Malgré toutes les querelles de chapelle liées à son sujet,
l’écrasante majorité des savants musulmans
de quelque obédience qu’ils soient acceptent le soufisme tant qu’il soit la
purification du cœur contre les mauvais penchants au moyen d’une science gnostique dérivée d’Al
ihsan qui peut être défini comme
l’embellissement de tous les actes d’adoration. Le soufisme est donc une valse
mystique entre l’esthétique et l’éthique. Mis à part quelques radicaux
commentateurs contemporains, tous les musulmans acceptent le soufisme même si
c’est avec des réserves. Mais il est tout aussi rare de trouver des savants
musulmans qui adhèrent à toutes les formes de soufisme. Leurs éminences Seydi
Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadji Ibrahima Niasse ont tous les
trois écrit des textes spécifiques sur les critères d’un cheikh authentique et
les caractéristiques d’un imposteur. Je vous renvoie à « Kifaayatu
Raghibiin » de l’érudit de Tivaouane. Ils étaient tout simplement
confrontés à des tendances déviantes. Un éminent Tidianite comme Baye Niasse
est allé même jusqu’à affirmer que Cheikh Sidy Mokhtar Al Kounti (1730-1811)
qui est l’un des plus étincelants pôles de la Qadiriya est l’un des rares guides
qui peuvent conduire le mouride (l’aspirant) vers Dieu. Plus récemment, Serigne
Mansour Sall l’actuel Khalif de Serigne Abass Sall a écrit un livre intitulé
« Le Soufisme, avantages et inconvénients ». Un ouvrage courageux où
il s’attaque particulièrement au soufisme philosophique dérivé d’Ibn Arabi Al
Khatimi. Pourtant Serigne Mansour Sall est adepte du Tidianisme, disciple de
Cheikhna Ahmed Tidjani qui se référait à Ibn Arabi que le marabout, philosophe
et théologien se permet d’égratigner. Cela ne doit pas étonner ! Il en a
toujours été ainsi. La génuflexion totale devant les maîtres n’a jamais
prospéré en Islam. Imam Chaafi’i disciple de l’éminentissime Imam Malick
n’a-t-il pas dit lorsqu’il a rencontré le savantissime Layth Ibn Saad, que ce
dernier est plus fort que Malick dans le domaine du Fiq. Imam Ghazali qui est
soufi et philosophe ne s’est-il pas fendu en un ouvrage devenu célèbre
« L’erreur des philosophes », alors qu’il est philosophe lui-même. Il
s’attaque tout simplement à la spéculation stérile et débordante des
philosophes sur des sujets non-philosophiques. Ce n’est pas parce que l’on
s’attaque aux déviances du soufisme spéculatif qu’on n’est pas soufi. Le Cheikh
Al Islam Ibn Taymiya (hanbalite
du 14ème siècle) a une filiation spirituelle avec le grand maître Abd al
Qadir al-Jilani ( 12ème Siècle)malgré
ses critiques contre les soufis déviants de son époque. Son disciple Ibn Qaim
Al Djawziya n’a-t-il pas écrit « Les sentiers des itinérants » qui
est un remake d’un célèbre ouvrage soufi écrit par Cheikh Harawi. Toutes leurs
pratiques spirituelles viennent d’Abd al Qadir al-Jilani, qui officiait un
soufisme salafien, c'est-à-dire un soufisme des anciens hérités de l’Imam Ali, Hassan
Al Basri, Habib Adjami, Daouda Ta’i, Sirri Saqati, Mahrouf Al Karhi et le fameux
Djouneydi. Un autre courant représente le soufisme sunnite des Ghazali, Aboul
Hassan Shazali et autres et puis ensuite le soufisme philosophique de Mansour
Khalaj et Sohrawardi. La plupart des pratiques spirituelles et méthodes
éducatives de ce qu’on appelle aujourd’hui « Mouvement islamique »
dont les Ibadous sont apparentés viennent des enseignements d’Abd al Qadir
al-Jilani. Lisez les ouvrages de Cheikh Abdessalam Yassine de « Al Adl Wal
Insane » du Maroc. Imam Hassan Al Banna fondateur des frères musulmans a
passé six années dans une confrérie(Tarîqa). La célèbre Zeynab Ghazali
présidente du « Mouvement des femmes » affilié aux frères musulmans
d’Egypte a écrit dans « Des jours de ma vie » que le prophète
Muhammad (PSL) lui a rendu visite en prison à trois reprises lorsqu’elle était
aux prises avec ses tortionnaires. On sait aujourd’hui ce que beaucoup des
musulmans littéralistes pensent de la vision du prophète PSL. Il a fallu que le
très encyclopédique Djalal Ad-din Souyouti rende hommage au grand soufi Abdou
Wahab Shahrâni en dirigeant sa prière mortuaire pour que l’on sache que ce dernier n’était pas un
déviant et que la vision du prophète est une réalité. Pourtant ces leaders sont considérés comme des
« ibadous » qui combattent les soufis. D’où viennent ces confusions
et malentendus ? Au reste le disciple Qadir qui pratique les 200
AstaghfiroullAh Al’Azim, 200 KhasbounAllahou Wa Nihmal Wakil ,100 La illaha illalah Al Malikoul Khaqqoul Moubine,
100 Salatou hala Nabi à chaque prière canonique n’a pas le temps de poser des
bombes. La fréquence journalière du Wird Tidiane n’autorise aucun écart s’il
est respecté! Les nombreuses Salatoul Fatiha et la quantité importante de
Djawhratoul Kamal sont suffisamment « contraignantes » pour éviter
les dérives. Mais tous les adeptes des confréries ne sont pas des soufis et il
ya des soufis non confréristes. N’oublions pas qu’aux temps anciens le soufisme
était une réalité sans nom. Il peut devenir un nom sans contenu. La méfiance
des confréries devrait aller plutôt à contre-sens du discours actuel qui veut
que le soufisme soit la panacée face à cette nouvelle forme d’irrédentisme
religieux qu’est le terrorisme islamiste. Le soufisme comme solution peut
présenter des limites lorsqu’il n’est pas compris, approfondi et appréhendé
selon les réalités de notre temps :- Pour l’occident, le soufisme est une solution
opportuniste. On n’a pas besoin de « l’extrême onction » de l’occident
pour croire à la pertinence des Tarîqa. Si le soufisme prend une tournure
politique ou se pose en alternative civilisationnelle avec des programmes
culturels qui touchent les centres de diffusion du pouvoir dans le monde, il sera
farouchement combattu comme l’ont été El Hadji Oumar, Mamadou Lamine Dramé
(1840, 1887) et Maba Diakhou Ba qui sont des soufis-guerriers. Que Cheikh
Ahmadou Bamba et El Hadji Malick Sy soient aujourd’hui la solution selon les « nassara » est vraiment
risible ! Non seulement ils le disent contre mauvaise fortune bon cœur mais
il ya surtout que ce discours permet à « l’occident » d’entrer à
nouveau contact avec les disciples de leur anciens ennemis et s’offrir par la même
occasion une tribune pour dérouler leur programme. Même le très récent Mame
Abdou Aziz a été convoqué par les colons, tout simplement parce qu’il s’était
rendu à Touba auprès de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké. On oublie que le
preux Cheikh Hamala qui a été déporté en France est un Tidiane onze grains. Le soufisme en vérité est un rempart contre la
crise métaphysique qui frappe le monde, l’extrémisme et l’injustice. C’est une
flamme secrète qui brûle dans le cœur des pèlerins qui cheminent vers Dieu.
Khalifa Touré
776151166/709341367
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RépondreSupprimerMême en tant que solution a la va-vite, l'Occident s'en féliciterait d'avoir l'occasion a nouveau d'orchestrer un ballet diplomatique pour arrimer le soufisme aux fins d’étouffer tout autre courant "subversif"... La nature a peur du vide dit-on... Il est du ressort des représentants de l'ordre soufi, de ce qui reste, de faire figure de proue et ne point se laisser manipuler...
RépondreSupprimerCet avantgardisme commence d'abord au plan local, par ou nos peaux noirs a masques blancs font pied de grue dans la reconnaissance objective de ce leadership méritoire de nos leaders soufis... Utilisés plus que servis dans leur rôle de régulateur social...