lundi 14 décembre 2015

Émigration, liberté et servitude !









Depuis qu’il lui a été donné de marcher sur terre, l’homo-sapiens   a toujours quitté les zones hostiles où la vie humaine était précaire vers les prairies où l’herbe est verte partout. Il découvrira plus tard le tragique de l’existence humaine. En vérité si l’herbe est verte partout, il y en a qui est vénéneuse. Que l’on soit disciple du très controversé Darwin ou adepte du créationnisme, le fait est qu’il n’a jamais été dans le fort de l’homme de se donner volontairement la mort. Il est inscrit dans l’ADN historique de l’espèce humaine d’aimer, d’adorer et de s’accrocher à la vie, quitte même à tuer son prochain. Aussi, notre Lébou préféré, l’écrivain Abass Ndione, a-t-il raison d’affirmer sous sa barbe chenue que « les  émigrés clandestins ne sont pas des suicidaires.» On n’a pas besoin de lire Emile Durkheim pour savoir que l’émigré clandestin n’est pas dans le mode opératoire du suicide. Il veut vivre ! Il faudrait être plus sourd, muet et aveugle que le personnage de La Brute de Guy Des Cars pour ne pas entendre le cri de ces pauvres hères qui prennent des pirogues, bravant une mer hostile vers une Europe animée d’un grand désir d’apartheid. Une Europe plus hostile que la mer. « Barça ou Barzagh », « Mbekk mi », autant de formules qui nous font voir ces aventuriers des temps modernes, hommes femmes enfants, comme des béliers mythologiques, donner des coups de cornes sur la crête d’une mer qui ne leur offre que la mort. Décidément  l’avenir se refuse à eux. Leurs ancêtres n’ont-ils pas fait le même chemin ? On n’ose même pas dire que l’histoire se répète. Restons dans les proportions raisonnables. Ah l’Atlantique ! Il  est devenu tout noir à force d’engloutir et de voir autant de noirs passer. Depuis que l’éminent Paul Gilroy a jeté son fameux « L’Atlantique noir » sous le ciel assombri du monde des idées, nous savons que cet espace est à la fois un cimetière et un vaste monde de création et de recréation de l’identité noire. L’ADN historique et génétique des visages noires les plus divers est passé par là : William Dubois, Martin Luther King,  Jimmy Hendrix, Spike Lee….La migration qu’elle soit volontaire ou involontaire est un phénomène complexe et contemporain qui participe de notre modernité commune. C’est une histoire africaine mais aussi une histoire européenne. Les anciens systèmes, mercantile  ensuite capitaliste, ont par différents moyens poussé les hommes à partir ou bien même aller chercher des bras pour les faire travailler. Le capitalisme carnassier a aussi inventé un imaginaire euro-centré qui a cette faculté « démoniaque » de siphonner les consciences des autres peuples. Un système terriblement efficace dont les vecteurs principaux sont la langue, la littérature, le cinéma et  la musique. Quoi que vous fassiez, ils partiront. Même les femmes enceintes s’en vont. Ils sont possédés par le « démon » Europe. Ceux qui ont réussi à passer ne raconteront jamais leur mésaventure. Ils sont partis sur les routes d’une terre africaine malmenée et outragée par une élite qui a fini de cannibaliser les peuples et installer une prédation économique sans précédent. Depuis le fameux rapport Berg des années 80 nous savons que les dirigeants politiques africains n’ont même pas profité des marges de manœuvres laissées involontairement par les féroces institutions de Bretton Woods. Ces marges, quelque soit leur étroitesse était suffisamment « lisses » pour laisser passer de grandes politiques de croissance. Mais ils n’ont rien fait, occupés à suivre et caresser les anciens maîtres. L’esclave n’aime pas son ancien maître. Seulement il croit l’aimer. A force de brimades et de terreur, il en venu à un état d’imbécilité voisin de la démence. Il est vrai que des cas comme celui de Jean Bedel Bokassa et bien d’autres plus récents relèvent peut-être de la psychiatrie. Il ya des maladies mentales non encore diagnostiquées! Qu’ont-ils fait contre les effets dévastateurs de la sécheresse des années 70, l’exode rural, le dépeuplement des campagnes, le déséquilibre dans les villes, l’analphabétisme, le très dangereux analphabétisme ? Alors, les braves fils de l’Afrique se sont mis à braver le désert. Certains se font battre et torturer dans le Sahara, d’autres se font « enculajailler » par des maures lubriques. Ils reviennent complètement paumés s’ils ne perdent pas la tête. Dans leur folie ils racontent des choses terribles et vraies. Certains qui sont passés ne diront jamais qu’ils ont été violés. Il y en a qui ne reviendront jamais. Ils sont morts ! D’autres sont dans des caves, de grands trous creusés dans le désert où ils subissent les pratiques barbares de l’époque des Razzias. Ils ont le malheur d’habiter des pays où l’on hésite encore entre la liberté et la servitude. Les hommes sont mortels, mais les civilisations se suicident !

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