mardi 28 février 2017

Pourquoi le débat politique est il si faible?(1)




La faiblesse du débat politique est constatée un peu partout dans le monde. La chute du mur de Berlin n’explique pas tout. La supposée fin des idéologies n’a pas du tout arrangé les choses. Les grandes querelles se déportent vers le monde arabe et l’Atlantique témoins du choc brutal des peuples en migration.

Au Sénégal il ya certainement cinq grands penseurs politiques qui ont nourri  de façon significative le débat politique  depuis les années 50, il s’agit de Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop et Majmouth Diop. Abdoulaye Wade avait certainement l’étoffe d’un penseur politique mais il fut surtout un homme d’action, un virtuose de l’action politique. Cet homme aurait pu être le meilleur,  s’il était bon ! Le SOPI fut une option, une idée politique malheureusement reçue et réalisée sous forme de slogan. Les partis politiques nés au 19eme se sont toujours nourris de la pensée politique d’intellectuels résolument partisans.  Les penseurs partisans sont à la politique ce que l’oxygène est à la vie.  La politique se meurt parce qu’il n’ya plus de penseurs de parti.

 En France, « le pays le plus politique d’Europe » selon Karl Marx, il n’ya plus de penseurs de parti, même pas à gauche. Les Alain Badiou et autres sont des penseurs politiques de gauche et non des penseurs de parti. Ils ne sont pas partisans. Le seul penseur de parti en France est un homme de l’ombre qui écrit des bouquins polémistes mais pleins d’idées politiques et cet homme vient de l’extrême droite, il s’agit de Patrick Buisson. Mais chose étrange Patrick Buisson n’est pas adepte des partis, mais fidèle à ses idées si tant est qu’un parti de droite peut en être le terrain d’expérimentation. Un penseur de parti est un homme individualiste, libre, qui travaille seul et qui a des convictions profondes. Lorsqu’il a un tempérament  solitaire il peut être dangereux parfois. Mais les plus dangereux, et les plus nocifs sont les intellectuels qui pensent qu’ils sont des penseurs de parti, en vérité des jouisseurs qui prennent leur pied à manipuler le Président de la République. Ils sont souvent intelligents et bardés de diplômes. Il y en a eu beaucoup autour de George Bush fils (Richard  Perle et Paul Wolfovitz). Quant à Obama, il  a gouverné sans un seul intellectuel de parti. Bill Clinton doit sa réussite et sa popularité toujours grandissante aux idées qui lui viennent du redoutable philosophe américain Michael Walzer. Les années Reagan se sont nourries des thèses Walrassiennes de l’économiste Milton Friedman. Même les papes les plus insignes ont eu des maitres et les politiciens d’aujourd’hui poussent la fatuité  jusqu’à refuser des maitres, sous prétexte de démocratie et d’égalitarisme. Tout le monde connait l’approche thomiste d’un Benoît XVI qui lui vient certainement de l’étude fréquente de Saint Thomas l’un des plus grands philosophe chrétiens avec Saint-Anselme et certainement Saint-Augustin.

Il est difficile aujourd’hui d’attribuer un qualificatif à un politicien. Ils  sont inqualifiables, inclassables et cela ne fait pas d’eux des iconoclastes de la politique.  Ils sont incolores, inodores, insipides. Des qualités qui ne sont bonnes que pour l’eau, source de vie. Qui les a influencés ? Personne ne sait. Les influences claudéliennes et la lecture fréquente du Père Pierre Teilhard de Chardin par Léopold Sédar Senghor sont connues. L’économiste François Perroux et les grands humanistes musulmans entre le IX et XIIIème siècle musulman ont forgé  le président Mamadou Dia…   

Il est vrai que la tradition des précepteurs est consubstantielle à l’esprit aristocratique et comme les hommes n’aiment plus la grandeur et la noblesse ils se targuent tous d’efforts personnels. « Je me suis fais tout seul » entend-on souvent dire. Rien de plus faux. Les self-made-men n’existent pas, c’est une création factice qui nous vient de l’ultra-individualisme anglo-saxon. Personne ne peut se faire tout seul. C’est juste une manière de créer de faux héros qui n’ont jamais renoncé à quoi que ce soit. Ils sont juste chanceux et maitrisent les secrets de la fabrication de la réussite sociale.

Lorsque la politique a cessé d’être une activité de culture liée à la civilisation le débat est devenu de faible intensité, les hommes politiques au Sénégal,  en France aux États-Unis, parlent comme des présidents d’Association ou de futurs premiers ministres. Ils sont incapables de décliner des options philosophiques à caractère moral sur de grandes questions liées à la vie en commun. Un pays africain du nord a convié Emmanuel Todd et son équipe de venir se pencher sur la démographie, parce que le taux de natalité baissait de façon inexplicable. Lorsque les questions liées à vie, à la fin de vie, à notre être avec les autres peuples ne nourrissent pas le débat politique, le volume devient faible et influence par « ricochet » les autres sphères d’idées. Mais qu’ils sont nuls comme leurs pattes et ennuyeux à mourir certains de nos artistes, avocats, journalistes, étudiants et syndicalistes qui prétendant convertir les politiciens qu’ils jugent corrompus. Aucun d’entre eux ne peut débattre avec Abdoulaye Wade,  Jean Paul Dias, Me Doudou Ndoye ou Mamadou Lamine Loum. Mais se mesurer à la médiocrité n’est pas une ambition. Il est loin la période où le journaliste Daouda Ndiaye faisait parler sur un même sujet Tidiane Sylla ministre du tourisme, les professeurs Babacar Kanté, Hamady Aly Dieng et Mouhamadou Moustapha Kane.

Alors dans ce contexte d’anti-intellectualisme des partis politiques, quel est le travail des Diène Farba Sarr, Luc Sarr ou El Hadji Kassé à l’APR, Hamidou Dia près du président Macky Sall, et Pierre Sané au PS ; que font-ils réellement ?  (Une affaire à suivre)

Khalifa Touré

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