Il est à croire que le mois de Septembre est frappé du sceau
du malheur, de la mort et du mauvais sort. En témoignent les événements innommables
qui se sont déroulés à Mina lors du grand pèlerinage. Ce n’est pas rien qu’un
mouvement de résistance palestinien est appelé « Septembre noir ». Un
grand poète qui est loin d’être superstitieux a écrit ces mots très étranges : « La
mort nous étreint sous le règne pompeux de l’été !» Lisez par ailleurs « La
mort en été » du Japonais Yukio Mishima, vous saurez que la mort est un
phénomène étrange, quotidien mais surtout atmosphérique et pourquoi pas astrologique.
C’est à croire que notre mort obéit à un Almanach divin. Lorsque l’Epitomé est déroulé,
notre fin prochaine apparaît sous le signe de la décision irrévocable. Le
calendrier de la mort est particulièrement « lourd » pour le mois de
septembre du moins pour les grands hommes mais aussi pour les grandes affaires.
Septembre a vu se décrocher des étoiles parmi les plus brillantes du firmament
de la grandeur : Cheikh Abdoul Aziz Sy Dabagh, Ruben Um Nyobé, Salvador
Allende, Mao Tsé Toung, Lamine Senghor, la liste est très longue. Pour ceux qui
ont horreur de la mystique cette chose est reconnue par les historiens sous le
nom de rémanence. Ce phénomène qui a troublé les scientifiques les plus
sceptiques peut faire dire que Mina -2015
qui a vu se faire piétiner des centaines de pèlerins dépassent le simple drame.
Nous avons eu affaire à une tragédie saoudienne. Des bébés écrasés, ratatinés
par une foule en panique, des vieillards et handicapés écrabouillés par une
masse en détresse ont fait se braquer les regards éplorés des croyants vers le ciel, mais rien empêche de baisser les yeux
vers la terre peuplée d’êtres humains au
comportement exécrable.
Ces événements révèlent de façon cinglante et douloureuse
l’incurie d’une monarchie absolue complètement en déphasage avec les réalités
et les aspirations de la Umma Islamique. S’il est vrai( c’est à vérifier) que
cette bousculade a été provoquée par l’impolitesse d’un prince qui s’est arrogé
le privilège d’aller à la séance de lapidation de Satan en fermant les issues
de secours pour être à l’aise, il ya lieu de rappeler que le prophète Mohamed
lui-même (Psl) a eu le pied douloureusement piétiné par un bédouin ignorant
lors d’une séance de circumambulation de la Kaaba. Autant dire que le Saint Prophète ne
s’est jamais offert de privilèges. Il faisait comme le commun des mortels lorsqu’il
s’agissait des actes d’adoration commune. Mais à quoi bon rappeler ces récits
prophétiques ? Ils les connaissent autant que nous.
Il est à s’interroger sur les personnes qui dirigent ce
régime dont l’une des fonctions principales est de servir les deux lieux saints
de l’Islam. Une entreprise très lucrative et symboliquement très forte qui leur
a permis de régner depuis le pacte fondateur du Royaume entre l’ancêtre des
Saoud et Muhammad Ibn Abdoul Wahab, le fameux restaurateur de dogmes. Il est à
croire qu’il ya quelque chose qui n’est pas clair en ce royaume qui est le
chantre du conservatisme. Comment peut-on expliquer cette frénésie à
« moderniser », construire et élargir l’espace sacré de la Kaaba.
Rappelons qu’il ya bien des années lorsqu’ils ont voulu déplacer le
« Maqamat Ibrahim » qui se trouve pas loin de la Kaaba, El Hadji
Ibrahima Niasse du Sénégal était l’un
des rares savants musulmans consulté par le régime saoudien pour donner
un avis juridique sur la licéité ou non
de déplacer ce symbole abrahamique. Le Cheikh avait donné un avis défavorable
avec fort arguments. Tout pour dire que le conservatisme a son coté positif. Au
rythme où vont les choses il ya des risques de voir le principe de l’ouverture
dominer le principe de fidélité. Or l’Islam a la particularité de fonctionner à
« l’Ijtihad » mais aussi au traditionalisme et à la sacralité.
Beaucoup de sénégalais sont prompts aujourd’hui à émettre des critiques quelques fois anti-arabes à l’endroit des Saoudiens
oubliant que nous sommes le seul pays musulmans où on entend dire qu’on peut aller
à la Mecque mais qu’il ne faut rien y copier. Certains poussent l’outrecuidance
jusqu’à attribuer ce propos à un grand dignitaire religieux du Sénégal. La tragédie
de Mina c’est aussi le récit macabre de la désunion des musulmans. La colère des
iraniens qui ont malheureusement eu un lourd bilan est totalement compréhensible mais il est inacceptable que cette macabre affaire soit oubliée au
profit de la géopolitique et de la vieille rivalité entre Sunnites et Chi’ites,
deux écoles qui sont en guerre à travers le conflit yéménite. La sacralité de
l’Islam souffre beaucoup de la surpolitisation d’une part et des phénomènes
liés sociologie. Au Sénégal le pèlerinage est devenu un simple acte
d’accomplissement social. Beaucoup de pèlerins sont religieusement et
physiquement inaptes au Hadji. Il ne reste qu’à prier pour les morts.
Amine !
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