«En ce monde difficile
(…) nous pouvons puiser dans les vertus profondes de notre Peuple, une force
qui nous permettrait, quels que soient les aléas de la vie, d’être parmi les
forces émergentes de l’humanité» »
Mawade Wade Rufisque
1976
Voici Mawade Wade, l’homme à la voix trainante et tonitruante,
à la diction plaisante et intrigante. La passion-football faite homme, le
panafricaniste méconnu, l’homme de gauche aux engagements révolutionnaires,
l’anti-colonialiste invétéré… Mawade Wade n’était pas une réputation surfaite,
un faux savant mais un homme authentique
et enraciné…dans le Walo, le Fuuta. Mawade avait du métier, ce métier
d’instituteur-pédagogue qui a fait de lui un coach talentueux presque génial.
Il avait sa méthode, une dialectique du
football. Plus que le ballon c’est l’homme qui importe.
« Ma », comme ses amis le surnomment, est un grand
Sénégalais, un entraineur exceptionnel, un éducateur, un formateur dont la
science a beaucoup servi le football mondial en tant qu’expert de la FIFA, en
sa qualité de défenseur teigneux des intérêts du football Africain. Mawade a
rejoint la Confédération africaine de football (CAF) en 1970. À Yaoundé, en
février 1972, il contribue, avec l'Éthiopien Ydnekatchew Tessema et l'Algérien
Mohamed Maouche, à l'élaboration d'une nouvelle «loi fondamentale » pour
l'organisation du football continental.
Cet ancien instituteur a fondé et « entrainé » le Réveil de Saint-Louis de 1950 à 1965. En 1966 il est nommé directeur technique de l'équipe
nationale, en compagnie du Dakarois Lamine Diack et du Thiéssois Jo Diop.
Mawade Wade est surtout connu du grand public comme un grand
entraineur de football. Pour ceux qui ne le savent pas Mawade Wade fait partie de ceux qui ont découvert, encadré et
valorisé le fameux Oumar Gueye Sène,
l’un des meilleurs footballeurs africains de tous les temps. Baba Touré qui vient de nous quitter,
sans nul doute le meilleur footballeur sénégalais, occupait une place de choix
dans son cœur. Il aimait les artistes du ballon comme Séga Sakho.
Auparavant il a vu passer sous son regard expert les plus
illustres noms du football Sénégalais des années 60 et 70 : parmi eux Louis Camara, Matar Niang, Fadel, Yatma Diop,
Saliou Cissé Chita, Baye Moussé Paye «Takac», Demba Thioye, Oumar Guèye Samb,
Bamba Diarra, Locotte, Mame Touty, Petit Guèye, Yérim Diagne, Yatma Diouck,
Léopold Diop etc. Plusieurs générations de sportifs sénégalais ont bénéficié de
son expertise. Et cela des années 50 aux années 90. Quelle longévité !
Mawade
était surtout un concepteur et un théoricien de la pratique footballistique en
tant que fait social aux soubassements politiques. A Rufisque en 1976 Il dira lors d’une sortie publique ces propos
étincelants de vérité : «Je ne cours pas après le ballon, je cours après
les hommes qui courent après le ballon, parce que ces hommes c’est l’écrasante
majorité de la jeunesse de mon pays, parce que ces hommes constituent le levain
de mon Peuple.»
Mais
Mawade Wade avait surtout une conscience de classe très aiguë, un esprit
rebelle, un militantisme farouche pour l’indépendance africaine. Mawade était
un proche ami de tous les grands leaders africains qui prônaient l’indépendance
immédiate.
Révolutionnaire
au tempérament hors norme, cet adepte de la dialectique considérait à juste
raison qu’une bonne politique
footballistique et même sportive est inséparable du projet de société qui
gouverne un pays. C’est une société
en crise qui provoque la crise du football. Le football n’est pas la cause mais
la conséquence. Aujourd’hui, nombreux sont les Etats africains qui
appliquent la vieille théorie de la fraction en oubliant que la société est un
tout. Mawade était un visionnaire passionné, un homme à l’âme fêlée dont les
propos et les actes étaient parfois incompris. Considéré parfois comme un anticonformiste,
il a par moments été victime d’ostracisme partout où il a trainé sa vieille
carcasse de saint-louisien walo-walo originaire du Tékrour des fiers guerriers
et des saints.
Mais
toute histoire se termine fatalement un jour ou l’autre. Mawade sentait le mal
depuis quelques temps. Le 11 Août 2002 il est violemment frappé d’un AVC. Il
perdit l’usage de la parole. Cette parole qui était le signe particulier de
l’homme. Dans la nuit du 14 septembre de
la même année la voix la plus haute du football africain s’éteint à jamais.
Il a été assisté par les siens jusqu’à
son dernier souffle.
Quelques
jours avant son ultime voyage, la CAF, avec à sa tête Issa Hayatou est venue à
son chevet. Mawade Wade est sans conteste l’un des plus illustres Sénégalais du
siècle dernier. Mais son combat pour l’édification d’une nation libre et
épanouie reste méconnu et sa mémoire n’est pas suffisamment célébré dans son
pays natal. Dommage.
Salut
l’artiste, repose en paix !
Khalifa Touré
sidimohamedkhalifa72@gmail.com
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