« La
crise de la foi n’est pas étrangère à la crise de la conscience qui
affecte notre société. Et il est bien vrai au reste qu’une société
équilibrée donne une sexualité équilibrée. Non l’inverse !»
Abdelwahab Bouhdiba
De prime
abord et à l’évidence, les affaires Ndeye Gueye, Diomboss Diaw, Cheikh Yerim
Seck, Tamsir Jupiter Ndiaye et bien d’autres n’ont rien à voir dirait-on. Mais
méfions de l’évidence, elle nous cache souvent la réalité. Il existe des
vérités évidentes et de mensonges évidents. Ces différentes affaires à
connotation sexuelle telle qu’elles sont posées de façon désinvolte risque de
nous priver de l’interrogation fondamentale sur les problèmes de socialisation
de notre sexualité dans une société de plus en plus déséquilibrée. Ces affaires
si différentes qu’elles soient peuvent
être « ramassées » et analysées de façon indifférenciée.
Aussi le
sociologue Tunisien Bouhdiba a-t-il trouvé juste d’écrire dans son
ouvrage monumental, La sexualité en Islam : « Une
société équilibrée donne une sexualité équilibrée. Non l’inverse ! »
La société est donc le facteur le plus explicatif (il y a d’autres facteurs)
qui permet de comprendre l’un des ressorts les plus puissants de l’être humain
qu’est la sexualité. La fonction informative de la société nous donne, en
partie, des réponses provisoires aux pratiques sexuelles de plus en plus
déséquilibrées d’une part, et la projection de cette fausse sexualité, cette
« sexualité mensongère » sur des supports vidéos d’autres
part, n’en est pas moins pervers au sens freudien c’est-à-dire déviant.
Au Sénégal les conduites sexuelles liées au caractère fuyant des sociétés
modernes revêtent de plus en plus un aspect déroutant par leur complexité.
Les
expériences de la vie vont aussi vite que le monde moderne, un monde de la
vitesse et de la compression du temps. Dans cet univers de la
« téléréalité », (càd la réalité à distance ou l’irréalité,
bref la fausse réalité ou la réalité mensongère ), la curiosité, qui est
véritablement un vilain défaut, pousse beaucoup de jeunes et de jeunes adultes
d’aujourd’hui à s’intéresser d’abord et puis ensuite par touches successives,
à consommer des produits sexuels toxiques ( PST).
Le sexe est
à gogo au Sénégal, à vrai dire : Les clips érotiques non censurés par les
chaines de Télévision, les films et téléfilms à caractère obscène,
les scènes de lit de plus en plus nombreux dans les téléfilms Sénégalais
appelés abusivement « Théâtre », la nudité publique et les
habits indécents, les danses obscènes, les « sabars » devenus des
séances de strip-tease, l’irresponsabilité et l’inconscience des parents face à
l’outil INTERNET réduits qu’ils sont à ne satisfaire que les besoins animaux de
leurs enfants etc. Tout cela se passe au Sénégal, le pays des grands marabouts.
Tout cela devra être expliqué un jour. Malgré toute cette production de
sexe gratuit, la misère sexuelle est présente à travers ce
sentiment d’insatisfaction permanente qui frappe une société sexuellement
déséquilibrée.
L’obscénité
et la vulgarité tuent l’érotisme qui est indispensable à une vie sexuelle
équilibrée. La pornographie et l’exposition vulgaire du sexe sont en train
d’annuler progressivement l’immense patrimoine érotique dont recèlent les
différentes civilisations du monde. Sans tomber dans les clichés de
l’orientalisme, l’on peut dire que les cultures orientales, Arabes et Indiennes
en particulier, ont offert au monde un trésor érotique et littéraire qui
appartient au « patrimoine culturel mondiale ». Prise sous cet angle,
la pornographie est une catastrophe culturelle aux conséquences
insoupçonnées.
Il n’y a
aucune honte particulière d’écrire aujourd’hui, qu’au Sénégal depuis quelques
temps s’est installé une habitude particulière chez les
« jet-setters » de filmer leurs ébats sexuels (pas forcément
amoureux) histoire de pimenter « leurs affaires » mais surtout pour
ne pas être frappé par « le syndrome Matiou » qui rappelons-le, a été
accusé de viol par deux jeunes mineures qui selon le sieur Matiou, était bien
consentantes.
S’il
avait filmé la scène, dit-on, il aurait pu prouver son innocence. Depuis lors
« les films érotiques réalisés à la maison » pour protéger ses
arrières sont devenus une pratique assez courante au risque par ailleurs qu’ils
tombent malencontreusement entre les mains de Madame où qu’ils se retrouvent
sur le Web. La mésaventure est arrivée à un célèbre jet-setter, chanteur de son
état. Sa femme, au frais de qui il vivait, l’a chassé définitivement de son
domicile.
Dans tous
les cas, la pratique existe et mérite une réflexion serrée, en rapport
avec l’évolution des mœurs dans notre pays. Elle peut être assimilée à un
phénomène d’involution liée à la modernité, à l’urbanité et à un
usage excessif de la liberté. Existe-t-il des libertins au Sénégal ?
Oui et non à la fois. Les libertins, les vrais, sont des incroyants pour la
plupart, des athées. Je ne connais pas un seul nègre athée (Il n’en existe
certainement pas beaucoup). Au 18ème siècle Le Marquis De Sade a passé
trente années non successives de sa vie en prison, pour crimes libertins. Ce
grand philosophe n’a rien à voir avec nos libertins d’aujourd’hui.
C’était un athée convaincu, un naturaliste. Il était libertin par excès de
naturalisme et d’athéisme.
Les
libertins de notre époque sont bien loin de poursuivre un but philosophique par
la plongée vertigineuse dans les méandres de la corporéité accompagnée par une
réflexion simultanée sur le corps, le désir et la passion. Les libertins
d’aujourd’hui sont tout simplement des pervers sexuels par accoutumance
qui jouent dangereusement avec l’objet sexuel.
Au Sénégal
l’affaire Diomboss Diaw et les amis d’Oumar Sarr, ministre de la
république, qui ont piégé et filmé les privautés sexuelles de leur adversaire
politique, histoire de liquider Diomboss en le compromettant est l’un des
exemples les plus connus. Le plus grave dans cette affaire est que le
commanditaire de cet « attentat » n’est nullement inquiété et c’est la moralité de la
victime qui est davantage mise en cause que les metteurs en scène de cette
forfaiture. Ni l’un, ni les auteurs ne sont exempts de reproches. La société sénégalaise
est très sexuée, mais cela ne veut pas dire que les sénégalais sont protégés
contre la misère sexuelle.
Depuis la
période de la détérioration des termes de l’échange, les plans de rigueurs
imposés par la banque mondiale, la dévaluation du CFA, la transformation de nos
Etats en oligarchie mafieuse et cannibale, une misère sociale s’est
progressivement installée, accentuée par un phénomène d’individuation
mal vécue surtout dans les villes. « Les Sénégalais sont capables
maintenant de tout » entend-on dire de plus en plus. Ce qui est une
remarque à sens ambivalent en ceci qu’« être capable de tout »
peut être une performance mais aussi une régression, une chute vertigineuse. «
Être capable de tout » est tout compte fait une expression de crise, une
traduction linguistique de la misère sociale qui par endroit peut entrainer la
misère sexuelle. Regardez ces pauvres Gigolos qui se coltinent des vieilles
femmes européennes ou africaines ! La plupart d’entre eux sont d’ailleurs
obligés de « se souler la gueule » pour supporter ces vieux corps
décrépis, qui leur procure le dégoût.
Sigmund
Freud a écrit dans « Trois essais sur la théorie sexuelle »
qu’il existe chez l’homme quatre(4) éléments qui peuvent constituer des
résistances aux pratiques sexuelles déviantes : La pudeur, le dégout,
l’horreur et la douleur. Ces barrières sont des murs difficilement
franchissables. Lorsque l’une d’entre elles est détruite ou contournée c’est le
début de la perversion. C’est peut-être le cas de ces « jeunes filles de
Grand Yoff » et de tous ceux qui au Sénégal depuis quelques temps
introduisent de « nouvelles » mœurs pas forcément étrangères ;
ces pratiques sont des fabriques locales. Elles alimentent la presse de
caniveau et s’érigent aujourd’hui en « mouvement » subculturel qui
mérite une étude plus approfondie.
Enfin, il ya
lieu de dire que pour miner les fondements d’une civilisation le sexe est
l’arme idéale de destruction massive. Un penseur comme Georges Lukacs l’a compris en
proposant un terrorisme culturel par l’enseignement d’une sexualité débridée
dès le bas âge afin de détruire la chrétienté. Cette idée a été reprise par Herbert
Marcuse dans « Eros et civilisation.»
KHALIFA TOURE
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