jeudi 15 novembre 2012

Pornographie, vénalité et voyeurisme en République du Sénégal


‘Lorsque les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites’ (ST-Paul)

L’observation minutieuse de la société sénégalaise et des individus qui la composent, révèle une forme particulière de vénalité et de déréliction liées au sexe. Un phénomène qui frise dangereusement la perversité, c'est-à-dire la sortie hors-norme de la fonction naturelle de la sexualité.
La sexualité, une des modalités d’existence de l’homme, est peut-être avec la foi, l’une des formes d’expression les plus puissantes de l’homme dans la société. C’est la raison pour laquelle elle est naturellement « comprimée » dans un ensemble de normes sociales qui lui offre la voie à suivre. Lorsque ce processus de socialisation est rompu ou perturbé par la tendance particulière au « désenchantement spirituel » qui caractérise aujourd’hui la société sénégalaise, nous pouvons assister à une forme d’expression de la sexualité dangereusement perverse.

Il existe des éléments notables dont la fonction est de contrôler ou éduquer la sexualité débridée. Il s’agit des constructions morales fabriquées par la société, la religion, mais aussi deux éléments psychologiques importants que sont l’horreur et le dégoût. Lorsque l’un quelconque de ces éléments est absent, le risque est énorme de voir la sexualité quitter sa fonction naturelle pour se déployer ailleurs. Il s’agit ici de la diversion sexuelle.

Au Sénégal, le religieux est très prégnant. Mais attention ! L’omniprésence du religieux n’implique toujours pas que la religion en tant que telle, joue sa véritable fonction. Malgré ce brouillamini  religieux, les Sénégalais éprouvent des difficultés à convoquer la religion dans sa dimension spirituelle et morale. Ils entretiennent un rapport étrange avec la religion, un rapport qui peut être qualifié d’attraction-répulsion. Tout ceci concourt à expliquer la propension des Sénégalais à afficher de façon ostensible leur appartenance religieuse et, dans le même temps, leur amour presque « culturel » des choses érotiques. Nous avons une société très érotisée.

Dans la société traditionnelle, Eros et tout ce qui est lié à la sexualité étaient maîtrisés parce que suffisamment socialisés. La découverte de la « chose » participait au processus de socialisation de l’individu. Aujourd’hui, des formes de déviance comme la consommation abusive de la pornographie qui est une variante particulière et facile du voyeurisme et qui n’a rien à voir avec l’érotisme, les pratiques contre-nature comme la pédérastie, l’étalage éhonté du sexe gratuit à travers le petit écran, le commerce de la chair, le dévoilement public de tout l’arsenal érotique (visuel, tactile) dont la riche culture africaine recèle, sont d’une banalité telle qu’ils n’offusquent que les personnes qualifiées de ringards.

Au Sénégal, il existe une forme pernicieuse de diffusion illégale de la pornographie à travers les réseaux câblés qui piratent des chaînes X à des fins bassement commerciales. Tout le monde le sait et personne n’en parle. Dans une ville pas loin de Dakar, « un réseau-man » s’est permis de diffuser habituellement du porno-hard en plein jour. Il a fallu que des pères de famille consciencieux se plaignent pour qu’ils arrêtent ces pratiques « diaboliques ».

La crise du cinéma au Sénégal avec son corollaire (la fermeture des salles qui ont fait faillite, faute de clients) est un facteur favorisant. Les quelques salles qui restent, diffusent de la pornographie pour exister et faire face à la menace de fermeture.

Quant au petit écran, une attitude particulièrement laxiste des autorités de régulation et des directeurs de programme expose aujourd’hui les enfants à une pluie d’images et d’émissions qui heurtent les jeunes consciences. L’on oublie souvent qu’il existe des images hallucinantes et même subliminales qui ont l’air banales mais qui, à force de consommation, peuvent déstructurer l’individu. Il existe des clips au Sénégal qui ne peuvent être diffusés dans aucune chaîne publique en Occident. Tout le monde se souvient de l’incident créé par Janet Jackson qui a dénudé involontairement un sein lors d’un concert ; ce geste qui peut paraître anodin face aux images des soirées sénégalaises, a valu à la chanteuse la menace d’être interdite de télévision aux Etats-Unis parce que l’émission passait à une heure de grande écoute.

Le film français « Les choristes » a été interdit aux moins de douze ans par les Américains parce que, tout simplement, il s’y trouve une scène où un enfant profère des gros mots. Que dire de « Saa Neex », champion de la vulgarité et de l’injure ? Il serait « enterré vivant » dans des pays très conservateurs comme les États-Unis et l’Angleterre.

Aucun effort de censure n’est opéré par les autorités, du moins on ne le sent pas. Les responsables de nos chaînes de télévision jouent avec le feu. Le sexe peut rendre fou. Lorsque le sexe sort de son lit naturel, elle peut se draper du manteau du diable pour frapper de sa main lourde toute une civilisation. Le néo-marxiste américain d’origine allemande Herbert Marcuse l’a compris lorsqu’il écrit dans Eros et Civilisation (1955) : « Contre une société qui utilise la sexualité comme moyen pour réaliser une fin socialement utile, les perversions maintiennent la sexualité comme une fin en soi ».

Aussi le sémillant psychologue Serigne Mor Mbaye a-t-il raison d’écrire : « La main du diable est tendue sur le Sénégal, nous irons tous en enfer ». Au-delà de la dimension eschatologique de l’expression, c’est toute l’horreur et la misère morale et sexuelle vécue par les Sénégalais qui se trouvent exprimées dans ces propos.

Khalifa TOURE
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1 commentaire:

  1. très bonne analyse, je pense que les organes de régulation, qui ne le sont que de nom sont de connivence, comme les médias d'ailleurs avec les classes dirigeantes pour entrainer les masses populaires sur cette voie et les divertir et les abrutir, comme ça ils pourront à coeur joie détourner les deniers publics. je ne saurais expliquer autrement la profusion de films insipides et qui véhiculent des messages complètement en porte à faux avec la morale et la promotion d'individus vulgaires et sans vergogne

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