mardi 11 octobre 2016

Sénégal : A quand la grande querelle ?






« Être grand, c’est soutenir une grande une grande querelle » William Shakespeare

Il existe des peuples traversés par la colère. Le mauvais sang leur monte vite à la tête. Ils sont gouvernés par la bile, cet organe dégtant et indispensable. Ce ne sont pas les velléités du cœur et de la tête qui agissent ici ! Rien à voir avec les tribus guerrières du désert ou l’hostilité des gens de la forêt. Ces peuples ont leur bon côté !   
Même la savane et les steppes ont leur lot de violence atavique. Mais la violence est surtout politique, il ne faut pas s’y tromper. L’instinct de domination politique a généré plus de violence que l’injustice, elle-même. La géographie et le climat n’expliquent pas tout dans le caractère et le tempérament. Tout cela est mystérieux !
Qui a dit que les Wolofs, par exemple, sont congénitalement pacifistes ? S’il y avait suffisamment d’armes à feu au Cayor, de Lat Soukabé Ngoné Dieye à Diéri Dior Ndella, les Wolofs, du moins ceux du Cayor, auraient disparus. Quatre siècles de violence meurtrière, de viols, de rapines et de gestion tyrannique du pourvoir, entrecoupées de périodes fastes à la Biram Ndjémé Coumba, ont failli avoir raison des Wolofs du Cayor. Ce fut à la sortie de la période « lamanale »  aux temps de Leulé Fouli Fak et Détié Fou Ndiogou jusqu’à la fin du cycle Ceddo qui ne s’est éteint qu’au début du XXème siècle. C’est très récent ! Une véritable guerre des quatre cents ans ! Figurez-vous,  les génocides sont presque impossibles sur une longue période. Ils  tombent comme un couperet.
Mais les peuples ont du génie, ils possèdent une grande capacité de régénérescence. Les peuples sont comme des sphinx qui renaissent toujours de leurs cendres. Les peuples ont une grande peur de l’anéantissement. Alors la disparition totale devient impossible.
Sur le bord du précipice, le Sénégal a donné naissance aux saints Marabouts, grands prieurs, jeûneurs infatigables, adeptes du silence et de la contrition, de la retraite et du cloître, qui ont répandu leur magnétisme spirituel et mystique sur les terres sablonneuses du Cayor, les berges fertiles du Fouta, du Waalo, les contrées caillouteuses du Guidimakha jusqu’à la forêt mystérieuse du Pakao.  Ce fut la plus grande querelle. Elle a été menée par une sédimentation successive de leaders, de saints marabouts très différents selon les époques, dont les tout derniers ont réussi à faire de l’Islam non plus seulement une religion de l’élite royale mais une affaire du peuple. Une grande querelle qui a pacifié et assagi les Ceddo.
« Pour être grand, il faut soutenir une grande querelle. » Qadi Ammar Fall, Thierno Souleymane Baal, Ahmadou Ndack Seck, El Hadji Malick Sy, Ahmadou Bamba Mbacké, et Cheikh Abdallah Niasse ont soutenu une grande querelle. Une querelle de type philosophique, mystique et intellectuel. Ils ont su prendre les cœurs selon une science gnostique que seuls les ermites adorateurs de Dieu  connaissent. Pour conquérir le monde, il faut se détourner du bas-monde. Et les cœurs des gens de ce sous-monde viendront à vous selon un puissant magnétisme que seuls les grands amoureux peuvent dégager. Depuis lors il n’ya jamais eu de querelle de cette dimension, une guerre aux dimensions  intellectuelle, mystique et culturelle à la fois. Les autres querelles suivantes ont été dominées par de grands intellectuels : Léopold Senghor, Cheikh Anta Diop, Majmouth Diop, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly. C’est la querelle des indépendances. Elle a été ferme pour les uns et ambigüe pour les autres. Ce ne fut pas véritablement une grande querelle.

La prochaine grande querelle touchera les racines de notre culture ou ne sera pas. Elle sera une guerre du bilan de notre « culture sénégalaise ». Une querelle autour du droit d’inventaire de nos différents choix de vie à travers l’histoire récente. Une querelle de la mémoire ! Un peuple qui ne connait pas la vérité de son passé est obligé de mentir sur son avenir ! Ce n’est certainement pas le développement qui sera le « baromètre d’évaluation. » Le développement à quoi ça sert ? Personne ne sait ce que c’est que le développement. Tout ce qui compte c’est le bonheur qui n’est pas une notion abstraite. Allez dire  aux éclopés de la vie, les damnés de la terre, les mendiants, les clochards et les casseurs de pierres que le bonheur est une idée abstraite !  Ils attendent tous la grande querelle qui changera la vie et se détournera des vaines colères de l’actualité.

Khalifa Touré

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