lundi 9 mai 2016

Fête du travail, procès de travail !





La plus triste des fêtes est la fête  du travail. Fête du travail mais aussi procès de ce travail qui n’a rien de naturel. Depuis l’invention du patronat et du capital, le travail est en procès. Il ne l’était pas avant que l’homme ne cesse d’être entrepreneur. L’homme est né entrepreneur, il n’est pas né employé. Mais il faut qu’il y ait des gens qui fassent le boulot. Et  le sale boulot est souvent du coté des employeurs. Le travail est une activité d’une rare complexité. Depuis la révolution industrielle qui a commencé paradoxalement en Angleterre et non au Japon , le pays le plus animiste du monde, plus qu’une culture c’est un culte du travail qui s’est installé dans ce monde où la modernité même a fini par se confondre avec l’activité harassante du travail et l’invention de machines, trop de machines qui finiront par tuer l’homme. Ce n’est plus le travail mais le surtravail qui est valorisé. 

Les hommes sont foncièrement animistes. L’invention des machines et plus tard la robotisation progressive fut une tentative de soulager l’homme mais surtout une projection de nos croyances primitives dans la machine, une tentative de donner une âme à tout ce que l’homme a fabriqué comme adjuvant. C’est pourquoi une civilisation comme le Japon sera toujours en tête dans le processus de  robotisation de la vie. Remarquez ! la course mondiale à la robotisation n’a pas eu lieu. L’Europe chrétienne et son prolongement américain n’ont pas suivi le processus. Ce serait une catastrophe. Il est des « progrès » technologiques qui resteront toujours en marge. Il y va de l’équilibre « spirituel » du monde mais aussi de la justesse de l’engagement des sociétés humaines dans la valeur économique du travail. Ne vous attendez pas au débarquement des robots en Afrique, à moins qu’il y ait une profonde révolution religieuse sur le continent. Malgré cette inclination quasi « naturelle » à donner une âme vivante à tout, les africains auraient eu peur des robots, une peur qui naitrait d’une peur plus profonde : La déshumanisation. Les africains ont une peur panique de la deshumanisation. Perdre son âme dans le modernisme, l’atomisation de la famille qu’ils appellent traditionnellement « perte de valeurs » est le péché le plus mortel en Afrique. 

Au reste il ya un culte du travail quasi systémique dans toutes les cultures africaines. Mais ce qui devra être discuté, approfondi et soumis à l’esprit critique est notre rapport au temps et au travail. Au-delà du temps de travail, dont le débat est fort utile dans toutes les sociétés qui font semblant d’être normales, c’est l’intensité et la fréquence du travail qui sont en cause pour un continent qui est en processus de développement. A quel  niveau de la vie, le travail devrait-il être porté pour un pays qui veut accélérer sans se faire mal? Il est clair que les revenus liés au travail dans un pays comme le Sénégal, ne pourront jamais faire développer ce pays économiquement. L’intensité et la fréquence du travail dans le temps, allié au nombre de personnes qui travaillent dans un système de production fertile et conséquente sont d’une faiblesse telle qu’il sera difficile d’envisager le développement dans des Etats lilliputiens comme le Sénégal, le Mali, la Gambie, la Guinée Bissau, le Niger, le Tchad et la Mauritanie. Les revenus liés au travail sont toujours assujettis à la démographie. Les plus optimistes diront qu’il faudra faire beaucoup d’enfants.  Face aux prévisions de stagnation future-proche de la population mondiale, il ya des raisons de s’inquiéter. Autant dire tout simplement que le regroupement en grands ensembles équilibrés pourrait être envisagé en Afrique. Quant aux revenus liés au Capital, mis à part l’Afrique du Sud et quelques autres pays qui marchent, ils restent encore faibles. N’oublions pas qu’à l’origine du Capital il ya le travail, on ne le dit jamais assez. Tout ce qui peut être en cause est que le Capital soit soumis plus tard à un phénomène d’accumulation incroyable et effrayant qui provoque de fortes inégalités et des crises systémiques. A quel pourcentage un pays comme le Sénégal appartient il économiquement aux sénégalais ? La réponse serait édifiante. Pour exemple, les États-Unis appartiennent à 95 % aux américains. Autant dire que la possession nationale du Capital est un critère d’évaluation des inégalités et de l’indépendance économique.  
  
Par ailleurs, depuis le désarmement idéologique mondial, c’est un syndicalisme à mille visages mais paradoxalement soumis à une neutralité politique qui tente de supplanter une gauche désemparée qui avait une fine expérience théorique et pratique du procès de travail. Le procès de travail est essentiellement théorique, mais non exclusivement. Les syndicats d’aujourd’hui qui cherchent des raccourcis pour éviter de se « fatiguer » avec les questions théoriques vont l’apprendre à leur dépens. Ils ont affaire aujourd’hui à une question aussi théorique et politique (sans être abstraite) que la libération de la force de travail national dans des entreprises comme SONATEL, ICS, CSS etc. Les syndicats sont à la croisée des chemins entre une société moderne qui revendique tout, jusqu’au droit à l’oisiveté, au gain facile et au bonheur gratuit ou à crédit et un Etat de type postcolonial qui hésite entre la libération nationale et la soumission facile. Même différé le procès de travail aura toujours lieu ! Entre temps les patrons feront la fête aux travailleurs.

Khalifa Touré
sidimohamedkhalifa72@gmail.com
 

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