La faiblesse du débat politique est constatée un peu partout dans le
monde. La chute du mur de Berlin n’explique pas tout. La supposée fin des
idéologies n’a pas du tout arrangé les choses. Les grandes querelles se
déportent vers le monde arabe et l’Atlantique témoins du choc brutal des
peuples en migration.
Au Sénégal il ya certainement
cinq grands penseurs politiques qui ont nourri de façon significative le débat politique depuis les années 50, il s’agit de Léopold
Sédar Senghor, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop et Majmouth Diop.
Abdoulaye Wade avait certainement l’étoffe d’un penseur politique mais il fut
surtout un homme d’action, un virtuose de l’action politique. Cet homme aurait
pu être le meilleur, s’il était
bon ! Le SOPI fut une option, une idée politique malheureusement reçue et
réalisée sous forme de slogan. Les partis politiques nés au 19eme se sont
toujours nourris de la pensée politique d’intellectuels résolument partisans. Les penseurs partisans sont à la politique ce
que l’oxygène est à la vie. La politique
se meurt parce qu’il n’ya plus de penseurs de parti.
En France, « le pays le plus politique
d’Europe » selon Karl Marx, il n’ya plus de penseurs de parti, même pas à
gauche. Les Alain Badiou et autres sont des penseurs politiques de gauche et
non des penseurs de parti. Ils ne sont pas partisans. Le seul penseur de parti
en France est un homme de l’ombre qui écrit des bouquins polémistes mais pleins
d’idées politiques et cet homme vient de l’extrême droite, il s’agit de Patrick
Buisson. Mais chose étrange Patrick Buisson n’est pas adepte des partis, mais
fidèle à ses idées si tant est qu’un parti de droite peut en être le terrain d’expérimentation.
Un penseur de parti est un homme individualiste, libre, qui travaille seul et
qui a des convictions profondes. Lorsqu’il a un tempérament solitaire il peut être dangereux parfois. Mais
les plus dangereux, et les plus nocifs sont les intellectuels qui pensent
qu’ils sont des penseurs de parti, en vérité des jouisseurs qui prennent leur
pied à manipuler le Président de la République. Ils sont souvent intelligents
et bardés de diplômes. Il y en a eu beaucoup autour de George Bush fils (Richard
Perle et Paul Wolfovitz). Quant à Obama,
il a gouverné sans un seul intellectuel
de parti. Bill Clinton doit sa réussite et sa popularité toujours grandissante
aux idées qui lui viennent du redoutable philosophe américain Michael Walzer.
Les années Reagan se sont nourries des thèses Walrassiennes de l’économiste
Milton Friedman. Même les papes les plus insignes ont eu des maitres et les
politiciens d’aujourd’hui poussent la fatuité
jusqu’à refuser des maitres, sous prétexte de démocratie et
d’égalitarisme. Tout le monde connait l’approche thomiste d’un Benoît XVI qui
lui vient certainement de l’étude fréquente de Saint Thomas l’un des plus
grands philosophe chrétiens avec Saint-Anselme et certainement Saint-Augustin.
Il est difficile aujourd’hui d’attribuer
un qualificatif à un politicien. Ils
sont inqualifiables, inclassables et cela ne fait pas d’eux des
iconoclastes de la politique. Ils sont
incolores, inodores, insipides. Des qualités qui ne sont bonnes que pour l’eau,
source de vie. Qui les a influencés ? Personne ne sait. Les influences
claudéliennes et la lecture fréquente du Père Pierre Teilhard de Chardin par
Léopold Sédar Senghor sont connues. L’économiste François Perroux et les grands
humanistes musulmans entre le IX et XIIIème siècle musulman ont forgé le président Mamadou Dia…
Il est vrai que la tradition des
précepteurs est consubstantielle à l’esprit aristocratique et comme les hommes
n’aiment plus la grandeur et la noblesse ils se targuent tous d’efforts
personnels. « Je me suis fais tout seul » entend-on souvent dire.
Rien de plus faux. Les self-made-men n’existent pas, c’est une création factice
qui nous vient de l’ultra-individualisme anglo-saxon. Personne ne peut se faire
tout seul. C’est juste une manière de créer de faux héros qui n’ont jamais
renoncé à quoi que ce soit. Ils sont juste chanceux et maitrisent les secrets
de la fabrication de la réussite sociale.
Lorsque la politique a cessé d’être
une activité de culture liée à la civilisation le débat est devenu de faible
intensité, les hommes politiques au Sénégal,
en France aux États-Unis, parlent comme des présidents d’Association ou
de futurs premiers ministres. Ils sont incapables de décliner des options
philosophiques à caractère moral sur de grandes questions liées à la vie en
commun. Un pays africain du nord a convié Emmanuel Todd et son équipe de venir
se pencher sur la démographie, parce que le taux de natalité baissait de façon
inexplicable. Lorsque les questions liées à vie, à la fin de vie, à notre être
avec les autres peuples ne nourrissent pas le débat politique, le volume
devient faible et influence par « ricochet » les autres sphères
d’idées. Mais qu’ils sont nuls comme leurs pattes et ennuyeux à mourir certains
de nos artistes, avocats, journalistes, étudiants et syndicalistes qui
prétendant convertir les politiciens qu’ils jugent corrompus. Aucun d’entre eux
ne peut débattre avec Abdoulaye Wade,
Jean Paul Dias, Me Doudou Ndoye ou Mamadou Lamine Loum. Mais se mesurer
à la médiocrité n’est pas une ambition. Il est loin la période où le
journaliste Daouda Ndiaye faisait parler sur un même sujet Tidiane Sylla
ministre du tourisme, les professeurs Babacar Kanté, Hamady Aly Dieng et Mouhamadou
Moustapha Kane.
Alors dans ce contexte
d’anti-intellectualisme des partis politiques, quel est le travail des Diène
Farba Sarr, Luc Sarr ou El Hadji Kassé à l’APR, Hamidou
Dia près du président Macky Sall, et Pierre Sané au PS ; que font-ils
réellement ? (Une affaire à suivre)
Khalifa Touré