lundi 27 mars 2017

Oraison funèbre pour Cheikh Ahmed Tidiane Sy, le dernier des grands parmi les poètes





Ô grand esprit magnifique ! Es-tu celui qui était là lorsque rien n’était… Sauf la face Sublime de l’Etre Suprême.

Ton odyssée à travers les corps, les âges, les époques, les climats et les saisons nous reste inconnue aujourd’hui tombée dans les abysses de l’insondable Mystère. L’Homme cet inconnu ! Tu es encore parti pour toujours noyé dans la totalité de l’humanité ultime. Comme le général à la crosse d’ivoire Patton  le preux chevalier tombé après la guerre, l’âme ne soutenant plus la vie monotone de cette paix factice :
A travers l’enfantement des siècles
Au milieu des pompes
Et des vicissitudes de la guerre
Je me suis battu
J’ai lutté désespérément
Et mon sang a coulé des milliers de fois sous les étoiles
Comme tout au long d’une route éternelle
De voir cette lutte immémoriale.
J’ai combattu sous bien des noms
Sous bien des costumes.
Mais c’était toujours moi. »

Enfin pour toi mais hélas pour nous ! Reviendras-tu imparfait, insatiable et soucieux, sous d’autres formes ? A l’orée du Sahel, dans cette ambiance crépusculaire, l’esprit fatigué par les allées et retours incessants s’est enfin libéré des velléités de la corporéité. Libre enfin de toute attraction, dansant allégrement, trépignant vigoureusement, gambadant à souhait, bondissant à jamais et chantant gaiement le Nom Inconnu. Cent vingt neuf mots (129) de l’Attribut de la Subtilité ( Ya Latif) pour dire notre tétanisation devant l’événement comme Mansour Halladj l’incompris devant la Kaaba, pendant longtemps. A l’image de Samy Davis Junior le génial nègre danseur que tu as chanté en l’un de tes poèmes mystiques lui intimant l’ordre de claquer les talons en l’honneur des houris femmes du Paradis.

Qui se souvient de  cet inconnu, Apôtre magnifique de Jésus fils de Marie ? Disparu pour de bon, ô esprit divin tu as tenu l’outre pleine d’eau auprès de l’homme qui a marché sur l’eau par la volonté du Nom Suprême. Tu étais là bien avant les siècles derniers  comme Souheyl Abdoulahi Toustéri qui dit se souvenir de Yawma Alastou le grand jour où toutes les âmes ont acquiescé. Ta fascination pour Issa Ibn Mariam, le Souffle de Dieu, a valu à Aldo Moro prince-martyr d’Italie le secours possible du prophète Muhammad Le Paraclet, Paix Bénédiction et Salut à son âme pure.

Ô grand esprit ! Pourquoi tant de tourbillon de la pensée ? La déroute des faibles d’esprit t’a valu bien des reproches. Le coq à l’âne des sottes gens parmi les hommes est une symétrie du langage mystique dans ton vocabulaire qui défie la pesanteur pour entrer dans l’abstraction. Tu as défié l’intelligibilité de façade par la Mahrifa, la métaphysique et la cinquième dimension. Sorti de l’ombre de la retraite et de l’incubation mystique tu nous libéré du Nassoute entrainé, exercé, accoutumé au Lahout, au Djabarout, au Malakout et même au Haahout. Ceux qui doutent de la science de Barhama, Abdessalam Yassine, Djeylani et Tidiany seront privés de Mahrouf Keurhi l’ancien.  Par toi nous sommes habitués à l’au-delà, le côté caché des choses,  l’esprit universel mais surtout le ZIKR cette voix de l’univers.  Quelle est cette voix inaudible qui susurre à notre oreille la gravité des choses  et des êtres ?  Quelle est cette voix qui nous dit qu’elle est la voix d’une autre voie plus haute que la voix d’Oumm Kalthoum ? C’est le ZiKR. Il ya autant de voies que de pèlerins.
Ô grand esprit tu as parlé à travers Siisa le fils d’Adam, Idriss Enoch Eukhnoukh Kheunoukh le céleste homme aux noms multiples, Ouzeyr le sauveur de la Thora, Socrate le monothéiste, Bouddha le Sage, Platon le détenteur du Nom Caché, Galileo Galilei le vertigineux, Hegel le phénomène de l’Esprit, Nietzche le parfait inconnu qui cherchait, Ibn Arabi le réceptacle des mystères , Jalal Ad Din Rumi le mystique atomiste, Léonard Da Vinci le rêveur du grand œuvre, Saint-Augustin la voix du ciel, Fiodor Dostoïevski le mystique en transe , Victor Hugo le fantastique sondeur de l’âme, Shakespeare la parole mise en scène et… Al Maktoum le Cacheté.

La politique t’a valu cette étrange après-midi ô toi esprit policé dès l’origine que nul polissage profane ne peut atteindre. A l’heure des oraisons mystiques, ta poignée de sable aux grains à la puissance de l’atome voulut exploser sur les ennemis de la Solidarité Sénégalaise envoyés par un poète désemparé qui hante un palais improbable. C’est connu ! le secret de la fission de l’atome est révélé dans le laboratoire des mystères depuis Rumi au 13eme siècle. Alhamdou lillAh Dieu Soit loué, finalement la volonté n’a pas voulu.  Ah ! la volonté, ce feux étrange qui consume jusqu’à l’extinction entre les mains du père Aboul Hassan Shazaly le Maitre du maitre de Boussayri le chantre de Muhammad qui ta valu Fa ileyka Yaabna Mouhammadine Naadaanii.
Tu as parlé, parlé, parlé jusqu’à l’extinction de la voix dans la parole elle-même. C’est alors que la parole s’est faite homme, assise sur le promontoire de la vie, jetant un regard crépusculaire vers l’horizon infini, le bras levé comme un orant nous désignant le monde  des formes éternelles. Dans notre illumination nous n’avons vu que le doigt au lieu de la lune de la Vérité. Habitués aux noms, aux déterminants et aux qualificatifs nous avons oublié que le soufisme est une essence sans nom. Ne sont grands parmi les poètes que les esprits qui possèdent une parole haute qui se moque du firmament bravant les lignes de la vie.  Qui l’eut cru Serigne Cheikh Tidiane Sy ambassadeur présentant lettres de créances un lionceau en laisse ? Jamais homme n’a vu une métaphore aussi rugissante sur les bords fertiles du Nil, un lion tenant un lion devant le lion de la Nation arabe. L’esprit omniprésent était là surveillant la mise en scène qui échappa alors au monde profane par une opération du Saint esprit. Il  parti se loger dans les mystères véridiques anciens à l’ombre des corps  momifiés de Narmer, Touthmôsis et Toutankhamon.  Ô ! grand esprit tu nous as appris l’étonnement de l’âme devant ce corps qui refuse de pourrir dans la décomposition  refusant la poussière. C’est alors que le corps de l’homme éternua dans le tombeau recevant le ZiKR, le rappel du néant originel, brusquement il se décomposa provoquant la tranquillité, un ouf de soulagement dans l’âme. Ce fut ta manière terrifiante de parler de la mort.

 Pendant 13 longues années de retraite que de fantasmes développés à ton sujet démentis par une sortie souventes fois annoncée par de courtes missives à la tonalité nietzschéenne : « Un homme d’honneur doit toujours refuser d’être réveillé par un clairon ».  Finalement le souverain longiligne et haineux toute jalousie bue, recula après la terreur socialiste.  Ah ! le conflit, l’effroyable confrontation ! Révélée à nous par l’oniromancie de Joseph Fils de Jacob il s’en est fallu de peu que le PARC A MAZOUT devienne le 16 Février lorsqu’un « quidam » appela à la marche selon la version d’un futur souverain au crâne tondu.  Puis ce fut la salle de l’Unité Africaine où l’Unicité de Dieu se déploya  jusqu’au Pont Faidherbe entre les eaux salées et l’eau douce de Saint-Louis le pieux souverain. Le fils de Shamharouss était là salué par ta générosité.  Alors ce fut à Tivaouane d’accueillir l’esprit héliporté provoquant des scènes regrettables pour toi le disciple de l’inconnu Maodo ton seul Maitre que le grand Babacar Sy t’a offert.  

 Et puis ensuite vinrent les cinq années de retraite califale. Serigne Cheikh ou le califat mode d’emploi. Mode de vie, le vicariat fut toujours là présent depuis Adam, depuis David depuis Abou Bakr le véridique compagnon: Inni Djahiloune Fil ardi Khalifa. La mort, l’au-delà du bas monde, la métaphysique, les seuls thèmes depuis que l’esprit est sorti. Personne n’y a prêté attention ! Ton évocation de la Sierra-Léone, de Mobutu Sese Seko kuku Ngbendu Waza Banga  et sa probable mosquée et les « Afaarid » qui sont les Djinns les plus maléfiques, ont maintenu dans l’effroi plus d’un initié. Mais certains parmi eux connaissent les liens avec le Sénégal de Bour Sine Koumba Ndoffene. Ils vivent longtemps dans le mal, migrant de lieux en lieux, de souverains en souverains, d’époques en époques ces créatures immondes. L’esprit nous a averti ! Jusque dans la mort il n’a cessé de nous étonner. Il a choisi de reposer en ce lieu jadis stigmatisé par les croyances ancestrales du Cayor. Stupéfait par l’événement aucun Tivaouanois n’y a prêté oreille. La leçon est dite, le Maitre a parlé !

 Trois cents cinquante mille ans auront suffit à l’homme-esprit de s’éteindre définitivement  dans l’être ultime. Reposes en Paix Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum! Que ton âme vogue gaiement dans l’immensité profonde en compagnie des prophètes, des saints, des véridiques et des martyrs !

Khalifa Touré/Critique littéraire

776151166/706563800

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