient des mythes. Le seul mot que les sénégalais
évite comme la peste c’est « Martyr ». Personne ne veut mourir à la
place des autres. Il faut vivre assez pour récolter le fruit de ses actes. Il y
en aura toujours qui ne veulent pas que les choses soient claires. On oublie
souvent que le « bien-nommer les choses » est un signe d’honnêteté,
un acte moral. Notre lien indispensable à la vérité en dépend nécessairement. Mais
bof ! La Vérité est une question qui n’intéresse plus grand monde, à part
les philosophes et les théologiens. Il est à remarquer que depuis le début des
années 2000, personne ne sait pourquoi, il ya comme une fièvre nationale dans
les nominations et appellations. L’élite intellectuelle est gagnée par un
fétichisme du titre, une forme de faux narcissisme qui dénote non
pas un amour immodéré pour sa propre personne mais une sorte de sottise que
l’on appelle en bon français « fatuité ». La plupart de ces hommes (rarement
des femmes) qui se font appeler docteur sont des fats. Je n’ai jamais entendu
dire docteur Abdoulaye Bara Diop, docteur Boubacar Barry ou docteur Souleymane
Niang. Même le président Lamine Gueye est titulaire d’un doctorat. C’est
seulement en cette période de décadence
morale et intellectuelle que des sociologues, politologues, et juristes politiciens
ou pas, se font pompeusement appeler docteur. Vous les voyez alors se
pourlécher les babines, jouissant « bébétement » de ce titre sans
contenu. On peut être docteur sans être un docte. C’est alors qu’arrive encore Moubarack, qui
n’est présent ici qu’à titre indicatif. On le présente toujours comme
économiste alors qu’il est statisticien. Le plus grave est qu’il est consulté
sur des questions macro-économiques. On ne lui connait aucune contribution
décisive à la Science économique africaine. Il ya certes des
« économistes » comme Alain Minc et Jacques Attali qui n’ont pas une
formation d’économiste à l’origine. Ils viennent tous les deux ingénieurs des
mines à l’origine. Mais ils ont tellement
contribué au débat économique de leur pays en termes d’articles de références,
de livres et d’études qu’ils peuvent tenir la dragée haute à n’importe quel
économiste. Un économiste est un intellectuel qui travaille sur l’économie,
contribue de façon significative à la théorie ou à la modélisation même s’il
est autodidacte. Tout le monde a entendu un quidam affirmer à travers une
chaine de télévision que Monsieur Lo est tellement instruit qu’il ne peut avoir
aucun respect pour le président Macky Sall ; vous vous rendez compte !?
Monsieur Lo n’est pas homme d’Etat ! Mais là n’est plus le problème. Le problème
est la crise de la vérité, la simple vérité. D’ailleurs, à quoi ça sert d’être
un homme d’Etat ? Les hommes d’Etat sont-ils forcément des hommes
vertueux ? Notre fameux Daaw Demba Xureja Kuli Dammeel
du Kajoor, un prédateur tyrannique, n’était-il pas un homme d’Etat ? Le
Cardinal de Richelieu, Mazarin et le célèbre Talleyrand «le diable
boiteux » ont-ils fait que du Bien ? Personne ne peut imaginer
aujourd’hui leurs diableries, crimes et machinations en tout genre. Lisez
« Diplomatie » de Henry Kissinger, pour s’en convaincre. Ces hommes,
y compris Kissinger dans une moindre mesure, représentent la face nocturne de
l’Etat. Ceux qui aiment aborder l’Etat sous l’angle de la bête, voilà leurs
références. Le célèbre Jean Collin et même Monsieur Djibo Leyti Ka, qui défraye
la chronique ces derniers jours sont de cette étoffe, même si c’est d’une
étoffe plus légère. D’immenses hommes d’Etat comme les présidents Abraham
Lincoln, Woodrow Wilson et Mamadou Dia ont eu une approche diurne de l’Etat. Un
homme d’Etat est un homme qui a exercé des fonctions étatiques importantes qui
l’ont fait entrer dans l’histoire. Faire l’histoire est un critère important en
la matière. Point n’est besoin d’être ministre ou sous-ministre pour être homme
d’Etat. On n’oublie souvent que la fonction ministérielle est un rôle
subalterne même dans les grandes démocraties. C’est la raison pour laquelle
beaucoup de ministres ou supposés hommes d’Etat seront vite oubliés dans un
avenir proche.
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