lundi 26 novembre 2012

Djibril Diop Mambety, le poète de Colobane.





L’art n’est peut-être pas une théorie de la connaissance comme la philosophie mais il reste une source insoupçonnée de savoir qui nous échappe. On peut même dire de façon prosaïque qu’il est des artistes qui sont de loin plus profonds que ne le sont certains philosophes. Le cinéma de Djibril Diop Mambéty est malheureusement une de ses œuvres artistiques dont la contribution au dévoilement du réel n’est pas suffisamment mise en exergue.

Cinéaste de l’étrange, du non-dit et de l’impensé, Djibril Diop Mambéty est sans nul doute l’un des créateurs africains les plus explosifs. Acteur, metteur en scène et scénariste, ses œuvres n’ont certainement pas finis de nous révéler les secrets de la vie. Il n’a jamais cessé de nous entrainer dans les méandres de la ville africaine, des bas-fonds, chez les petites gens, les laissez pour compte, « les damnés de la terre ».

Cinéaste de l’urbanité, de l’underground et de la « perversion » des villes qui fabriquent fatalement un lumpenprolétariat réduit au silence comme ce vieux casseur de pierres dans « la petite vendeuse de Soleil ». Cinéaste déroutant par son symbolisme pourtant transparent, ses dialogues décalés et son nihilisme esthétique qui lui vient de la lecture de Nietzsche, Djibril Diop « sacrifie » la narration au profit visuel et du symbolique. En une image, il exprime beaucoup de choses. Djibril Diop est le cinéaste du fourmillement et de la multitude d’images suggérées. Quel paradoxe !

La posture esthétique de Djibril Diop est éminemment politique. Mambéty est un révolté qui ne crie pas sa colère sur tous les toits. Derrière son calme apparent il ya une colère zénithale. Regardez ce chemin de croix effectué par une Afrique dévaluée à travers sa monnaie symbolisée par le personnage de « Marigo » dans « LE FRANC » qui traine avec une porte et tombe plusieurs fois comme Jésus Christ sur le chemin du mont Golgotha ! Que dire de ce monisme religieux et syncrétique des africains dans la mémoire de qui sonnent le chant du muezzin et l’image du héros Ceddo toujours exprimé dans « LE FRANC » ? Chez Djibril Diop nous avons tout intérêt à chercher des réponses à nos contradictions telles que exprimées dans « HYENES » où les hommes cannibalisent leurs semblables comme les bêtes sauvages et cela à vil prix.

Mambéty a tenté de nous révéler une certaine modernité africaine par une réinvention de l’écriture cinématographique. Voilà sa grande contribution. Du reste, il est jusqu’ici le seul cinéaste Sénégalais en compétition officielle au festival de Cannes. C’était en 1992 avec « HYENES ».

Né à Dakar en 1945, Mambéty est décédé le 23 Juillet 1998 emportant avec lui les secrets de sa fêlure qui était déjà manifeste dans « Touki-Bouki », son premier long-métrage.

Khalifa Touré

1 commentaire:

  1. "IL SERAIT BIEN POUR LE FUTUR DU CINÉMA DE SAVOIR QUE L'AFRIQUE EXISTE" Djibril Diop Mambety

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